On sait que l’eau est menacée en quantité, mais elle l’est aussi en qualité. De quoi souffre-t-elle ?
L’eau douce représente moins de 1 % de l’eau disponible sur terre. Elle subit de grandes pressions au niveau planétaire. Ces pressions viennent de trois principaux acteurs : l’agriculture, l’industrie et les usages domestiques. Les citoyens sont la clef. Ce sont eux qui ont des besoins agricoles, industriels et domestiques. Sans accuser le citoyen, on peut dire qu’il a un lien avec la pression qui pèse sur l’eau dans la mesure où ses actions, ses choix ont un impact sur sa qualité. Quand on achète un kilo de bœuf, en considérant tout ce qu’il a fallu pour le produire, cela a un impact sur l’eau. Les trois acteurs qui pèsent sur l’eau déversent tous des micros polluants. On va trouver des micropolluants dans tous les produits qu’on utilise, du shampoing, aux intrants chimiques, en passant par les solvants et les détergents. Tous ces micropolluants arrivent donc jusqu’à l’eau et elle se trouve confrontée à un cocktail de molécules. Certains micropolluants sont dans l’eau en très faible concentration. Mais ils peuvent rester dans l’eau longtemps en version chronique. L ’un des challenges de l’écotoxicologie est d’évaluer ce que peuvent faire des molécules quand elles sont mélangées en cocktail, même à des faibles concentrations et sur des temps longs.
L’eau est donc polluée, mais elle est vitale. Les politiques publiques sont-elles à la hauteur de l’enjeu ?
Les lois qui protègent l’eau sont nombreuses. Elles ont été centralisées au niveau européen. Ainsi la directive-cadre sur l’eau protège la ressource en eau. La loi est donc là, mais encore faut-il l’appliquer. Cette directive a été mise en place au milieu des années 2000, avec des reports d’objectifs jusqu’en 2027, et on sait déjà qu’il va y avoir des nouveaux reports. Quand j’ai commencé mon travail au LIEC j’avais un collègue qui disait quand je suis arrivé on parlait phosphates et nitrates et je pars à la retraite et on parle encore des phosphates et nitrates. Je peux vous dire la même chose. Ce que cela signifie, c’est qu’on ne va pas assez vite. Il y a toujours une balance entre économie et environnement et cette balance se fait le plus souvent au détriment de l’environnement.
Qu’attendez-vous de la table ronde à laquelle vous participerez ?
Mes collègues et moi-même nous investissons dans des actions de médiation scientifique car il est nécessaire de sensibiliser le grand public, de l’informer. Il faut que les citoyens puissent prendre des décisions en toute conscience. Il ne s’agit surtout pas d’accuser, mais bien de responsabiliser. Les gens s’agacent quand il y a des pesticides dans l’eau du robinet mais ils oublient qu’il y a un lien entre la présence de ces polluants et nos modes de vie. La science, l’industrie et les vendeurs d’eau ne peuvent pas tout dépolluer. Ce qui est intéressant dans cette table ronde c’est que les invités viennent d’horizons très différents. Cette vision du problème est enrichissante.