Arrivant de Méditerranée, un sous-marin russe à propulsion diesel-électrique du type Kilo remonte vers le Nord. Durant le week-end, un certain nombre de media ont évoqué le fait que le bâtiment serait en grande difficulté suite à d’importants problèmes techniques. Mais dimanche soir, alors que le Novorossiysk est suivi de près par les forces de l’OTAN, comme toutes les unités russes transitant le long des côtes européennes, aucun signe ne permettait d’affirmer qu’il se trouve dans une situation délicate.
Un sous-marin « en détresse » et même chez certains carrément « en perdition »… A grand renfort de titres et tournures sensationnalistes, un certain nombre de média ont fait ce week-end leurs choux gras (ce type d’articles est excellent pour les audiences) avec le Novorossiysk, un sous-marin russe du type Kilo en transit entre la Méditerranée et la Russie. Selon la source citée par ces media, présentée comme une chaine Telegram d’opposition russe, le bâtiment aurait souffert de graves problèmes techniques. Une fuite de carburant dans les cales est évoquée, avec un potentiel risque d’explosion, alors que l’équipage n’aurait pas les pièces de rechange ni de spécialistes à bord pour réparer. Bref, une situation à haut risque, voire critique.
Il convient cependant d’être prudent. D’abord, les informations provenant de cette source, qui n’est pas recoupée par d’autres et présente une dimension politique d’opposition (avec donc un potentiel intérêt à nuire à Moscou), ne peuvent être prises pour argent comptant.
Reste ce qui peut être observé en Atlantique. Comme tous les navires russes transitant au large des côtes européennes, et ils sont nombreux depuis que Moscou a perdu la base navale de Tartous, en Syrie, le Novorossiysk est suivi de près par les forces de l’OTAN. Le sous-marin, qui a franchi le détroit de Gibraltar, se trouve actuellement au large de la péninsule ibérique. Or, selon les sources militaires consultées dimanche par Mer et Marine, aucun signe ne permettait alors d’affirmer que le bâtiment est confronté à une situation de détresse. Il navigue seul et par ses propres moyens, une « cinématique » qui signifie déjà qu’il n’est pas en perdition. Aucun appel à l’aide n’a d’ailleurs été capté par les forces occidentales. Evidemment, dans le contexte actuel de tension entre Moscou et l’OTAN, on imagine volontiers qu’en cas de souci, les Russes éviteraient autant que possible de faire appel à leurs adversaires. Mais dans le même temps, aucune unité de soutien ou remorqueur russe n’est en approche et il n ‘y avait aucun indice quant à la préparation d’une potentielle opération d’assistance au profit du Novorossiysk.
Cela ne veut pas dire que le bâtiment est dans une situation nominale. Il a peut-être été confronté à des problèmes techniques, potentiellement importants. Mais si tel a été le cas, la situation n’a pas été jugée suffisamment grave pour, par exemple, faire une escale technique en Algérie, pays ami de la Russie, avant de franchir Gibraltar ou peu après (sachant que ces bâtiments progressent lentement), alors qu’il reste au Novorossiysk un long voyage avant de rejoindre les bases russes du Nord.
Dimanche, le sous-marin poursuivait donc sa route, peut-être avec des problèmes, mais sans qu’il soit possible de l’affirmer. Les observations le montrent naviguant à petite vitesse, ce qui est fréquent pour les bâtiments de ce type lors de ces longs transits. Il restait cependant une question importante ce week-end, qui pouvait constituer un élément révélateur d’un éventuel souci. Le Novorossiysk était-il en capacité de plonger ? Ce que les Kilo font normalement assez régulièrement en Atlantique, entre deux navigations en surface. Et ce qui est évidemment un indice important de l’état d’un sous-marin, qui ne va pas en immersion s’il y a des risques. Or, a appris Mer et Marine dans la soirée, le bâtiment russe a plongé ce dimanche, a priori volontairement…
Construit par les chantiers de l’Amirauté à Saint-Pétersbourg et mis en service en août 2014, le Novorossiysk est le premier exemplaire de la nouvelle série des sous-marins du type Kilo, réalisée dans le cadre du projet 636.3 afin de moderniser les flottes russes de la mer Noire, du Nord et du Pacifique. Le douzième de cette série, nommé Yakutsk, est entré en flotte en juin dernier, quatre autres bâtiments de ce type au moins étant encore en construction.
Longs de 73 mètres pour une largeur de 10 mètres, ces sous-marins de 2350 tonnes de déplacement en surface ont une coque recouverte d’un revêtement anéchoïque. Ils sont armés par 52 marins. Capables d’atteindre 18 nœuds en plongée, ils offrent une autonomie de 45 jours, pour une distance franchissable allant selon leur constructeur jusqu’à 7500 milles à 7 nœuds ou 400 milles à faible vitesse en plongée. Leur profondeur d’immersion opérationnelle est donnée jusqu’à 240 mètres (300 maximum). Dotés de six tubes de 533mm, les nouveaux Kilo russes peuvent mettre en œuvre des torpilles lourdes, missiles Kalibr et mines.
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