Publié le
30 sept. 2025 à 17h53
« On ne peut pas faire notre deuil ». La famille Bouhadi est désemparée. Plus de dix jours après l’annonce brutale du décès de Moulay, 39 ans, noyé dans le canal du Midi à Toulouse, sa sœur Aziza a des trémolos dans la voix. Elle réclame « une vraie enquête » pour que la « mort suspecte » de son frère qui leur aurait été présentée comme un suicide, soit « requalifiée en homicide ». Parmi les éléments qui troublent ses proches ? Un « à tout à l’heure » lancé par la victime après avoir mis de la viande dans l’Airfryer de la cuisine familiale, mais aussi une étrange culotte de femme, de type tanga, que portait la victime ce jour-là. Ce que l’on sait.
Le corps de Moulay repêché dans le canal du Midi
Vendredi 19 septembre, en fin de matinée, les plongeurs des sapeurs-pompiers sont intervenus boulevard de la Gare, dans le canal du Midi pour repêcher un corps qui flottait. Ses proches apprendront quelques jours plus tard que c’était celui de Moulay. De quoi plonger dans l’effroi ses parents, son fiston et ses cinq frères et sœurs, très inquiets de ne plus avoir de nouvelle de lui depuis jeudi. D’autant « qu’il n’y a pas un jour sur les 365 de l’année où je ne voyais pas mon frère », souffle Aziza.
« Un peu le vilain petit canard de la fratrie »
« La police nous a dit qu’il avait ses habitudes dans le coin, qu’il y est venu consommer, avant de se noyer ». Si elle admet que son frère « avait l’habitude de prendre du cannabis, voire d’autres drogues », Aziza assure qu’il « gérait ses consommations depuis plus de 20 ans » et conclut : « La police nous dit que c’est un suicide, mais on n’y croit pas ».
Divorcé et père d’un enfant de 16 ans, Moulay travaillait comme maçon pour des agences d’intérim. Il avait des antécédents judiciaires pour « des délits mineurs », reconnaît sa sœur. « Il était un peu le vilain petit canard de la fratrie », glisse-t-elle, « mais il était surtout très gentil et très attaché aux valeurs de la famille ». Jamais, d’après elle, il n’aurait disparu ainsi.
« Il a mis de la viande dans l’Airfryer et dit ‘Je reviens manger’ »
D’après le témoignage de sa sœur, ce jeudi-là, en milieu de matinée, « Moulay a mis de la viande à décongeler dans l’Airfryer avant de partir, puis il a dit à notre mère : je reviens manger, à tout à l’heure. Mais il n’est jamais revenu et n’a plus donné signe de vie ».
Pourquoi n’est-il jamais rentré ? Et que lui est-il arrivé ? C’est toute la question. « La police l’a visiblement pris pour un SDF toxicomane comme on en trouve à la gare », soupire Aziza, or, « il vivait dans une résidence avec piscine située boulevard de la Maourine, à Borderouge ».
Ses affaires retrouvées sur la berge à proximité
Quand Moulay a été repêché, « une partie de ses affaires et son téléphone portable ont été retrouvés sur la berge, à proximité », confirme une source proche de l’enquête. Ce qui étonne d’autant plus sa famille : « On nous a dit que Moulay était pieds nus, et que son téléphone et ses habits, avec son caleçon, son bas de jogging et ses baskets, avaient été retrouvés à proximité ». Mais bizarrement, Moulay n’était pas dévêtu ce jour-là.
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« Ils ont voulu faire passer mon frère pour un travesti »
« Je veux comprendre les circonstances de la mort suspecte de mon frère », insiste Aziza, qui est tombée des nues ce lundi 29 septembre, à la morgue, quand elle a découvert sa tenue : « Le médecin légiste nous a dit que quand on l’a retrouvé, il portait un t-shirt jaune, une culotte de femme de type tanga marron et un pantalon leggings noir ».
N’imaginant pas un instant que Moulay, « croyant et attaché aux valeurs », puisse s’habiller ainsi, Aziza est offusquée que « l’enquêteur ait voulu faire passer mon frère pour un travesti. Il n’a jamais eu de tendances sexuelles envers les hommes, il était plutôt un dragueur de femmes invétéré. Pourquoi la famille n’a-t-elle pas été informée de ces éléments troublants ? », s’interroge-t-elle : « On est dans un cauchemar éveillé ».
Pour nous, cela ne fait aucun doute, il a été tué. Ce n’est pas un suicide et on veut que son décès soit requalifié pour pouvoir faire notre deuil. Qui a tué Moulay ?
Aziza Bouhadi
Sœur de Moulay, retrouvé mort dans le canal du Midi
« Vu comment le corps était abîmé… »
Infirmière de profession, Aziza est « habituée à faire des toilettes mortuaires ». Alors, à la morgue, après l’autopsie, elle a « ouvert le sac » dans lequel se trouvait le cadavre de son frère. Et là, stupeur. « Sur le corps », dit-elle, « il y avait plusieurs traces suspectes : fracture du fémur gauche qui avait visiblement été ouvert par le médecin légiste à l’autopsie, clavicule déplacée, bleus au niveau des cotes, hématome avec du sang sur le front… »
Vu comment le corps était abimé, je ne doute pas qu’il y ait eu l’intervention d’une tierce personne.
Aziza Bouhadi
Le corps de Moulay peut-il simplement avoir été abîmé dans le canal ? A-t-il été percuté par quelque chose ? Certaines traces sont-elles dues à l’autopsie ? « Le médecin légiste écrit dans ses conclusions que sa mort est due à une ‘asphyxie qui n’est pas incompatible avec une noyade’. Je demande à éclaircir ça », avance Aziza.
Peut-il avoir été « impliqué dans une bagarre, ou bien un accident, puisqu’il a été retrouvé boulevard de la gare ? ». Tant de pistes qu’elle aimerait voir creusées, d’autant que c’était « quelqu’un qui pouvait facilement s’emporter ».
Un autre corps repêché au même moment dans la Garonne
Autre élément qui a troublé la famille : le soir même où Moulay a disparu, un autre corps a été repêché par les pompiers, dans la Garonne cette fois, celui d’un jeune homme qui a été sauvé in extremis après avoir tenté d’échapper à la police.
Si dans un premier temps, cette affaire a semé le trouble chez les Bouhadi, tout porte à croire que ce n’était qu’une coïncidence, mais la famille « appelle cette personne qui s’est jetée dans la Garonne à se manifester afin de recueillir des informations ».
« Toutes les pistes sont exploitées », dit le parquet de Toulouse
Contacté par Actu, le parquet de Toulouse assure de son côté que « l’enquête n’est pas clôturée. Des investigations sont menées et toutes les pistes sont exploitées », ajoute-t-il, avant de préciser qu’il n’a pas encore retenu de qualification du décès, mais d’après lui, « il n’y a pas eu de notion de fracture à l’autopsie ».
L’autopsie n’a pas mis en évidence d’éléments qui permettraient de qualifier pénalement les faits et nous sommes toujours en procédure de recherche des causes de la mort. Les résultats des investigations de toxicologie et anatomopathologie sont également attendus.
Le parquet de Toulouse
La famille réclame « une enquête digne de ce nom »
La famille, elle, n’en démord pas. Pour éclaircir les circonstances du décès de Moulay, elle invoque « une vraie enquête digne de ce nom » et réclame « l’examen des caméras de vidéosurveillance », ainsi que « des tests ADN sur la culotte ».
Sur les conseils de son avocat, Me Pierre Debuisson, elle entend porter plainte pour homicide. En attendant, Aziza a ouvert une cagnotte Leetchi (qui a déjà recueilli plus de 5 000 euros ce mardi) pour « connaître la vérité sur la mort de (s) on frère » et faire face aux frais de justice.
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