Tour d’horizon avec Olivier Gabet, directeur du département des Objets d’art, de l’exposition Mécaniques d’art actuellement dédiée à l’art du temps au sein du Musée du Louvre.

Le Musée du Louvre expose jusqu’au 12 novembre prochain une sélection d’œuvres emblématiques retraçant les aspirations humaines à saisir et mesurer le temps, de l’Antiquité jusqu’à nos jours. Cette exposition « Mécaniques d’art » fait dialoguer, aux côtés de la célèbre pendule dite de « la Création du Monde », horloge astronomique présentée au roi Louis XV en 1754 et d’une horloge automate exceptionnelle prêtée par la Maison Vacheron Constantin à l’occasion de son 270e anniversaire, tant des fragments d’une horloge à eau égyptienne de l’époque ptolémaïque que la plus ancienne montre existant en France –, signée et datée de Jacques de La Garde en 1551. L’occasion de revenir avec Olivier Gabet, directeur du département des Objets d’art, sur la place du temps et des objets qui en marquent l’écoulement au sein du Musée du Louvre.

Une exposition « Mécaniques d’art » au musée du Louvre.
Musée du Louvre

Existe-t-il beaucoup de pièces liées au temps dans les collections du Louvre ?
Olivier Gabet : En fait, la question s’est posée il y a 25 ans, au moment du passage à l’an 2000. Il y avait alors eu une très belle exposition sur la place du temps, comment il s’incarne, se symbolise au travers des œuvres d’art. Et comment les civilisations se projettent dans cette question du temps. Volontairement, j’ai un peu évacué cela. Il s’agissait alors d’une exposition très philosophique, très anthropologique, ce qui ne me semblait pas tout à fait le sujet cette fois. Avec cette exposition « Mécanique d’art », j’avais plutôt envie de choisir des objets issus des collections du département des Objets d’art, en lien avec cette problématique du temps, d’un point de vue très physique, en termes d’expression, d’indication du temps. Une œuvre tombait sous le sens : la pendule de la Création du monde. C’est d’ailleurs en contribuant à sa restauration en 2019 que Vacheron Constantin est entrée en contact avec le musée du Louvre.

Une exposition « Mécaniques d’art » au musée du Louvre.
Musée du Louvre


Passer la publicité

Le musée du Louvre est souvent vu comme un musée des Beaux-Arts. Mais quoi que l’on en pense, c’est totalement faux, une fois que l’on regarde l’ensemble de ses collections, notamment l’archéologie. On voit que l’on peut aller un peu plus loin. Il se trouve que le département des Objets d’art du Louvre possède à la fois une collection scientifique et une collection de montres et de pendules très importante. Elle est un peu indifférenciée dans le parcours des salles, car rentrée au travers de collections offertes au Louvre. On a souvent gardé ces effets d’ensemble, un peu contraire à notre devoir et notre envie de les mettre en valeur. Cela ne permet pas leur lisibilité aux yeux des visiteurs, ou de créer des hiérarchies. En réfléchissant à cette présentation, je me suis dit que c’était l’occasion de créer ce dialogue avec cette horloge automate Vacheron Constantin et la pendule de la Création du monde, et de présenter différentes pièces très importantes, dont certaines sont des pièces d’horlogerie.

Une exposition « Mécaniques d’art » au musée du Louvre.
Musée du Louvre

Les objets de cette exposition font donc tous partie des collections du Louvre ?
En me penchant sur la question avec les conservateurs, nous avons trouvé que nous possédions des choses assez inattendues au Louvre. Certes, à Paris, nous avons un musée des Arts et Métiers. On s’attend plus que ce soit lui qui s’intéresse à ces questions. Mais très souvent, ces œuvres sont rentrées dans les collections du Louvre parce qu’il s’agissait de témoignages historiques et artistiques, moins que techniques. Nous n’avons pas le même prisme. C’était l’opportunité de montrer des pièces de nos collections, mais que l’on ne voit pas toujours très bien. Par exemple, le Louvre conserve la plus ancienne montre française datée et signée conservée en collection publique. Son boîtier est composé de deux hémisphères. Nous sommes en 1551, à Blois, et elle est signée Jacques de la Garde. C’est assez rare d’avoir de telles précisions. C’est une licorne assez extraordinaire. On ressent à quel point Blois est un lieu stratégique à l’époque.

Une exposition « Mécaniques d’art » au musée du Louvre.
Musée du Louvre

Quid de la montre de carrosse aux armes du cardinal de Richelieu ?
Il s’agit d’une pièce d’horlogerie assez imposante datant des années 1630, aux armes du cardinal, en argent ciselé et travaillé. Elle est rentrée dans nos collections car il s’agit d’un très beau témoignage de l’orfèvrerie française. Cela nous intéresse d’avoir un objet lié non seulement à un usage, mais aussi à un contexte historique précis. C’est aussi cela la mission du Louvre. On ne peut pas trouver mieux : c’est une pièce assez extraordinaire. Les carrosses n’avaient pas des suspensions merveilleuses à l’époque, et ces objets de luxe et de prestige avaient la capacité de reprendre le fil de l’heure mis à mal par les cahots de la route. Richelieu est alors l’homme le plus puissant d’Europe, et un homme en mouvement. Ce n’est pas quelqu’un enfermé dans un bureau à Paris. Il a sillonné la France, il a passé une partie de sa vie sur les routes, au gré des combats. On dépasse l’art mécanique pour parler de l’histoire de France.

Une exposition « Mécaniques d’art » au musée du Louvre.
Musée du Louvre

Comment avez-vous choisi les objets les plus anciens exposés ?
J’ai notamment rebondi sur cette notion d’automate. j’ai choisi deux objets avec la complicité de mes collègues du département des Antiquités égyptiennes et des Arts de l’islam. Nous exposons un fragment de ces grandes vasques à eau qui servaient à mesurer le temps dans l’Égypte de l’époque ptolémaïque. Ainsi qu’un incroyable élément d’horloge automate en forme de paon, datant du Xe siècle. On y voit une très belle sculpture, mais ce très bel objet est aussi lié au temps. Il s’agit d’un morceau d’un automate assez monumental, doté d’une tuyauterie à l’intérieur. Il est possible que ce paon ait pu cracher de petites billes au passage de chaque heure.

Une exposition « Mécaniques d’art » au musée du Louvre.
Musée du Louvre

Est-il rare d’exposer une création contemporaine telle que l’horloge automate La quête du temps de Vacheron Constantin au sein du musée du Louvre ?
La question est très intéressante : quelle est la place de la création contemporaine au Louvre ? Elle y a toujours été présente. Jacques-Louis David, que l’on va célébrer dans quelques semaines, avait son atelier au Louvre. Il y a toujours eu des commandes contemporaines. Delacroix, de son vivant, a peint un plafond, comme ensuite Braque. La présence de la création contemporaine a été objectivée au travers de la peinture, de la photographie, de la littérature. Aujourd’hui, on invite des chorégraphes, des danseurs, des performeurs. Nous avons la chance d’être un musée très visité. Notre mission est de ramener les visiteurs à la réalité historique des objets qu’on leur présente par les prismes les plus intelligents possibles. Il existe toujours une petite méfiance par rapport aux objets ou à la mode. Avec l’exposition Louvre Couture, nous avons montré que la création contemporaine avait des expressions variées, que la mode en était une, assez active, créative, et universelle. Cela passe aussi par les métiers d’arts. Cela n’arrive pas très souvent, mais de temps en temps, nous pouvons réactiver nos collections historiques via le prisme de créations contemporaines. Encore faut-il que ce soit exceptionnel. Nous avions envie de faire ce projet avec Vacheron Constantin car nous sommes face à un chef-d’œuvre, une œuvre philosophique, fascinante et troublante, fidèle à une vieille tradition de l’œuvre absolue, virtuose. Qui plus est, il s’agit d’une création commémorative, qui ne sera jamais vendue et restera au sein de leurs archives, Pour moi, il s’agissait également d’un point très important.


Passer la publicité

Exposition Mécaniques d’art, musée du Louvre, aile Sully, salle 602, jusqu’au 12 novembre 2025