Par
Théo Zuili
Publié le
29 sept. 2025 à 6h06
Thimotée Martin-Brossat, 19 ans, n’est pas un candidat comme les autres. L’étudiant ambitionne de devenir le prochain maire du 3e arrondissement de Lyon au terme des élections municipales de 2026.
Sans-étiquette, il a ainsi cofondé le mouvement « En Action Lyon 3 ». Celui qui se présente comme l’anti-thèse des hommes politiques « comme Laurent Wauquiez » et des écologistes « qui font la sourde oreille » présente les grandes lignes de son programme, bien motivé à mettre « la cohésion sociale » et « la santé mentale » au cœur des préoccupations publiques. Il répond aux questions d’actu Lyon.
Un étudiant engagé
Actu : Qui êtes-vous ? Pourquoi vous lancer, à 19 ans, dans une campagne municipale ?
Thimotée Martin-Brossat : J’ai vécu toute ma vie dans le 3e arrondissement, j’ai été scolarisé ici, j’ai fait les associations sportives… En sortant du lycée, on a voulu redonner la chance que le 3e arrondissement nous a donnée. Ma famille ne vient pas du tout du monde politique, mais j’ai eu la chance d’avoir des professeurs et des proches qui m’ont poussé à avoir un esprit critique et regarder ce qui m’entoure.
Je suis rentré dans la politique avec les syndicats lycéens puis étudiants. On n’a pas réussi à faire ce qu’on voulait faire et j’ai fini par ne plus voir le but. On a choisi la voie politique, avec l’idée que ça nous permettra d’aider le plus grand nombre de personnes. Je ne suis pas le seul, c’est surtout un mouvement collectif. Je porte la liste qu’on va présenter, mais il y a une équipe derrière.
Vous avez été membre de l’Union Étudiante, vous avez manifesté contre la venue de Yaël Braun-Pivet à Lyon-III et êtes déjà attaqué là-dessus. À l’époque, Bruno Retailleau avait condamné « des manifestants d’extrême gauche aux idées antisémites ». Ça dit quoi de votre engagement politique ?
TMB : On a fait le choix, au sein du mouvement, de parler de l’arrondissement et de Lyon. On vient chacun de milieux différents et le but est de rassembler autour d’un programme local. Mais oui, j’ai été attaqué là-dessus par l’extrême droite, car mon combat politique d’hier et aujourd’hui a toujours été de combattre les idées nauséabondes de l’extrême droite.
Pour revenir sur cette manifestation, non, je ne suis pas un tagueur qui suis allé taguer à 5h du matin, juste un simple manifestant.
Combattre un « sentiment d’abandon »
Votre programme part d’un constat : vous parlez d’un arrondissement qui se fragmente, d’un « sentiment d’abandon ». Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
TMB : À force de discuter. On a fait ce constat dans le 3ᵉ arrondissement, mais c’est le même partout. Les crises successives et les réseaux sociaux ont alimenté l’individualisme. Au-delà de ça, il y a des choix politiques en défaveur de la cohésion sociale. La mairie doit donner des possibilités de recréer du lien.
On a fait le bon constat par rapport à d’autres qui font leur campagne sur la sécurité et le civisme, qui pour moi n’est pas une vision.
Vous dites vouloir « une mairie présente, active, humaine » : qu’est-ce que ça signifie au-delà du slogan ?
TMB : Demain, si je suis élu, on me voit partout. On arrive avec une façon de faire différente. On propose une liste locale et citoyenne. De nombreux habitants nous ont rejoints. On n’a pas d’ordre qui vienne du national, on n’a pas de division interne… Ça change tout, on vient du terrain, c’est une démocratie qui sort du sol.
On a créé un programme de plus de 25 pages sur le 3e arrondissement, on a créé un mouvement, fait un grand meeting… On est partis de loin, mais on a créé et on a rassemblé du terrain.
Vous insistez aussi sur l’importance de « retrouver une cohésion sociale », « faire le lien entre collectifs et associations » : vous pensez que ça n’existe plus aujourd’hui ? À quoi est-ce lié ?
TMB : Ce n’est pas une volonté de diviser, mais c’est une conséquence du manque de localité des élus écologistes. On a eu un système où on élisait un maire sans avoir de lien avec les élus d’arrondissement. Si le maire du 8ᵉ est connu localement, ce n’est pas le cas de Marion Sessiecq (maire actuelle du 3ᵉ arrondissement, NDLR) ni de sa prédécesseuse.
Il y a besoin de localité, de connaître son maire. Les commerçants de la rue Paul-Bert ne les ont presque jamais vus. Le maire d’arrondissement doit pousser la porte de tous les commerces, chaque crèche et chaque école. Si on a un sentiment de ne pas être écoutés, c’est que les élus ne sont pas là. Parce qu’ils sont juste là pour les élections. Nous, ce sera très simple d’aller rencontrer les gens, car on les connaît déjà.
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La « politique autrement » ?
Vous allez déposer une liste uniquement dans le 3ᵉ : pourquoi concentrer votre énergie sur cet arrondissement pivot ?
TMB : C’est faire le pari de faire autrement, se concentrer sur un arrondissement pour conserver l’aspect local. Je ne connais pas aussi bien le reste de Lyon. Un maire d’une si grande ville perd cet aspect. Ça restera du travail, car il y a tout de même plus de 100 000 habitants !
Avec la nouvelle loi PLM, il y a eu du changement. Avant, on se présentait à l’arrondissement pour avoir un tremplin vers la mairie centrale. Je trouve ça anti-démocratique. Telle que la loi a changé, on ne vote plus pour une mairie centrale : l’arrondissement est pour l’arrondissement ! Donc, votez pour ceux qui travaillent pour l’arrondissement, pas pour ceux qui veulent gonfler leurs chiffres nationaux.
Il faut continuer et se battre pour que les élus de terrain, les vrais élus, aient du pouvoir et pas simplement un rôle consultatif.
Vous vous revendiquez « sans langue de bois », pour faire de la « politique autrement » : c’est quoi concrètement, au-delà d’un slogan ? Et par quels moyens comptez-vous parvenir à vos fins ?
TMB : La différence, c’est la redevabilité. Vu qu’on habite ici, si on fait une promesse pas tenue, on sera au contact de ceux qui nous diront qu’on a menti.
Quand j’étais petit, j’allais place Sainte-Anne voir les petites projections dans le quartier. Ce n’était pas grand-chose, mais c’était vivre la Fête des Lumières comme des Lyonnais, loin des touristes sur la Presqu’île. Il faut la ramener dans nos quartiers.
Patrimoine, culture, sport, jeunesse, solidarité, tranquillité et sécurité, et j’en oublie. Dans nos grosses annonces : il faut créer un grand festival de la culture dans le 3ᵉ arrondissement. On va organiser un grand marché « Vivaldi » sur chaque saison, où mettre en avant les associations culturelles, les artisans, producteurs et agriculteurs locaux de saison. On tombe actuellement dans une écologie punitive, il faut plutôt encourager le changement positivement. Notre programme sera en ligne très bientôt.
J’aimerais aussi parler de la santé mentale. L’isolement des séniors. Le burnout, la solitude, la dépression… Personne n’en parle, car c’est très tabou, mais nous, on propose de trouver des solutions.
Jean-Michel Aulas, Rudigoz, Oliver…
Comment avez-vous réuni le budget nécessaire à cette campagne ?
TMB : S’il n’y avait personne autour de moi, je n’aurais jamais fait un emprunt de 5 000 euros. Je me suis endetté pour financer la campagne, ce qui offre aussi une indépendance financière. On va aussi ouvrir aux dons pour continuer à financer.
Il faut être fou pour se lancer comme ça, mais c’est cette originalité qui fait qu’on est entendus.
Une nouvelle liste portée par un jeune… certains diront qu’il s’agit d’une promesse idéaliste et naïve portée par l’enthousiasme et la jeunesse plutôt qu’une vraie envie de gouverner. Que répondez-vous ?
TMB : Entre un mouvement local, citoyen, indépendant avec des jeunes et toute une mixité sociale et un Jean-Michel Aulas qui a 76 ans, qui sert des mains avec Laurent Wauquiez, détesté par les Lyonnais, et Pierre Oliver qui fait du pipeau, des vidéos tous les jours et des serrages de main à tout le monde pour avoir un siège… Je pense à la culture, au TNG, qui se sont vus supprimer leurs subventions. Ils sont la cause de la mort de la culture dans Lyon et la métropole.
Ils ne connaissent pas la réalité du terrain. Quand on veut faire de la politique, ce n’est pas une envie juste parce qu’on a de l’argent, c’est des citoyens qui s’engagent et prennent des risques. Il ne suffit pas de payer des sondages et distribuer 100 000 lettres. En vérité, Aulas représente quelque chose, il pourrait donner envie. Mais les gens autour de lui ne donnent pas envie.
Thomas Rudigoz, ça fait des années qu’il est en politique et qu’il ne fait que serrer des mains. Oliver, Wauquiez… C’est à cause d’eux que les gens sont dégoûtés. Ont-ils une véritable vision pour Lyon ? Ils pensent quoi des ATSEM ? Ils parlent ni de culture, ni de patrimoine, ni de santé mentale. Ils sont attachés au pouvoir. Nous, on essaie, alors essayez-nous. On veut juste montrer qu’il y a une autre voie, et qu’elle est possible.
« À vous de nous essayer »
Si vous échouez : quel regard porterez-vous dans X années sur ces mois de campagne ?
TMB : On n’échouera pas. Ce serait dommage de voir rater des gens qui ont été dégoûtés de la politique, mais qui maintenant se donnent pour une dernière chance. Il faut croire en la jeunesse. Ça m’empêcherait un peu de dormir, car il y a des gens qui se motivent et s’il n’y a pas le reflet de la motivation derrière, ce sera en vain.
Vous êtes de gauche, mais vous n’entrez ni chez les Insoumis, ni chez les écolos, ni ailleurs. Pourquoi rester en dehors des partis établis ?
TMB : On a discuté avec les écologistes, Georges Képénékian, Sandrine Runel, Place Publique… Pour ouvrir le débat, mais jamais se rattacher. Ce n’est pas notre logique. On a construit un programme et créé une équipe. On est de gauche, c’est sûr, mais on a envie de travailler indépendance et localité.
Vous dites vouloir « faire la politique avec les gens, et non à leur place ». Promesse séduisante, mais comment éviter le populisme ou la démagogie derrière ça ?
TMB : C’est une question intéressante, mais je ne m’appelle pas Edouard Hoffmann ni Pierre Oliver. Quand on dit ça, on touche à une partie de notre programme qui est la participation citoyenne. Ça, les écologistes n’ont pas réussi. Ils font des consultations et restent sourdes oreilles. La mairie d’arrondissement doit au contraire prendre note et faire remonter les avis. C’est ça « faire la politique avec les gens, et non à leur place ».
Vous n’avez pas peur, en vous présentant seuls, de diviser la gauche et de favoriser la droite dans cet arrondissement ?
TMB : D’affaiblir la gauche… L’immaturité ne vient pas de nous, elle vient d’eux : les écolos vont se présenter, avec ou sans le PS, les Insoumis y vont de leur côté, et Nathalie Perrin-Gilbert, figure locale, qui je ne sais même plus si elle est à gauche. Ça fait entre cinq et six courants qui se présentent. Ils apportent tous la même idée, en fin de compte. On en a marre, tournez la page, nous, on apporte quelque chose de nouveau.
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