Une étude a révélé l’existence d’une troisième version du Joueur de luth, peinture du naturaliste italien réalisée au XVIIe siècle. Cette dernière avait été vendue pour un peu plus de 80 000 euros lors d’une mise aux enchères en 2001.
L’intelligence artificielle peut s’avérer utile. Le Guardian vient de révéler dans ses colonnes qu’une des trois versions du Joueur de luth de Caravage a été authentifiée à 87,5 % après des tests utilisant l’IA, menés par Art Recognition, spécialiste suisse de l’authentification d’œuvres d’art, et l’université de Liverpool. Cette peinture, réalisée au XVIIe siècle, était considérée, depuis une estimation en 1990 de Keith Christiansen, alors directeur du département des peintures européennes du Metropolitan Museum de New York (MET), comme une vulgaire copie de l’œuvre du peintre italien.
Le tableau, acquis au XVIIIe siècle par le troisième duc de Beaufort du Badminton House, un château britannique situé dans le Gloucestershire, a été vendu une première fois par la maison d’enchères Sotheby’s, en 1969, pour la modique somme de 860 euros. Il a fait l’objet d’une seconde vente, plus lucrative, en 2001, estimée à plus de 80 000 euros. Son prix restait très éloigné de celui des quelques dizaines d’autres Caravage identifiés à travers le monde. Preuve en est, une peinture du naturaliste a été jugée à plus de 96 millions d’euros en 2019.
L’IA désapprouve l’authenticité d’une autre version
L’une des deux autres versions du Joueur de luth est déjà incontestablement authentifiée. Elle est actuellement conservée au Musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg en Russie. La deuxième, représentant une femme à la place d’un jeune homme, a été exposée au MET entre 1990 et 2013, à travers la collection de Daniel Wildenstein, marchand d’art et historien français. L’étude menée par Art Recognition et l’université de Liverpool a conclu que ce tableau, qui présente « de nombreux défauts », n’était « pas une œuvre authentique » après les « résultats négatifs de l’IA ». La troisième et dernière version, dont l’existence était hypothétique jusqu’à aujourd’hui, naviguait dans les galeries d’un certain Clovis Whitfield, spécialiste des maîtres anciens italiens.
Baglione mentionne des détails minutieusement observés, tels que le reflet des gouttes de rosée sur les fleurs
Clovis Whitfield, propriétaire de l’oeuvre depuis 2001
Pour lui, sa correspondance avec le génie de Caravage ne faisait aucun doute. Il a tout de suite associé les différents traits de la peinture à la description qu’en faisait Giovanni Baglione dans sa biographie de l’artiste italien en 1642. « Baglione mentionne des détails minutieusement observés, tels que le reflet des gouttes de rosée sur les fleurs », remarque-t-il auprès de nos confrères du Guardian. Selon ses dires, l’intelligence artificielle a fait tomber Keith Christiansen « de son piédestal ».
Vers une collection publique londonienne ?
Sotheby’s, l’une des quatre maisons de vente aux enchères de luxe les plus anciennes au monde, se défend d’avoir effectué des recherches « réfléchies et exhaustives » lors de la mise à l’encan en 2001. Selon son coprésident George Gordon, de nombreuses peintures de Caravage ont été copiées par d’autres artistes au cours de l’histoire, comme le montrent « les inventaires romains et les sources écrites du début du XVIIe siècle ». Il y a 24 ans, la multinationale américaine avait « raisonnablement suggéré » que le luthiste en question pouvait être l’œuvre de l’artiste Carlo Magnone.
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Actuellement conservé à Londres, le Joueur de luth du Badminton House pourrait rejoindre une collection publique anglaise, à l’image de celle de la National Gallery, qui a récemment annoncé avoir reçu plus de 430 millions d’euros de dons de la part de financeurs privés pour la rénovation de l’une de ses ailes. Un podcast intitulé Is It ? et destiné à cette peinture a été lancé le 27 septembre par le Dr Noah Charney. Un documentaire sur l’histoire du tableau est aussi en cours de réalisation.