« Danse bretonne », pourquoi cette peinture oubliée de Paul Gauguin est mise aux enchères

Jamais exposé depuis plus de 10 ans, le panneau « Danse bretonne » de Paul Gauguin, œuvre emblématique de la période bretonne de l’artiste, sera vendu aux enchères le mardi 9 décembre à Paris. Et les prix pourraient s’envoler.

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C’est sur un panneau de bois que Paul Gauguin a composé en 1898 cette œuvre tout en longueur. Une huile sur panneau d’une taille de 20 cm de hauteur sur 85 cm de long. Le panneau faisait partie du décor peint par Gauguin et ses amis Filiger et Meyer de Haan pour la salle à manger de La Buvette de la Plage, une petite auberge tenue par Marie Henry au Pouldu, près de Pont-Aven dans le Finistère. Le panneau était installé au linteau de la cheminée comme le montre la photo ci-dessous, issue de l’Association des amis de la Maison Marie Henry.

Le panneau peint fut vendu par Marie Henry dans les années 1919-1920 avec tous les autres panneaux qui constituaient cette pièce. « La plupart des panneaux qui figurent sur cette reconstitution font partie aujourd’hui des collections publiques des grandes institutions, que ce soit aux États-Unis ou en Europe. Et ce petit panneau, lui, était resté en main privée » nous explique Bruno Jaubert, directeur du département Impressionniste & Moderne d’Artcurial, la maison de ventes aux enchères qui va mettre en vente le panneau le 9 décembre prochain à Paris.

« Ce panneau est assez remarquable » explique Bruno Jaubert. L’œuvre a été exposée à Paris en 1919 et en 1920 à New York. Le panneau a connu par la suite plusieurs collectionneurs. Il a été vendu aux enchères dans les années 1930 à Paris. Ensuite, il s’est retrouvé dans une collection privée assez connue d’art moderne jusqu’en 1963. A noter qu’en août et septembre 1961, le panneau a été exposé à l’hôtel de ville de Pont-Aven.

En 1981, deux historiens d’art ont remis en question la paternité du panneau à Gauguin. Il fut d’ailleurs exposé à New York en 1983 comme étant de Sérusier, une mention reprise dans plusieurs publications. « À partir des années 2020, après un travail de recherches approfondi sur l’historique, l’esthétique et la provenance, effectué par le comité Paul Gauguin qui s’occupe de l’attribution des tableaux à Gauguin, sa réattribution à Paul Gauguin a été définitivement confirmée » nous détaille Bruno Jaubert.

C’est lors d’un de ses séjours en Bretagne, à la fin des années 1880, que Paul Gauguin, âgé de la quarantaine, a peint cette œuvre. « Si la première partie de sa vie, Paul Gauguin a peint un peu dans les pas des artistes impressionnistes, il a cherché en Bretagne, dans les années 1889, 90, 91, un lieu éloigné de Paris. Et il s’est attaché dans ses peintures, je dirais, non seulement au lieu, la Bretagne, d’abord à Pont-Aven puis au Pouldu, mais surtout finalement à la population, son caractère, son identité » explique le spécialiste.

Lors de cette période bretonne, le peintre va participer à la création d’un nouveau style, le synthétisme, « le synthétisme des formes, avec Émile Bernard, Philiger, Meyer de Haan, etc. » ajoute Bruno Jaubert. « Donc c’est vraiment un moment important dans l’évolution stylistique de Gauguin ce passage en Bretagne à la fin des années 1880, parce que réellement, là, il va trouver sa véritable identité d’artiste ». Ce style particulier, l’artiste le développera par la suite quand il ira à Tahiti puis aux Marquises, dans toute son œuvre du Pacifique.

Selon Bruno Jaubert, le panneau est estimé entre 500.000 et 700.000 €, « un prix conséquent, bien sûr, précise le spécialiste, mais les œuvres bretonnes et synthétistes de cette période-là sont extrêmement rares aujourd’hui. Pour une toile de cette période-là, les prix sont aux alentours de plusieurs millions. »

La vente de ce panneau peint devrait représenter une « opportunité pour les collectionneurs d’acquérir un témoignage unique de la période bretonne de Gauguin ». Les acheteurs potentiels devraient être internationaux mais des institutions françaises pourraient être intéressées. Interrogé sur la question, Bruno Jaubert nous répond que « s’il est trop tôt pour l’affirmer car l’annonce officielle de la mise en vente ne date que de ce 29 septembre », il reconnaît dans un sourire non caché que « quelques institutions nous ont contactés ».

Interrogé également sur la question, le musée de Pont-Aven a préféré « ne pas répondre à cette question », car en la matière cela ne se fait pas de signifier son intérêt, « car si le musée indiquait qu’il est intéressé, cela pourrait fausser les enchères ».

L’œuvre « Danse bretonne » appartient actuellement à un collectionneur privé français qui s’en sépare. Elle sera dévoilée en avant-première chez Artcurial à l’occasion de la semaine Art Basel Paris, à partir du 20 octobre, avant sa vente le 9 décembre.