La pression monte sur l’Allemagne pour qu’elle rejoigne les initiatives visant à sanctionner Israël en raison de la guerre à Gaza, alimentant un débat tendu dans un pays hanté par sa culpabilité pour l’Holocauste. Berlin, soutien indéfectible d’Israël, se retrouve en porte-à-faux avec de nombreux alliés européens. Mais aussi vis-à-vis de sa société civile.

Si l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 a été unanimement condamnée en Occident, nombreux sont ceux à juger désormais, en Europe, que la riposte israélienne est complètement disproportionnée. Cette semaine, l’attention se tourne vers Berlin, qui va devoir prendre position face aux propositions de sanctions d’Israël par l’Union européenne (UE), qui envisage de restreindre ses échanges commerciaux avec l’État hébreu, lors d’un sommet prévu le 1er octobre à Copenhague, au Danemark.

Redéfinir le « plus jamais ça »

« L’Allemagne est sous une pression accrue venant de plusieurs directions », relève Mariam Salehi, chercheuse en relations internationales à l’Université libre de Berlin. « Ça provient de partenaires au sein de l’Union européenne […] mais aussi de la société civile », poursuit-elle.

Remettre en question le soutien à Israël reste un tabou en Allemagne, où le régime nazi a exterminé six millions de Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. L’ex-chancelière Angela Merkel avait érigé la sécurité israélienne au rang de « raison d’État ». Les propos de son ancien conseiller diplomatique Christoph Heusgen qui, fin août, jugeait qu’Israël risque de devenir un « État d’apartheid » et appelait Berlin à reconnaître l’État palestinien, ont donc eu l’effet d’une bombe, cet été.

De quoi nourrir le débat de savoir si, quatre-vingts ans après la fin de la guerre, le « plus jamais ça » ne doit pas être redéfini. « Tel qu’il est interprété aujourd’hui, ce principe implique une responsabilité envers l’État d’Israël. Mais on pourrait aussi le voir comme une responsabilité envers le droit international […] et la promesse qu’aucun génocide ne doit jamais se produire », estime Mariam Salehi.

Friedrich Merz sur la réserve

Face à la situation humanitaire à Gaza, Berlin a un peu durci le ton. En août, le nouveau chancelier Friedrich Merz, issu de la CDU, a annoncé de premières restrictions sur les ventes d’armes à Israël. Si la décision a été saluée par la gauche, elle a été vivement critiquée à droite. La CSU avait dénoncé « une inversion des rôles entre victimes et bourreaux ».

Friedrich Merz est toutefois pour l’instant resté très prudent, se gardant bien d’employer le terme de « génocide » s’agissant de Gaza et n’envisageant pas de reconnaître l’État palestinien, contrairement à la France ou au Royaume-Uni. Les trois quarts des Allemands jugent pourtant injustifiée l’ampleur de l’action militaire israélienne à Gaza. Les manifestations contre la guerre y sont devenues hebdomadaires, réunissant encore quelques dizaines de milliers de personnes, samedi, à Berlin.