Par Matthieu Le Gall
Nigel Farage au 10 Downing Street. Farfelue il y a encore quelques mois, cette hypothèse pétrifie les parlementaires britanniques, figés par les sondages accordant au leader souverainiste une quasi-majorité absolue à la Chambre des communes, en cas d’élections anticipées. Parti né sur les décombres du Brexit, Reform UK pourrait ainsi passer de cinq élus aujourd’hui, à plus de 300 demain. Un raz-de-marée.
La fascination qu’exerce Nigel Farage sur de nombreux médias outre-Manche lui a permis de mener une OPA sur l’identité britannique, sa croix de Saint-Georges et son Union Jack. Nourri des colères populaires, porté par une opinion publique à qui l’on ne parle plus, matin, midi et soir, que d’immigration, le populiste de sa majesté écrase la concurrence sans le moindre effort. Kemi Badenoch, la patronne des Conservateurs, enregistre chaque semaine une nouvelle défection au bénéfice de l’extrême droite.
Si l’on s’en tient au calendrier électoral, les prochaines législatives n’ont lieu qu’en 2029. Mais Keir Starmer en parle déjà comme d’une « bataille pour l’âme du pays », « le choix politique décisif de notre époque ». D’un côté, le centre gauche, raisonnable, de l’autre, le mauvais génie d’une nation flegmatique, élevée au bipartisme. Promoteur d’une politique migratoire sévère, à la tête d’un gouvernement, qui s’est attiré les foudres de son propre camp en taillant dans les aides sociales, l’actuel premier ministre semble pourtant incapable d’enrayer la progression de Nigel Farage, dont tout un pays regarde désormais l’ascension comme un lapin pris dans les phares.