« Le racisme n’est pas une erreur de jeunesse. Il faut sévir et ne pas laisser passer ça ! » Après des mois de silence, Yoni Viotty Rose a décidé de dénoncer au grand jour l’acte raciste dont il a été victime le 27 avril dernier sur le terrain de volley de Molsheim Olympique Club (Bas-Rhin), lors d’un match de Nationale 3 (l’équivalent de la cinquième division) opposant son équipe du CSM Clamart au club alsacien.

Ce jour-là, le joueur d’origine antillaise a été victime de cris de singe adressés en plein match par un joueur mineur de l’équipe adverse, âgé de 15 ans. Un acte que cet habitant de Nanterre a décidé de dénoncer dans une lettre ouverte sur son compte Instagram, jugeant dérisoire la sanction infligée par la commission fédérale de discipline : à savoir six mois de suspension, dont trois avec sursis.

« Mec, ce qui vient de se passer est intolérable ! »

Pourtant, rien ne laissait présager ce jour-là de la tournure des événements. « C’était l’avant-dernier match de la saison et il n’y avait aucun enjeu car nous n’avions gagné aucun match. Nous étions menés deux sets à un et au moment de servir une première fois lors du troisième set, j’ai entendu des bruits provenant de la zone de chauffe que je ne suis pas parvenu à identifier. Mais lors de mon deuxième service, j’ai clairement entendu des cris de singes et j’ai dit : les cris de singe ça ne va pas être possible ! » relate le passeur âgé de 35 ans.

« L’arbitre a arrêté le point et a demandé à leurs joueurs de se calmer, car il n’avait pas pu identifier l’auteur du cri. Au même moment un spectateur de leur équipe est intervenu pour dire qu’il pouvait témoigner de ce qui s’était passé », poursuit Yoni Viotty Rose, qui reste dans un premier temps sur le terrain. « J’ai déconnecté total, c’était dingue je me demandais si cela m’était bien arrivé », retrace le joueur de Clamart.

« Après deux ou trois points, je me suis retrouvé au filet et un joueur de l’équipe adverse m’a dit : mec ce qui vient de se passer est intolérable. » Il prend alors conscience de la gravité de la situation. « Je me suis dit que je n’étais pas fou et j’ai demandé à quitter le terrain. Je suis sorti en larmes vers les vestiaires. »

Match interrompu momentanément

Le match est alors interrompu momentanément. « Je me suis isolé cinq minutes avec un coéquipier. Le joueur qui a proféré les cris a essayé de venir me parler, mais j’ai refusé de lui répondre », raconte Yoni qui accepte de reprendre le jeu.

« Quand je suis revenu, mon capitaine était en train de porter une réclamation sur la feuille de match. J’ai terminé la partie, mais je jouais pour jouer, sans aucune volonté de gagner. Je n’aurais pas dû revenir et le match n’aurait pas dû reprendre, il aurait fallu marquer le coup », regrette Yoni, qui assure avoir été soutenu et accompagné par son propre club.

À l’issue de la rencontre, les arbitres du match ainsi que le président du CSM Clamart prévenu par son entraîneur signalent l’incident. « On m’a indiqué que je pouvais aussi déposer plainte, mais je me suis dit que c’était inutile car ces propos racistes étaient ceux d’une personne qui ne l’était pas. Je ne voulais pas non plus infliger la double peine à un jeune joueur. »

Un « barème de sanction qu’il faut peut-être réformer »

De son côté, le club Molsheim a suspendu son joueur jusqu’à la fin de saison et transmis l’identité de l’auteur des faits à la Fédération française de volley (FFV), qui sanctionne l’auteur en juin. Sensible aux arguments de son entraîneur plaidant « un acte isolé », « l’immaturité » et la nécessité d’une peine pédagogique, la commission de discipline a jugé que l’auteur des cris bénéficiait de circonstances atténuantes, justifiant une partie de sursis.

Difficile à comprendre pour Yoni Viotty Rose : « Je ne peux que dire mon indignation ! Une sanction aussi légère revient à banaliser un acte grave. Comment accepter qu’un geste raciste soit puni de manière aussi dérisoire ! » s’indigne le joueur clamartois, « choqué » par les arguments avancés par la défense. « Le racisme n’est pas une bêtise de gamin, c’est un délit et je l’ai subi ! Ce moment reste pour moi une plaie ouverte, un traumatisme », martèle la victime, qui indique avoir finalement décidé de porter plainte contre l’auteur des cris, après avoir reçu des témoignages de victimes d’actes similaires.

« Je condamne fermement cet acte et je comprends que les victimes soient souvent déçues par, mais la commission est constituée d’avocats et de juristes qui ont appliqué les sanctions prévues dans notre barème, qui va de deux à six mois de suspension », rappelle Antoine Durand, directeur exécutif de la FFV.

Ce dernier rappelle que c’est la Fédération qui a saisi la commission de discipline et que son bureau exécutif ne peut interférer dans ses décisions. « Nous avons un barème de sanctions qui est ce qu’il est, et qu’il faut peut-être réformer », concède Antoine Durand.