Ils l’attendaient impatiemment depuis de longs mois. Sur le quai Perrache, à Lyon, à la confluence du Rhône et de la Saône, ils étaient plus de 750 à acclamer celui qu’ils considèrent comme leur « libérateur ». Après plus de cinq années de politique écologiste « clivante et idéologique » menée dans la ville, les sympathisants du mouvement « Cœur Lyonnais » comptent sur Jean-Michel Aulaspour « retrouver leur ville ».
A deux pas du pas du stade Gerland, où l’ancien président de l’Olympique Lyonnais a écrit les grandes heures de l’histoire sportive de la ville, Jean-Michel Aulas fait sa mue en politique. Costume sombre et cravate noire nouée sur le col, il arpente les allées de la salle suivi par les jeunes militants de Génération Aulas. Tout est calculé, les slogans entonnés devront devenir des tubes de la campagne : « Aulas maire de Lyon », « Aulas 2026 ! ». Le public, peu rôdé à l’exercice, peine à suivre les plus enthousiastes.
« Oui, nous allons nous porter candidats pour reprendre ensemble notre destin », lance-t-il à la foule. Devant lui, un parterre d’invités, d’élus et de personnalités du monde associatif, culturel et entrepreneurial. Parmi eux, le ministre démissionnaire François-Noël Buffet, l’ancien maire Michel Noir et le maire du 2e arrondissement Pierre Oliver pour la droite. Le représentant des jeunes avec Macron, Ambroise Méjean, est également de la partie, en compagnie du sénateur radical Bernard Fialaire. « Nous ne sommes pas d’un parti, nous voulons réunir toutes les sensibilités », clame-t-on dans l’entourage du candidat. Jean-Michel Aulas aurait donc réussi, localement, à réunir “le socle commun” que Sébastien Lecornu peine à fidéliser au gouvernement.
Pas question donc de ranger le chef d’entreprise dans une case. « On dit que je suis trop à droite, on m’a même traité de nazi, s’insurge le candidat sur scène, mais nous savons travailler avec la gauche, la droite et les écologistes constructifs. » Jean-Michel Aulas veut miser sur son parcours pour séduire son électorat. Celui d’un entrepreneur parti de rien qui a réussi et est devenu l’un des acteurs majeurs de la ville. « Je n’ai jamais quitté ma ville, je n’ai jamais cherché un exil fiscal », vante-t-il.
« Lyon n’a pas su protéger ma fille »A LIRE Lyon : une génération derrière Jean-Michel Aulas
Un argument choc pour ses partisans. « C’est un gagnant, pour Lyon c’est vital », s’enthousiaste Charlotte, une quinquagénaire venue avec une amie. Dans la salle, le ressentiment envers le maire sortant écologiste, Grégory Doucet, est fort. « Il y a une concentration des pouvoirs, un pouvoir très vertical comme s’il détenait la vérité absolue », regrette Luc, ingénieur de 37 ans.
Pour illustrer le clivage qui s’est installé à Lyon depuis 2020, Laure Cedat introduit d’un poignant discours le candidat. Celle que l’on peut régulièrement croiser sur la place des Terreaux ou dans le quartier Saint-Georges a payé cher la politique écologiste mise en place sur la voie publique. En cause, les voies mixtes, partagées entre les bus, les cyclistes et les trottinettes, à proximité des automobilistes. Sa fille de 15 ans, Iris, et son petit-ami, Warren, ont été percutés en août 2022, alors qu’ils circulaient en trottinette « dans leur droit ». « Ma vie s’est brisée. Lyon n’a pas su protéger ma fille », confie-t-elle devant une salle silencieuse.
Égrenant son parcours, depuis à la tête de l’association du quartier Saint-Georges, elle a fait des voies mixtes l’un de ses chevaux de bataille. En mai 2024, une nouvelle voie partagée est installée : « je n’ai pas supporté que l’on incite les Lyonnais à les emprunter malgré le danger que l’on connaissait ». Dans une lettre ouverte, la militante associative tient pour responsable les dirigeants municipaux des accidents à venir. Un mois plus tard, une jeune femme de 20 ans est de nouveau tué au même endroit qu’Iris.
« J’ai vu la ville des frères Lumière se recroqueviller, s’éteindre, devenir un chantier ouvert et un labyrinthe d’embouteillages », décrit la jeune femme. Un changement « trop rapide » aux méthodes contestées : « absence de bon sens, verticalité ». « On s’est vu relégué dans une petite case, traité de ‘fascistes’, comme d’autres Lyonnais qui essayent simplement de se faire entendre », se souvient-elle. En larmes, elle ponctue son discours : « Je vous le demande, Jean-Michel Aulas, rendez-nous Lyon ! », sous les applaudissements nourris et prolongés de la salle chamboulée. « Laure, Lyon vous doit beaucoup, j’ai bien l’intention de veiller à ce que Lyon s’acquitte de sa dette envers vous », lui répond quelques minutes plus tard le candidat.
“Tu vois, ici à Lyon, tout est possible”
Dans un discours mêlant souvenirs sportifs et engagement civique, l’ancien patron de l’OL a convoqué une anecdote de 2005, entendus à la sortie du stade Gerland : « Après une victoire 3-0 contre le prestigieux Real Madrid, j’ai entendu un père dire à son fils : “Tu vois, ici à Lyon, tout est possible.” »
« Dans ce match, il n’y aura pas de perdants, seulement des Lyonnais à rassembler et à tirer vers le haut », a conclu le chef d’entreprise. Mêlant pragmatisme et consultations, Jean-Michel Aulas entend mettre fin aux « raisonnements dogmatiques », rétablir « la sécurité comme préalable à toutes les libertés », gérer « les finances publiques avec sérieux », et sortir Lyon « bloquée dans une vision passéiste ». Le match s’annonce rugueux.