« Avec une pointe de fierté, Marguerite Duthuit-Matisse se qualifie elle-même de ‘gosse d’atelier’ et demeure marquée dans sa sensibilité la plus intime par l’atmosphère de vapeurs de térébenthine qu’elle connut avant son mariage. » (Claude Duthuit, introduction à Henri Matisse. Catalogue raisonné de l’œuvre gravé, 1983.)

Sa vie entière aura été rythmée au tempo de l’œuvre de son père. Ironie du sort, Marguerite Matisse ne verra pas l’achèvement de son grand œuvre, le catalogue raisonné des peintures d’Henri Matisse, travail titanesque qui reste sa principale postérité et cache les multiples facettes d’une femme qui aura été tout à la fois enfant-modèle, artiste, éditrice et meilleure experte de son père.

L’enfance singulière d’une « gosse d’atelier »

Marguerite Matisse en 1905

Marguerite Matisse en 1905

i

© Photo Archives Henri Matisse

Marguerite naît le 31 août 1894 à Paris, de l’union d’Henri Matisse et de Caroline Joublaud, premier modèle régulier du peintre fraîchement débarqué à Paris. En 1897, Matisse quitte Caroline pour Amélie Parayre, qu’il épouse l’année suivante, à qui il annonce d’emblée qu’il a une fille.

« Margot » est accueillie avec bienveillance dans ce foyer et, si elle ne rompt jamais le lien avec sa mère biologique, c’est, fait exceptionnel, son père qui en assume la garde pour la préserver de la condition précaire d’une enfant de fille-mère. Amélie aime Marguerite comme sa propre fille, autant que ses fils Jean et Pierre, nés en 1899 et 1900 : « Nous étions comme les cinq doigts de la main », se souvient Marguerite.

Cette dernière est régulièrement présentée comme l’enfant préférée de Matisse, soucieux de la santé fragile de Marguerite qui est frappée de diphtérie à l’âge de 7 ans et subit une trachéotomie – dont elle cachera la cicatrice par ce ruban de velours noir emblématique de ses portraits. La jeune fille reçoit son instruction à la maison, et passe surtout son temps à observer son père.

Elle devient « la gosse d’artiste qui [traîne] dans l’atelier », comme elle le confie au journaliste et critique Gilbert Ganne dans Les Nouvelles littéraires en 1970. Un privilège quand on sait que son fils Claude Duthuit (1931–2011) se souvenait qu’il était interdit d’entrer dans l’atelier de Matisse ! Enfant-modèle, Marguerite se fait aussi assistante d’atelier, aide les modèles adultes à prendre la pose. Une enfance idyllique ? « Pas tellement, non. Il y avait les soucis, l’angoisse de mon père qui ne dormait pas, les ventes qui ne venaient pas. »

Marguerite et Georges Duthuit, Issy-les-Moulineaux, 1924

Marguerite et Georges Duthuit, Issy-les-Moulineaux, 1924

i

Marguerite et Georges Duthuit, Issy-les-Moulineaux, 1924

Continuez votre lecture

et accédez à Beaux Arts Magazine
et à tous les contenus web
en illimité à partir de 5,75€ / mois