Entrer dans l’univers artistique de Jean Scherbeck, c’est entrer dans l’intime. L’intimité de son atelier d’abord mais aussi dans celle des sujets photographiés ou croqués aux pastels. L’exposition à la galerie Madame de Graffigny à Villers-lès-Nancy « rassemble son travail et sa passion artistique. On voulait montrer tout ça », confient ses petits-enfants Jean-Pierre Puton et Sophie Maurand ainsi qu’Yves-Noël Scherbeck, le dernier de ses enfants encore vivants. « Il travaillait essentiellement à la lumière du jour. Les portraits sont toujours éclairés à droite. La verrière de son atelier était orientée plein nord. »
Né en 1898 à Champigneulles, Jean Scherbeck a eu « un succès immédiat » parce qu’il a rompu avec le style de l’époque. « Il a introduit du flou, une technique qu’il a apprise en Allemagne. » Le flou lui permettait « de viser le regard et de faire l’économie des retouches ». D’ailleurs l’exposition, Des visages/Un regard , est centrée sur les yeux, pour les photos comme pour les dessins.
Dans la galerie de portraits, on reconnaît Jacques Majorelle, Victor Prouvé ou encore son ami le peintre Émile Friant, qui fut son professeur et l’initia sans doute à l’art photographique. Félix Leclerc, Roberto Benzi, le commandant Raynal, héros du fort de Vaux, ou encore la cantatrice Christiane Stutzmann. Maurice Barrès aussi, Charles Trénet qui effectua un mois à la base d’Essey-lès-Nancy, ou encore un cliché de Sacha Simon, grand reporter de L’Est Républicain qui annonça le premier le suicide de Göring au procès de Nuremberg.
« C’était un homme très tendre, très calme »
Sur un mur, on découvre la photo du maréchal Lyautey qui l’appelait lors des visites officielles dans sa maison de Thorey, et une photo, place Stanislas, du mariage en 1951 d’Otto de Habsbourg. « Ils ont travaillé toute la nuit pour que les photos soient disponibles le lendemain », confie Jean-Pierre Puton. « Il avait embauché un opérateur pendant un an juste pour tirer cette photo ! », vu le succès qu’elle avait eu à l’époque.
Côté œuvres picturales, celui qui croqua « l a mâmiche » dont l’image orne les boîtes de madeleines de Liverdun utilise « crayon, fusain, sanguine et pastel et un peu de peinture ». Là encore, « on a voulu mettre en évidence l’étude du regard », confie son fils Yves-Noël. Un pêcheur breton, un Alsacien, un portrait à Nazaré, des dessins de ses camarades de captivité en 1940 à l’Oflag XVII-A… Tout un panel de visages hors du commun.
Jean Scherbeck , descendant d’optants (les Alsaciens-Lorrains qui optent pour la nationalité française après la guerre de 1870, ndlr), cité quatre fois en 1914-1918, Légion d’honneur jeune, officier ensuite, n’a cessé de dessiner jusqu’à sa mort en 1989. « C’était un homme très tendre, très calme et très attentif à ce qu’on lui disait », explique son fils. Un écran diffuse sa dernière interview télévisée, quelques mois avant son décès. Le regard doux et les souvenirs précis.
« Cette année, nous avons créé l’association des Amis de Jean Scherbeck », poursuivent ses descendants. « Ce qui nous permet de travailler sur d’autres projets. » Ils désirent en effet « qu’il soit plus présent dans les musées de Nancy ».
Des visages/Un regard, exposition Jean Scherbeck jusqu’au 2 novembre tous les après-midi du mercredi au dimanche y compris les jours fériés à la galerie Madame de Graffigny à Villers-lès-Nancy. Entrée libre. Visite commentée sur demande sur amisjeanscherbeck@gmail.com .