Vous avez dit « Incroyable ? » En quoi l’histoire du vitrail d’Azelot est-elle incroyable ? Après tout il s’agit d’une affaire d’œuvre d’art volée comme il en surgit (hélas) souvent à fleur d’actualité. Réponse : on a retrouvé le vitrail avant de savoir qu’on l’avait perdu.
Tout a commencé en 2014. Alors, un expert en vitrail du Moyen-Âge, Michel Hérold, découvrait sur le Net qu’était mis aux enchères par une galerie londonienne un curieux petit vitrail du XVe siècle, en forme de quadrilobe (trèfle), qui ressemblait singulièrement à celui de l’église d’Azelot. Or, le vitrail représentant le martyre de saint Sébastien, trésor de ce petit village lorrain, n’avait semble-t-il pas bougé de son carcan de pierre. Étrange…
Vérification faite, il s’est avéré que le vitrail visible à Azelot était un faux. Assez grossier d’ailleurs, mais l’œuvre étant haut perchée, ce « détail » était resté ignoré.
Émoi ! Contact a alors été noué avec la galerie londonienne, qui avait pourtant acheté le vitrail (le vrai !) dans les règles de l’art auprès d’un marchand suisse quelques années plus tôt. Alors que s’est-il passé ?
Retour à la source
L’hypothèse la plus probable s’oriente vers un vol opéré au sortir de la dernière guerre. Le vitrail avait en effet été déposé, et mis à l’abri quand s’est ouvert le conflit en 1939. Sage précaution, puisqu’un obus américain a détruit le clocher en septembre 1944. Mais lorsqu’il s’est agi de remettre l’œuvre à sa place lors des chantiers de restauration (en 52 puis 54), c’est alors que lui a été probablement substitué un faux. À l’insu de tous pendant soixante ans !
« Le délit n’a donc été découvert que lorsque l’objet du délit, lui-même, a été retrouvé », confirme Jeanne Logel, alors étudiante à l’École du Louvres. « Il n’y a donc pas eu de déclaration de vol. Ce qui ne facilitait pas la demande de restitution. Azelot a donc bel et bien bénéficié de la bonne volonté de Sam Fogg, le dernier propriétaire. » Qui l’a rendu au village lorrain, de sorte qu’en juin dernier, le saint Sébastien de verre retrouve sa place originelle.
Voilà donc, en effet, incroyable épopée, qui n’a pas manqué d’intéresser la jeune Nancéienne, heureuse de pouvoir inscrire le patrimoine lorrain au cœur de ses recherches dans le cadre de son mémoire de master. « D’autant que j’ai toujours eu un grand attrait pour les métiers d’art, et pour l’art verrier en particulier. »
Étrange absence d’archives
Mais sur la base de ce fait divers historique, l’étudiante a ouvert plus largement le champ de ses questions. Autour de la restitution des biens culturels et du trafic d’œuvres d’art. Ce qui l’a donc amenée à s’intéresser à la Suisse, connue pour être un carrefour du trafic d’œuvres d’art. « D’ailleurs, quand j’ai tenté de contacter l’avant-dernier propriétaire du vitrail, une galerie, il m’a été répondu qu’elle n’avait pas d’archives. » Comme par hasard… « Alors qu’en France, c’est une obligation, au contraire. »
Il y avait donc matière à mémoire en effet. Et même à article scientifique, publié dans la revue Le Pays Lorrain. Et enfin à conférence, programmée vendredi prochain à Nancy. Quant à la commune d’Azelot, elle est désormais l’heureuse propriétaire de deux vitraux, le vrai et le faux. Ce dernier trônant à l’accueil de la mairie, en témoignage de cette folle cavale, effectivement incroyable.
Conférence le 25 avril à 19 h 30, en l’Espace Saint-Jean (place Maginot, entrée ruelle à gauche du temple protestant)