Publié le
21 avr. 2025 à 21h11
Ne pas faire le mandat de trop. Prendre du temps pour lui. S’éloigner de la pression permanente et des critiques qui pèsent sur les épaules des élus de proximité.
Après une mûre réflexion, Frédéric Marche a décidé de ne pas se présenter pour sa propre succession, à la tête de la mairie de Cléon (Seine-Maritime), lors des prochaines élections municipales.
Un an avant la fin de son mandat, il se confie.
Pourquoi avoir choisi ce moment pour annoncer votre décision ?
Parce que je suis tombé en retraite le 1er avril. Je me suis dit : c’est un clin d’œil d’arrêter une activité professionnelle dans une entreprise que j’ai fréquentée pendant 40 ans et de se dire qu’il faut passer à autre chose. J’ai envie de vivre ma vie autrement, même si j’ai encore mon mandat de conseiller départemental qui va courir jusqu’en 2028.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à ne pas vous représenter ?
Cela fait 10 ans que je suis élu maire. Je pense que j’ai essayé, comme dans ma vie professionnelle, d’évoluer dans mes fonctions. Ça ne veut pas dire que je vais être candidat aux législatives ou pour un poste de sénateur ! Il y a eu un autre élément aussi : j’ai été opéré début janvier et pendant 15 jours, trois semaines, je n’ai rien fait. Je me suis rendu compte que je n’avais plus la pression quotidienne à laquelle les maires sont soumis. Il y a aussi un moment où l’on n’a plus envie de se prendre des coups injustement.
Au cours de ce mandat, vous avez dénoncé des attaques personnelles, autour des affaires du Sillage ou du bar Le P’tit tranquile… Est-ce que ça a pesé dans votre décision ?
S’il n’y avait que ça, non. Il y a une usure et une inquiétude pour les élus qui exercent au quotidien. Être maire, c’est un mandat formidable. On est dans l’opérationnel, on fait les choses. Mais aussi on s’expose, on est appelé à être critiqué. Le monde d’aujourd’hui m’inquiète et je n’ai pas envie de faire le match de trop, je crois que je n’aurais plus la patience.
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Dans ces conditions, vous comptez tout de même aller au bout de votre mandat de conseiller départemental ?
Ce mandat me plaît énormément parce qu’il est complémentaire à l’action de maire. Et puis moi j’ai pris une responsabilité. Le président du département m’a confié la gestion des ressources humaines, d’une boutique de près de 5 400 agents. Quand on n’est pas à la tête de l’exécutif, on est moins exposé et on ne prend pas les choses de la même façon, tout en travaillant pour un collectif.
Vous pourriez envisager de vous représenter pour ce mandat en 2028 ou vous vous retirerez définitivement de la vie politique locale ?
De toute façon, il y a une évidence, c’est que le téléphone va beaucoup moins sonner à la fin mars 2026. On est vite oublié. On se rappelait des hommes politiques et des maires, dans leurs villes, il y a quelques années. Je ne sais pas si je laisserai quelque chose… Comme je le dis souvent de façon humoristique, si demain on envisage de mettre quelque chose à mon nom, de grâce qu’on ne mette pas une impasse ! Plus sérieusement, après 2028, je verrai avec ma collègue Nadia Mezrar. Il n’y a pas vraiment de raison de continuer non plus… Mais ce n’est pas la question du moment.
Bio express
Frédéric Marche
61 ans
Parti radical de gauche puis Parti socialiste
En couple et père d’une fille
Retraité de la Caisse d’épargne, directeur d’agence
Élu conseiller municipal au Neubourg en 1995
Arrivé à Cléon en 2002
Élu conseiller municipal à Cléon en 2008, en charge du commerce
Maire de Cléon depuis juillet 2015
Pour 2026, vous avez envisagé de vous représenter sur une liste, sans en prendre la tête, pour continuer votre engagement et accompagner un successeur ?
La question est posée et elle n’est pas tranchée. Pas en étant élu, pourquoi pas en fin de liste ou le temps de la campagne. J’aiderai la personne qui sera appelée à me remplacer, celle qui sera désignée par l’équipe, mais aussi les autres élus qui repartiront. Il faut choisir le bon candidat, qui continuera à porter le travail qu’on a engagé, c’est ça l’essentiel.
Vous tenez à ce qu’il y ait une continuité ?
Oui. Pour des dossiers complexes, comme le renouvellement urbain, on a des élus qui maîtrisent le sujet et qui travaillent bien. Pour la ville, sinon, ce serait une perte de temps.
Annoncer votre décision un an avant les élections, c’est aussi pour prendre le temps de trouver votre successeur ?
Oui, justement. J’avais envisagé à un moment de faire l’annonce un peu plus tardivement, mais je pense que ma situation de santé m’a poussé à prendre une décision et à faire monter en charge ceux qui demain voudront prendre la suite. Il peut y avoir aussi l’apport de nouveaux candidats, de gens qui ne sont pas impliqués dans la vie municipale, qui demain prendront des responsabilités pour assurer un renouvellement.
Ne pas vous représenter, ce n’est pas une démission. Quels seront vos projets et vos priorités pour cette dernière année de mandat ?
On est dans le renouvellement urbain, qu’il faut encore accompagner. D’ailleurs, il y aura des livraisons pour 2026. Peu importe que ce soit au premier trimestre ou pas… Il y a le sujet du commerce, avec un travail qui a été engagé place Saint-Roch avec un projet d’agrandissement de la pharmacie, les cases libres pourraient trouver preneur, on réfléchit à un projet médical… Il ne faut pas faire rêver les gens, il faut parler de choses telles qu’on les vit au quotidien.
Pendant ces années à la tête de la Ville, quel est le meilleur souvenir que vous conservez ?
Les Cléonnais et ceux qui n’habitent pas Cléon, qui disent que la ville s’est transformée. Notre titre de campagne, c’était « Aimons et transformons Cléon ». Je pense que notre liste reflète ce qui est aujourd’hui, même si le boulot n’est pas encore fini. On voit qu’il y a eu une amélioration, l’image de la ville a totalement changé, il y a eu un développement économique avec la jardinerie, Ferrero qui arrive, Ebusco qui sort ses premiers bus… Tout ça, c’est une grande victoire.
Et à l’inverse, une déception ?
Les gens du voyage ! Ça a été ma bête noire. Ça a commencé dès le jour de l’installation du conseil municipal, ils avaient forcé l’accès au parc sportif depuis la RD7… Ça m’a miné, parce que j’ai ressenti une grande solitude. Métropole, État, on vous explique qu’il y a des règlements… Nous, on ne peut pas accueillir autant de caravanes.
Avez-vous aussi des regrets concernant un beau projet, que vous auriez aimé réaliser, mais qui n’a pas pu voir le jour ?
Il y avait le projet d’extension sur La Traverse, avec une salle qui aurait pu servir un peu à tout et un studio d’enregistrement. Dans le temps, il y avait Le Bunker à Boby-Lapointe, c’était une salle d’enregistrement. Il faut rappeler qu’il y a une culture musicale à Cléon, comme avec King Riddim. Il y avait ce projet, mais sur le plan financier on ne pouvait pas tout faire. Il y avait aussi l’idée d’avoir une belle salle des fêtes, propre. Parce que là, on a un vieux machin.
Pour terminer sur une note plus personnelle, à quoi va ressembler votre retraite dans un an ? Comment allez-vous vous occuper ?
En ayant déjà fait passer l’information, j’ai été appelé ! Peut-être que je pourrais apporter sous une autre forme, comme un citoyen anonyme. Sous la forme associative je pense, en étant présent dans des conseils d’administration. Il y a la question des solidarités, comment améliorer les conditions de vie des seniors, le handicap. J’ai aussi envie d’essayer de me mettre à la musique, continuer le sport de combat, renouer les liens avec tous les gens que l’on n’a pas eu le temps de voir, prendre soin de ma mère et de ma fille… Être dans l’anonymat, mais continuer à être utile pour les autres.
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