Par

Antoine Blanchet

Publié le

30 sept. 2025 à 6h08

Une escroquerie bien menée dans un marché immobilier en grande tension. Au début du mois de septembre 2025, Mathieu et Lara, un couple en recherche d’appartement à Paris, ont été victimes d’une arnaque vicieuse et peu connue. Le principe en est terriblement simple : le bien mis en location n’est en fait qu’un Airbnb loué quelques jours par l’auteur de la combine.

« Il avait réponse à tout »

Pour le couple d’intermittents du spectacle, l’affaire commence avec une offre de logement à louer sur l’application Leboncoin. « L’appartement était dans la tranche basse des prix du marché. Les photos n’étaient pas très belles », se remémore Lara. L’auteur de la publication est contacté. Il se prénomme Éric. Par message, il demande au couple quels sont leurs revenus mensuels ainsi que leur âge. Des demandes fréquentes dans le monde de l’immobilier parisien. Une visite est finalement programmée quelques jours plus tard.

Arrivés sur place, Mathieu et Lara se rendent compte qu’ils ne sont pas les seuls à être intéressés par l’appartement. « Il y avait aussi une mère avec sa fille étudiante », se souvient Mathieu. Au téléphone, le propriétaire, qui devait faire la visite, indique finalement que c’est le locataire sortant qui va s’en charger. « On a été accueillis par un homme d’une trentaine d’années. Dans le logement, il y avait encore quelques affaires présentes. Des costumes dans la penderie et des haltères dans le lit coffre », rembobine Mathieu.

Affable, le locataire sur le départ répond au tacotac aux questions du couple, comme l’explique Lara : « Il avait réponse à tout. On lui a demandé comment était le voisinage. Il nous a dit qu’il y avait des étudiants, mais que c’était calme ». Conquis par l’appartement, le couple envoie son dossier au propriétaire.

Le bien n’était qu’une location Airbnb

Au bout de deux jours, Mathieu et Lara sont recontactés. Leur dossier est retenu. « Il nous a dit qu’il avait eu beaucoup de demandes, mais qu’il nous avait choisis, car le locataire sortant avait dit du bien de nous. Il nous a fait tout un laïus pour nous brosser dans le sens du poil », relate Mathieu. « Éric » envoie un bail à signer puis un RIB d’une banque française pour lui verser la caution et le premier loyer. « L’adresse était la même que sur le bail. On a donc versé 2 875 euros », indique Lara.

Après cette tractation, le temps passe et l’inquiétude monte au sein du couple. Si une date d’emménagement a été fixée le 17 septembre avec le propriétaire, celui-ci ne répond plus au téléphone. « Ça nous indiquait que l’appel était annulé. Il ne répondait pas aux mails non plus. On a trouvé ça bizarre », égrène Mathieu. Plongé dans l’angoisse, le couple fait des recherches sur internet et découvre qu’ils pourraient avoir été victimes d’une arnaque.

Désabusés, Mathieu et Lara se rendent au commissariat. Mais le coup a été si bien monté que même le policier a du mal à y croire. « L’agent nous a conseillé de nous rendre sur place, car tout semblait concorder sur les papiers. Nous y sommes allés et nous avons découvert qu’une boîte à clé avait été installée à côté de la porte. Un autre couple était présent pour emménager comme nous et une femme Anglo-Saxonne. Elle nous a expliqué que le logement n’était en fait qu’un Airbnb qu’ellevenait de louer », soupire Mathieu.

Votre région, votre actu !

Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.

S’incrire
« On est déphasés »

Finalement, le couple dépose plainte. Via les réseaux sociaux, ils parviennent à identifier neuf autres personnes victimes de cette même offre frauduleuse. Le propriétaire légitime du bien est aussi retrouvé. Mathieu et Lara sont désormais contraints de revivre dans leur précédent appartement en état d’insalubrité. « On est déphasés. Il y a une sorte de culpabilité. On se dit qu’on a été débile. Mais on se dit aussi que même en étant vigilant, tout le monde peut tomber dedans », soupire Mathieu.

Cette arnaque du Airbnb travesti en location longue durée a déjà défrayé la chronique. En juin dernier, un homme d’une quarantaine d’années a été condamné par le tribunal à quatre ans de prison pour des faits similaires. Il avait fait plus de 60 victimes. À la barre, ces dernières avaient raconté leur angoisse et leur colère.

Quels justificatifs demander au propriétaire ?

Mais alors, comment pouvoir se prémunir de cette escroquerie redoutable. Un moyen sûr, mais pas si évident au vu du rapport de force déséquilibré entre propriétaires et locataires à Paris : demander des justificatifs au bailleur. « Il ne faut pas hésiter à demander la matrice cadastrale ou encore le relevé de propriété. Ces justificatifs sont très faciles à récupérer pour le bailleur. En revanche, il vaut mieux éviter de demander la taxe foncière ou les facteurs d’électricité, car elles peuvent se falsifier », nous indique Sophie Morvan, juriste à l’Agence départementale d’informations sur le logement (Adil) à Paris.

Pour ce qui est des virements, là aussi, la prudence est de mise malgré la crainte de voir passer sous son nez le logement convoité. « L’idéal, c’est de faire le virement en instantané le même jour que la remise des clés », précise Sophie Morvan.

Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.