L’accord de libre-échange conclu entre l’Union européenne et l’Indonésie relance les interrogations sur la stratégie commerciale de Bruxelles. Pour Véronique Riches-Flores (RichesFlores Research), le calcul économique paraît fragile : l’Indonésie reste un marché à faible pouvoir d’achat, dominé par la Chine, tandis que ses exportations vers l’Europe reposent surtout sur l’huile de palme, très contestée pour ses impacts environnementaux. Plus largement, c’est le choix même de l’UE de multiplier les accords commerciaux qui pose question : avantage géopolitique face à Pékin ou fragilisation de ses propres producteurs ? Derrière le volontarisme multilatéral, une interrogation persiste : l’Europe ne risque-t-elle pas de devenir une passoire ?

Dans le monde tel qu’il évolue, l’axe libre-échangiste de l’Union européenne interroge. Les accords de partenariat conclus ces dernières années ne se comptent plus et le temps dédié à l’aboutissement de ces derniers occupe une large part de celui des responsables politiques de l’UE. À quelles fins, pour quels bénéfices et, le cas échéant, au prix de quels renoncements ? L’accord de libre-échange conclu cette semaine avec l’Indonésie n’échappe pas à ces interrogations. Premier pays d’Asie du Sud-Est par sa population de plus de 280 millions d’habitants, l’Indonésie est, toutefois, loin de s’imposer spontanément aux premiers rangs des cibles commerciales d’envergure pour les exportateurs européens. Pays à bas niveau de revenu et faible croissance, son développement profite surtout aux produits chinois, face auxquels les Européens auront, quoi qu’il en soit, du mal à s’imposer.

L’Indonésie n’est pas, non plus, des plus diversifiées à l’exportation, ces dernières vers l’Europe sont majoritairement constituées d’huile de palme, aux méfaits environnementaux reconnus. Elle se caractérise, par ailleurs, par son rôle de plaque tournante du commerce régional de la Chine, renforcé depuis 2010 par un accord de partenariat stratégique, incluant l’Australie, à l’égard de laquelle elle a resserré ses liens en matière de défense l’an dernier. Quant à ses ressources naturelles, le nickel et le charbon dont elle dispose en abondance, elles intéressent de longue date la Chine… Comment, dès lors, aborder l’accord de cette semaine ? Pékin y voit une stratégie hostile à son propre développement dans le monde émergent. Difficile, de son point de vue, d’observer les choses différemment, quand bien même une logique géostratégique européenne beaucoup plus profonde et légitime pourrait y être opposée. La question concerne néanmoins la finalité des choix européens et leur coût potentiel pour les producteurs régionaux.

A vouloir jouer la corde du multilatéralisme comme elle le fait, l’UE joue-t-elle forcément la bonne carte pour son avenir ?


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