Cette créature versatile est une usine à hits ! La superstar Doja Cat, qui vient de sortir son cinquième album studio Vie, a dévoilé ce lundi les dates de son immense tournée mondiale, baptisée « Tour Ma Vie World Tour ». La France accueillera deux concerts de la féline, le 6 juin à la LDLC Arena de Lyon, puis le 9 juin à l’Accor Arena de Paris. Est-elle une rappeuse ? Une chanteuse de R & B ? Une pop star ? Cette tornade imprévisible est l’une des rares artistes capables de passer d’un même viral sur une vache (Mooh ! sur l’album Amala) à un rap cinglant sur la place des femmes dans l’industrie (Fuck the Girls sur Scarlet). Comment Doja Cat a propulsé la pop dans une nouvelle dimension ?
Une enfance atypique
Fille d’une mère graphiste et peintre juive ashkénaze et d’un père acteur et producteur zoulou, Doja Cat, née Amala Ratna Zandile Dlamini, voit le jour en 1995 à Los Angeles. Peu après sa naissance, son père retourne vivre en Afrique du Sud.
Elle est confiée à sa grand-mère maternelle, peintre et architecte, avec laquelle elle vit cinq ans à Rye (New York). Elle passe ensuite une grande partie de ses jeunes années dans un ashram, une communauté hindoue fondée par Alice Coltrane, la prêtresse du jazz extatique, dans les montagnes de Los Angeles avec sa mère et son frère. L’épouse de John Coltrane l’initie au jazz avant-gardiste et au bhajan.
La transition est difficile lorsque sa famille déménage dans la banlieue majoritairement blanche d’Oak Park. « C’était vraiment dur pour moi par moments », admet Doja Cat, évoquant le racisme de ses camarades envers elle et son frère dans Billboard. En dehors, elle s’adonne au skate, au surf et au breakdance. Sa tante, professeure de chant, l’aide à auditionner pour entrer dans un lycée dédié aux arts du spectacle de Los Angeles.
L’adolescente sèche souvent les cours, scotchée devant l’écran où elle se livre à des « bagarres légères » dans des forums de discussion en ligne. « Les gens s’en prenaient à moi et utilisaient un langage horrible, vraiment horrible, et je ne comprenais vraiment pas pourquoi les gens étaient si déchaînés là-bas », raconte Doja Cat à Paper. Elle s’endurcit : « Je suis devenue celle qui faisait des blagues blessantes et qui faisait des choses un peu décalées. »
Une ascension fulgurante
Doja Cat abandonne les cours à 16 ans pour mener une vie « désordonnée » passant « toute la nuit et toute la journée » à naviguer sur le Web. Elle bidouille des morceaux sur GarageBand, enregistrant sa voix sur des beats dénichés sur YouTube, qu’elle partage ensuite sur SoundCloud. « J’étais sur mon matelas, par terre, avec une couverture sur la tête, et j’enregistrais avec le micro interne. C’était vraiment brouillon, mais les gens appréciaient », relate-t-elle à Billboard.
Doja Cat fait ses premiers pas sur la scène hip-hop underground de Los Angeles et sort sur SoundCloud son premier single So High. Un « hymne downtempo et fumant », selon NPR, qui séduit Kemosabe, label de RCA Records, avec qui elle signe en 2013. Avec la sortie de son premier EP Purrr ! en 2014, elle est qualifiée de « prodige psychédélique de 18 ans » par le magazine Vibe.
Une personnalité clivante
Doja Cat intègre la culture du mème et du viral à son ADN artistique. Mooo ! – un délire viral où elle se filme en costume de vache – la propulse en 2018. Son premier album, Amala, pose les bases, mais c’est Hot Pink (2019) et son tube Say So qui la couronnent reine des charts. Ses titres, comme Kiss Me More, extrait de son troisième album Planet Her (2021), deviennent des trends planétaires parce que Doja Cat fournit une matière première – beats accrocheurs, chorégraphies vitaminées et sens aigu de la mise en scène – fabriqués pour le partage. Un remix avec Nicki Minaj, un Grammy en poche pour Planet Her (2021), et la voilà incontournable.
Depuis, Doja Cat ne cesse d’enchaîner les collaborations prestigieuses : avec la chanteuse R’n’B SZA sur Kiss Me More, la rappeuse Saweetie sur Best Friend, ou encore la star électropop The Weeknd sur You Right.
Son attitude provocante et ses interactions sans filtre sur les réseaux sociaux divisent. Ses propos scandaleux ou offensants placent la chanteuse au cœur de nombreuses controverses. Anciens tweets homophobes, légitimation de l’extrême droite, emploi du n-word, ridiculisation des victimes de violences policières… Entre deux excuses plus ou moins maladroites, Doja Cat parvient étrangement toujours à s’en sortir.
En 2023, elle s’en prend à ses fans : « Je ne suis pas votre petite poupée », lâche-t-elle. Et de lancer : « Je ne vous aime pas, parce que je ne vous connais pas ». Elle dénigre aussi son travail qualifié de « pop médiocre » et ses albums de « machines à frics », fustigeant ceux qui sont « tombés dans le panneau ». Une théorie émerge : Scarlet, l’alter ego maléfique de son quatrième opus, serait la clé de ce comportement.
Une artiste caméléon
Doja Cat est une artiste qui refuse de stagner. A la manière de David Bowie, son sens de la mode, de la transformation et de la provocation sont un manifeste en soi. Une manière sans doute de montrer la vacuité du star-system. Sa mère et sa grand-mère, toutes deux peintres, sont à l’origine de cette provocation visuelle constante : « Cela m’a beaucoup inspirée à m’intéresser à la mode et aux expériences visuelles », explique l’artiste à Billboard.
De la pop acidulée de l’ère Planet Her au hip-hop horrifique de l’ère Scarlet à l’esthétique camp infusée de funk de Vie, Doja Cat est toujours là où on ne l’attend pas dans un paysage musical trop souvent formaté.
Son flow est un cocktail de nonchalance et de précision chirurgicale. Ses textes passent de l’humour absurde à l’uppercut émotionnel. Ses clips, oscillants entre kitsch assumé et futurisme audacieux, sont des ovnis. Ses chorégraphies mêlent twerk et ballet. Ses apparitions publiques, en Choupette au Met Gala ou couverte de 30.000 cristaux Swarovski au défilé Schiaparelli, sont de vrais happenings.
« Elle a une telle énergie et une telle vision créative que son impact se fera sentir pendant très longtemps », promet The Weeknd. En devenant la rappeuse qui fait de la musique pop et vice versa, en imposant son style authentique, en assumant son rôle d’icône absurde de la culture numérique, et en forçant le mainstream à devenir plus éclectique, Doja Cat a brisé les conventions. Qu’on aime ou qu’on déteste, elle ne laisse personne indifférent !