On a entendu plusieurs mouchoirs vibrer samedi 27 septembre, après la projection de « Muganga, celui qui soigne », en clôture du Festival du film justice et droits humains. La grande salle de l’Utopia de Bordeaux était pleine – comme pour la plupart des autres séances de l’édition 2025 – et l’émotion en a été démultipliée après ce film qui évoque l’engagement du docteur Denis Mukwege auprès des femmes détruites par les viols de guerre en République démocratique du Congo (RDC).

La réalisatrice, Marie-Hélène Roux, a constaté que « 80 % des spectateurs ignorent la réalité » de ce conflit. Une raison parmi d’autres de venir présenter son premier long-métrage. Elle l’avait déjà fait lors d’une Unipop à Pessac ; elle a à nouveau fait le voyage en Gironde pour la clôture de ce festival.

Isaac de Bankolé, dans le rôle du docteur Mukwege, et Vincent Macaigne, dans celui du docteur Cadière, son assistant belge : le tandem phare de « Muganga, celui qui soigne ».

Isaac de Bankolé, dans le rôle du docteur Mukwege, et Vincent Macaigne, dans celui du docteur Cadière, son assistant belge : le tandem phare de « Muganga, celui qui soigne ».

Petites Poupées Production

« Ce film, c’est dix ans de combat, dit-elle. Les festivals, les distributeurs n’en voulaient pas. On nous disait que personne ne s’intéresserait à cette histoire. » Mais, née au Gabon (où « Muganga » a été tourné) et ayant grandi en République centrafricaine et au Burundi, trois pays proches de la RDC, Marie-Hélène Roux n’a, elle, jamais cessé d’y croire. « J’ai été choquée par ce que subit le corps des femmes dans cette partie du monde, mais aussi émerveillée par la dignité dont elles continuent à faire preuve et par la grandeur de ceux qui les soignent. »

« La situation ne s’est pas améliorée »

Plus de 1 000 femmes sont violées chaque jour dans la province du Sud-Kivu, dans l’est de la RDC, là où le docteur Mukwege a ouvert son hôpital, explique la réalisatrice. À un spectateur qui s’étonne d’un chiffre aussi élevé, elle apporte une réponse glaciale de réalisme : « Violer, ça coûte moins cher que tirer des cartouches. Le sous-sol de cette région est l’un des plus riches du monde, avec des réserves importantes de minerais rares utilisés pour la fabrication de téléphones et d’équipements numériques. En terrorisant les populations, on les force à partir et il devient plus facile d’exploiter ces richesses. Tout cela relève d’une stratégie. »

L’hôpital de Panzi, tel qu’il a été reconstitué pour le tournage du film.

L’hôpital de Panzi, tel qu’il a été reconstitué pour le tournage du film.

Petites Poupées Production

« ‘‘Muganga’’ est une fiction, revendique-t-elle, parce qu’une fiction permet plus de s’identifier aux personnages qu’un documentaire. » Mais ce film s’appuie aussi sur une visite à l’hôpital de Panzi, dirigé par le docteur Mukwege. Il est en tout cas jugé crédible par une spectatrice angolaise, qui remercie Marie-Hélène Roux « en tant que femme africaine ayant grandi dans un pays en guerre ». Crédible aussi pour un membre de Médecins sans frontières, « même si la situation ne s’est pas améliorée. Je suis intervenu là-bas… »

« La ville de Bukavu, où se trouve l’hôpital, est assiégée par le M23, un groupe armé soutenu par le Rwanda, confirme la réalisatrice. L’aéroport est fermé. Le docteur Mukwege ne peut pas revenir. Mais les équipes de soins travaillent toujours. » Elle fait appel aux spectateurs pour que son film leur serve de soutien. « Parlez-en autour de vous et sur Internet. C’est le conflit le plus meurtrier depuis la Deuxième Guerre mondiale et personne n’en parle. »

Elle évoque aussi l’actrice Angelina Jolie, qui a rejoint la production du film. « On était ensemble à Londres la semaine dernière pour répondre à des interviews et chercher une distribution internationale. » Un film peut-il avoir un poids politique ? On va voir…