Pour elle et pour les autres
Raphaëlle Silvy-Leligois, cheffe du département des formations professionnelles spécialisées de l’École nationale de la magistrature, a été confrontée à un cancer du sein. Elle a voulu transformer cette expérience personnelle en quelque chose de positif pour elle et pour les autres. « Combat n’est pas le mot adapté, car on subit le parcours de soins », décrit-elle.

« Au quotidien, on n’a pas forcément envie de dire à sa hiérarchie qu’on doit aller faire une mammographie ou une coloscopie, et on ne veut pas non plus puiser dans ses jours de congé qu’on réserve à des choses plus réjouissantes. Alors, on s’oublie. On se dit qu’on n’est pas à trois mois près. Mais si, car, plus vite on sait, plus vite on soigne. »

S’inspirant de Publicis et de sa campagne Cancer@work découvrant qu’une proposition de loi était en cours avant la dissolution, Raphaëlle Silvy-Leligois a imaginé un « congé prévention » et a immédiatement été suivie par sa hiérarchie.

Autorisation d’absence

Depuis le printemps dernier, l’École nationale de la magistrature a ainsi mis en place ce nouveau droit en matière de santé, accessible à tous les agents, hommes ou femmes, travaillant sur les sites de Bordeaux ou de Paris.

Ce congé de prévention prend la forme d’une autorisation d’absence exceptionnelle, activable une fois dans l’année. Sans incidence sur les droits à congé, ce dispositif vise à faciliter les rendez-vous médicaux au titre des dépistages, souvent repoussés ou oubliés. Il est basé sur la confiance.

« Ce n’est pas que pour le cancer. C’est penser à soi et à sa santé une fois dans l’année », insiste Raphaëlle Silvy-Leligois En 2024, elle aussi a repoussé un rendez-vous médical qui « tombait mal ».

Cette fois, il y a un kyste

Mais, cette fois, il y a un kyste. Réconfortée par les siens, Raphaëlle Silvy-Leligois tente de se rassurer. Mais un message vocal lui donnant rendez-vous sans attendre lui fait comprendre, la peur au ventre, que ce n’est pas bon.

Elle dit être passée par toutes les phases. Sidération, inquiétude, tristesse, questionnement existentiel, acceptation. « Du soulagement aussi, parce qu’on avait identifié le cancer. Une partie de mon corps était malade, je voulais m’en débarrasser, qu’on me l’enlève. »

Raphaëlle Silvy-Leligois garde en mémoire le temps interminable des résultats, le flou cotonneux qui entoure la nouvelle annoncée maladroitement, le tunnel d’examens pour affiner, cartographier, la chance d’être prise en charge à l’hôpital Tenon, le protocole de soin très cadencé, l’opération, « la durée et la dureté » de la chimiothérapie.

Car, après l’opération, le score de la tumeur n’est pas bon. « C’est comme au biathlon. Hop, tour de pénalité ! Et, pendant ce temps-là, les gens continuent leur vie. » C’est son fils de 20 ans qui la fait relativiser. « C’est quoi six ou huit mois à l’échelle d’une vie ? »

Au boulot, tout le monde est bienveillant. « Une vraie chance », remercie-t-elle aujourd’hui, même s’il a bien fallu s’arrêter de travailler. Entre autres engagements, Raphaëlle Silvy-Leligois milite désormais pour qu’il n’y ait pas de coupure avec le monde du travail. « Ça fait tenir, ça soutient, ça maintient. »

« L’apparence avait changé. J’avais perdu 10 kilos et mes cheveux, mais, à l’intérieur, j’étais toujours la même, avec un besoin d’inclusion, d’être acceptée au travail. Le congé prévention montre aussi que l’employeur se soucie des autres. Et c’est reproductible », encourage-t-elle.

Cet article est issu du supplément de la rédaction « Octobre rose », à retrouver dans les éditions de « Sud Ouest » du 1er octobre ou sur le kiosque sur sudouest.fr