Pierre-Antoine Denis, patron de la Cantinetta sur le cours Julien

Pierre-Antoine Denis (à gauche), le patron de la Cantinetta, et le nouveau directeur de l'établissement.Pierre-Antoine Denis (à gauche), le patron de la Cantinetta, et le nouveau directeur de l’établissement. / PHOTO M.LL. »Une saleté et une insécurité croissantes »

Arrivé en 2006, il est l’un des plus anciens restaurateurs du cours Julien. Une pérennité à souligner car, selon lui, « on voit beaucoup de commerces défiler dans le quartier sans s’y installer durablement ». Pierre-Antoine Denis, le chef et propriétaire de la Cantinetta, adresse reconnue pour ses plats italiens, ne se l’explique pas : « malgré une saleté et une insécurité croissantes, nous continuons de faire vivre notre établissement », assure-t-il, soulignant toutefois « les efforts visibles de la municipalité et des équipes en place ». Cette tranquillité mise à mal, matérialisée par une recrudescence d’altercations se terminant parfois « à coups de couteau », pourrait être due à la drogue, qui se banalise sur cette artère du 6e arrondissement.

« Dans le hall de l’immeuble voisin, on retrouve souvent des seringues, dit-il, ça s’était calmé, mais c’est revenu. Et puis, comme c’est festif et qu’il y a de l’alcool, il y a toujours des mecs qui traînent pour dépouiller ceux qui ont trop bu. Ça ressemble parfois à l’ambiance de l’Opéra d’avant. » Alors qu’il réalise les trois quarts de son chiffre d’affaires le soir, il regrette que les clients « aient du mal à venir » : « Depuis la suppression des places de parking, on ne peut plus se garer et le métro ferme à 21h30. » Pour autant, celui qui détient un deuxième établissement dans le 8e arrondissement (Otto) promet que « malgré ces contraintes », il continue « d’apporter du positif au quartier ».

Éric Pelloni, 59 ans, patron de Cinesud sur le cours Julien « Ce quartier alternatif a gardé cette identité militante »

Eric Pelloni tient la boutique d'affiches de cinéma sur le cours Julien, Cinesud.Eric Pelloni tient la boutique d’affiches de cinéma sur le cours Julien, Cinesud. / PHOTO M.LL.

Avec le Vidéodrome 2 et la Baleine, les deux cinémas engagés de Notre-Dame-du-Mont, Cinesud contribue à la promotion du 7e art dans un quartier riche culturellement. Dans sa boutique, Éric Pelloni vend des milliers d’affiches de films, surtout anciens. Un commerce « de niche », comme il le qualifie lui-même, qu’il fait perdurer depuis 1997. « Je suis au bon endroit, est-il convaincu. Ce quartier a toujours été un endroit à part, alternatif, avec des lieux singuliers, et il a gardé cette identité militante. Dans chaque grande ville, il y a un quartier comme ça, un peu punk et rebelle. J’ai tout entendu sur ce quartier : la drogue, la sécurité… J’ai des amis dans le 7e, le 8e, le 9e arrondissement, qui ne veulent pas venir, ils ont peur. Moi, je n’ai quasiment jamais rien eu ici. Globalement, les gens sont cool, décontractés, pas artificiels ou guindés comme ça peut être le cas ailleurs. » Et il s’est fondu dans ce décor, faisant par exemple peindre son rideau métallique par un graffeur. « Des touristes, il y en a plus qu’avant, sourit Éric Pelloni. Peut-être aussi que ces classements étrangers qui parlent du quartier comme le plus cool du monde y contribuent. » Le cinéphile décèle ainsi une « évolution sociétale » qui a entraîné, notamment, une hausse des prix de l’immobilier. « Si ça continue de monter, l’identité du quartier peut être en danger, mais pour l’instant dans les bars et les restos, c’est moins cher qu’au Vieux Port. »

Eliane Galeazzi, 68 ans, pharmacienne sur la place Notre-Dame-du-Mont « Aujourd’hui, c’est tout le quartier qui est festif »

Eliane Galeazzi, pharmacienne sur la place Notre-Dame-du-Mont à Marseille.Eliane Galeazzi, pharmacienne sur la place Notre-Dame-du-Mont à Marseille. / PHOTO M.LL.

Cela fait presque 30 ans qu’elle a ouvert sa pharmacie sur la place Notre-Dame-du-Mont. Trois décennies qui ont conduit le quartier à « un changement radical ». Selon la commerçante corse, qui habite à quelques dizaines de mètres de son enseigne, le plus frappant, c’est l’implantation sans limite des bars et restaurants. « Avant, il n’y en avait pas ou très peu, assure-t-elle. Il y avait un traiteur, Bataille, là où il y a Tripletta aujourd’hui. Nous avions des commerces de bouche sur la place, un poissonnier, un boucher, et beaucoup de magasins de chaque côté de la rue Fontange. » Le cours Julien semble avoir progressivement gagné du terrain. « Il s’est prolongé et aujourd’hui, c’est tout le quartier qui est festif, ajoute la pharmacienne. Certaines personnes âgées ne s’en plaignent pas, elles apprécient ce côté très vivant, mais pour d’autres, c’est devenu difficile à vivre parce qu’elles ne peuvent pas dormir. Il y a aussi beaucoup de SDF, il y en a toujours eu, ils font aussi du bruit quand il fait nuit. » Si elle déplore un « quartier sale », Eliane Galeazzi aimerait voir davantage de végétation dans la rue de Lodi et les artères adjacentes à la place Notre-Dame-du-Mont, elle a d’ailleurs « adopté » deux jardinières qu’elle entretient elle-même. « Ma mère vivait ici, mon fils adore le cours Ju, je connais le quartier par cœur et je l’aime toujours autant. »

Alexis Privat, vendeur chez Pain Pan, boulangerie rue des 3 Frères Barthélémy « Une ambiance qui pousse à la rencontre »

Alexis Privat est vendeur chez Pain Pan, boulangerie de la rue des 3 Frères Barthélémy.Alexis Privat est vendeur chez Pain Pan, boulangerie de la rue des 3 Frères Barthélémy. / PHOTO M.LL.

Alexis Privat est un de ces néo-Marseillais, débarqué après le Covid. Et c’est à Notre-Dame-du-Mont que le Bourguignon a posé ses valises en 2021. « J’y ai vécu trois ans, confie-t-il, derrière le comptoir de Pain Pan. Le quartier des artistes, j’ai trouvé ça cool. Et avec tous les restos et les bars, c’est très facile de sortir. Et puis, il y a plein de commerces de bouches. Quand on vit ici, on consomme ici. » Cet esprit de village l’a conquis comme la « proximité » entre les gens et entre les commerçants. « C’est un peu du commerce à l’ancienne, tous les artisans se connaissent et se rendent des services. Regardez, on avait un souci avec notre balance alors le primeur d’à côté nous a prêté la sienne. » Cette boulangerie, ouverte en 2019 rue des 3 Frères Barthélémy, qui produit en bio et avec du levain naturel, dispose désormais d’une « clientèle régulière prête à payer un peu plus cher pour la qualité », croit-il savoir. Une population plutôt bobo qui souligne un certain contraste dans ce quartier : « C’est triste de voir tous ces gens précaires. La nuit ou au petit matin, entre les rats, les cafards et les seringues, mieux vaut ne pas sortir en tongs. C’est plus marqué ici qu’ailleurs. » Mais il réfute tout sentiment d’insécurité avec, là encore, une particularité du quartier : « Les gens ne s’ignorent pas, on répond aux mendiants ou aux gens un peu paumés. Cela crée une ambiance qui pousse à la rencontre et, quand on découvre Marseille, c’est quelque chose qui plaît. »