Le “Guardian” révèle les fruits d’une étude portant sur une version d’un tableau longtemps identifié comme une copie d’un Caravage. Les chercheurs ont fait appel à l’intelligence artificielle, qui attribue l’œuvre au maître du baroque. « Le Joueur de luth » a été peint vers 1594 par le Caravage. Ici la version conservée au musée de l’Ermitage, certifiée depuis toujours comme étant l’œuvre du peintre.

« Le Joueur de luth » a été peint vers 1594 par le Caravage. Ici la version conservée au musée de l’Ermitage, certifiée depuis toujours comme étant l’œuvre du peintre. akg-images / akg-images

Par Télérama

Publié le 28 septembre 2025 à 14h24

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On connaît trois versions du Joueur de luth, du Caravage. Mais seule l’une d’elles est depuis toujours considérée comme étant de la main du grand maître du clair-obscur. Il s’agit de la version conservée au musée de l’Ermitage, restaurée peu avant d’avoir été montrée à Paris, en 2018, lors d’une exposition au musée Jacquemart-André.

Des deux autres toiles, celle de la collection Wildenstein a longtemps été attribuée au peintre baroque. Elle fut même jugée comme antérieure au Joueur de luth de l’Ermitage. La troisième fut vendue quelques centaines de livres Sterling par Sotheby en 1969, comme une simple « copie d’après Caravage », avant d’être revalorisée en 1971, comme l’œuvre d’un peintre « du cercle de Caravage ». En 2001, Sotheby confirmait cette attribution en précisant qu’il pourrait s’agir d’une copie réalisée par Carlo Magnone, un peintre actif à Rome en 1642.

Ce Joueur de Luth de la Badminton House, révèle The Guardian, vient d’être étudié à la loupe de l’intelligence artificielle : selon elle, il y 87,5 % de chance pour que ce soit un vrai. « Tout résultat au-dessus de 80 % est très fiable », indique même au journal anglais Carina Popovici, la responsable d’Art Recognition, une entreprise suisse spécialisée dans l’authentification d’œuvres d’art au moyen de l’IA.

Des erreurs dans la représentation du luth

Le joueur de Luth de la Badminton House avait été acheté au XVIIIe siècle par le troisième duc de Beaufort pour sa demeure dans le Gloucestershire. En 1971, c’est un spécialiste de l’œuvre de Michelangelo Merisi, Clovis Whitfield, qui rachète le tableau pour 71 000 livres. Il note alors dans la précision de certains détails – des gouttes de rosées sur les fleurs – et le rendu intense du sujet, de fortes concordances avec le style de l’artiste du XVIIe siècle. Depuis 2010, l’œuvre est ainsi déjà considérée par les chercheurs comme véritable. L’IA confirme aujourd’hui leurs hypothèses.

L’étude par IA a également déterminé que la version de Wildenstein n’est pas authentique. Un spécialiste de lutherie souligne par ailleurs de nombreuses erreurs dans la représentation de l’instrument, ce qui n’est pas le cas dans les toiles de Badminton et de l’Ermitage.

Un podcast (en anglais) contant l’aventure de cette authentification a été mis en ligne. Un documentaire est en cours de réalisation. La rareté des œuvres du Caravage ayant survécu est telle que toute actualité sur le maître baroque fait sensation. En 2014, un Judith décapitant Holopherne avait été découvert dans un grenier et vendu (de gré à gré) sans doute plus de cent millions d’euros. Grâce à l’IA, le propriétaire du Joueur de luth de la Badminton House a assurément fait une belle affaire.

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