La décision est inédite. Déclaré coupable d’association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, condamné à cinq ans de prison ferme avec mandat de dépôt différé assorti d’une exécution provisoire, Nicolas Sarkozy ira en détention. La décision de l’exécution provisoire prive l’appel de son effet suspensif qui, dans le cas de l’ex-chef de l’Etat, lui aurait évité la prison dans l’attente d’une condamnation définitive.

Plus que la peine elle-même, c’est l’exécution provisoire qui a fait le plus vivement réagir des personnalités politiques de droite et d’extrême droite, mettant en cause l’impartialité des magistrats. La cheffe du Rassemblement national Marine Le Pen, condamnée en première instance à cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire dans l’affaire des assistants parlementaires européens, a qualifié sur X ce principe de « grand danger, au regard des grands principes de notre droit, au premier rang desquels se trouve la présomption d’innocence ».

« Cette histoire de vengeance des magistrats, c’est une fable »

Au parti Les Républicains, l’eurodéputé François-Xavier Bellamy, numéro 2 du mouvement, a dénoncé sur X « un traitement exceptionnel, que rien ne justifie [et] dit tout de ce jugement politique ». Un élu du sud de la France a évoqué, auprès de 20 Minutes, son « impression que la justice voulait se payer Sarkozy. Qu’il y a une volonté de lui nuire à titre personnel ».

« Je comprends que Nicolas Sarkozy se défende, déclare ce vendredi à 20 Minutes Ludovic Friat, président de l’Union syndicale des magistrats (USM). Ce que je regrette, c’est qu’un ancien président de la République, qui, à ce titre, est garant de l’indépendance judiciaire, laisse à penser qu’il n’aurait été condamné que pour ses idées, que parce que c’était lui, et non pas par rapport aux actes qu’il a commis. »

Selon Ludovic Friat, « cette histoire de vengeance des magistrats, de gouvernement des juges ou de « politburo » judiciaire, c’est une fable. Et c’est une façon aussi, de ne pas parler du fond du dossier avec des faits graves, à savoir la recherche de financements auprès d’un gouvernement étranger et terroriste, qui a le sang de nos concitoyens sur ses mains ».

« Une intolérance profonde aux contre-pouvoirs »

Le magistrat regrette la « rhétorique trumpienne systématique et dangereuse pour le contrat social » selon laquelle « les juges sont des ennemis politiques ». « Les juges n’ont pas de ligne politique, souligne le président de l’USM. Les juges sont des arbitres qui appliquent la loi que les politiques ont votée ».

Alors qu’un avocat de Nicolas Sarkozy a rappelé ce vendredi sur BFMTV que la présidente du tribunal ayant condamné son client, Nathalie Gavarino, avait participé en 2011 à une manifestation de l’USM contre Nicolas Sarkozy, Ludovic Friat balaie toute vendetta. « Là aussi, c’est de la fable. La magistrate est intervenue à l’époque, comme 90 % du corps judiciaire, pour défendre des collègues. On est dans un storytelling, a posteriori, pour dire que la condamnation a été prononcée par des opposants politiques. La prise de position syndicale ne peut se confondre avec un combat politique. »

Le procès fait à un prétendu « gouvernement des juges » n’est, pour Nicolas Hervieu, juriste en droit public et enseignant à Sciences Po, que le symptôme « d’une intolérance profonde aux contre-pouvoirs ». Le juriste, qui s’exprimait auprès de Libération après la condamnation de Marine Le Pen dans l’affaire des assistants parlementaires européens, avance que « derrière cette idée des juges « tout-puissants », il y a une intolérance profonde aux contre-pouvoirs et à l’idée qu’un élu – aussi populaire soit-il – puisse répondre de ses actes devant la loi ». « Plus [ces personnes] sont puissantes, plus elles sont intolérantes à l’idée d’être contrôlées par d’autres », estime-t-il.

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Selon un sondage Ifop paru le 4 avril pour Ouest-France, deux tiers des Français (64 %) se disaient contre une modification de la loi qui viserait à supprimer l’exécution provisoire pour un élu condamné en première instance.