«Les lutteurs, on est souvent vus comme des superhéros, et c’est bien de montrer que même les superhéros peuvent mettre un genou à terre. Qu’ils peuvent se relever aussi», souffle Philippe Munger, qui se retrouve depuis jeudi au cœur d’une œuvre jeunesse portant son nom de scène, aux Éditions de la Bagnole (Collection Mini Punk).

Nathalie Dupont, qui signe le livre avec l’illustrateur PisHier, ne peut que sourire en entendant ces mots. Elle qui avait en tête des visées similaires, en imaginant le projet au départ. «Je travaille avec les tout-petits, et c’est tellement un sujet tabou la santé mentale, ça peut toucher n’importe qui.»

Nathalie Dupont et Philippe Munger ont développé un lien spécial, ces dernières années.

Le duo nous rencontre à Place centre-ville Jonquière, à l’occasion de son tout premier salon du livre. À quelques minutes, aussi, de sa toute première séance de dédicaces, qu’on devine déjà fructueuse.

Grand engouement

Car à peine l’entrevue avec Le Quotidien débutée, le lutteur est reconnu par quelqu’un à proximité. «Vous êtes DGenerate, hein?»

Il faut dire que le Jonquiérois a une chevelure mémorable, ainsi qu’un chandail à son effigie. Mais la scène témoigne surtout du grand engouement entourant la lutte, dans la région comme à l’échelle du Québec. Et de la notoriété de Philippe Munger, qui durant les 20 dernières années s’est taillé une place enviable, dans le milieu.

L'histoire est racontée avec les mots de Nathalie Dupont et les dessins du Jonquiérois d'origine PisHier.

«C’est fou raide! Au milieu des années 2000, si tu avais 100 personnes dans la foule, t’étais fou comme de la marde. Maintenant, ce n’est pas rare qu’on a des 500, 600, 1000, 2000 spectateurs. On retrouve tout type de personnes dans l’assistance», se réjouit le principal intéressé, en évoquant notamment l’ascension des Québécois Kevin Owens et Sami Zayn dans la WWE pour expliquer le phénomène.

Mieux comprendre

Le livre lancé jeudi, DGenerate: La lutte expliquée aux enfants, risque encore d’attirer quelques nouveaux amateurs. Ou du moins de permettre aux jeunes de mieux comprendre la discipline. Des plus exigeantes, même si arrangée.

Puis ça permet aussi de connaître, à travers les mots de Nathalie Dupont et les dessins de PisHier, le parcours de Philippe Munger. De ses premières prises faites dans le vide et devant la télé, sur le tapis du salon, jusqu’à ces très longues balades à bicyclette pour débuter sa carrière, à Jonquière.

Philippe Munger a repris goût à la lutte depuis 2019, et est aujourd'hui fier de partager son histoire.

«Je n’avais pas de voiture. Alors, je partais d’Hébertville pour me rendre jusqu’à Saint-Bruno en vélo, hiver comme été, à -40 degrés comme à +20. Et après, je faisais du pouce de Saint-Bruno jusqu’à Jonquière pour aller lutter. J’ai fait ça pendant au moins deux ans.»

Sans tabou

En fait, le lutteur se dévoile entièrement dans le livre. Abordant avec légèreté, mais sans le moindre tabou, les moments plus difficiles de son parcours, de même que l’aide cruciale offerte par Nathalie Dupont, à qui il doit beaucoup (même la fabrication de quelques costumes).

Il s'agit d'un premier livre pour Nathalie Dupont.

«J’ai eu des périodes sombres, et c’est quelqu’un qui m’a grandement aidé à me remonter. […] Elle cognait à la porte, j’ouvrais et il y avait des sacs d’épicerie, des bûches de Noël», se souvient en riant Philippe Munger, qui a fait face à une grande dépression entre 2018 et 2019.

«Ça faisait longtemps que je n’avais pas pris ma machine à coudre, raconte pour sa part Nathalie Dupont. Mais il m’a dit qu’il ne pouvait pas revenir s’il n’avait pas de costumes. Alors j’ai dit : si ça prend juste ça, je vais la ressortir!»

Une histoire de famille

Grande fan de DGenerate dès la première heure, celle qui en est à un premier livre baigne depuis longtemps dans l’univers de la lutte. Qui chez elle est une histoire de famille.

Philippe Munger (ici à droite), œuvre dans le milieu de la lutte depuis deux décennies.

«Moi j’avais suivi un cours de lutte pour me remettre en forme, mais ils m’ont retournée parce que j’avais zéro talent, pouffe-t-elle. Mais finalement, mon chum, lui, a été accepté et a longtemps lutté. Ma fille [aînée] avait 5 ans à l’époque et elle a commencé tranquillement.»

Il s’agit, aux yeux du duo, d’une belle avenue pour développer sa confiance. «Moi, [mon personnage], ça m’a permis de sortir de ma coquille, d’exploiter mon potentiel», confie Philippe Munger, qui est passé durant sa carrière du rôle de «psychopathe» à celui du «lutteur de comédie».

Lancé jeudi, le livre racontant son parcours est disponible dans la plupart des librairies, de même qu’au Salon du livre, tenu jusqu’à dimanche à Place centre-ville Jonquière.