« Vous voyez bien, il n’y a plus personne ! Depuis que les autres commerçants sont partis, c’est vide ici ». Derrière son comptoir au Landrel, Mourad veille sur sa broche à kebab en attendant désespérément des clients. « J’ai hâte qu’on emménage place Jean-Normand, on aura plus de clients en étant plus centralisés », confie le cogérant du kebab du Landrel.

Mais tous ne pourront pas plier bagage direction Jean-Normand. Dabachi Abdallah, gérant du Diagonal depuis 2017, ne sera pas relogé. « Ils nous chassent », s’attriste-t-il. « En prévoyant le projet de réhabilitation, nous avons travaillé avec les commerçants arrivés en 2010. Comme le Diagonal est arrivé après, il n’a pas pu y être intégré. Mais il y aura une indemnité d’éviction », explique Marc Hervé, adjoint à l’urbanisme de Rennes.

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Du côté des habitants et des associations, on s’interroge également. « C’est sûr, ça va changer les habitudes du quartier. Mais les liens sociaux qui ont été créés ne disparaîtront pas », assure Josette Nivaga, habitante du quartier et cofondatrice du collectif Galicie, au Blosne. Au P’tit Blosneur, Claire-Agnès Froment prépare l’atelier cuisine de l’après-midi. Au programme du jour : confection de pâtisseries. Les habitants du quartier Sainte-Elisabeth arrivent petit à petit, prêts à se mettre aux fourneaux. « Nous sommes ici depuis 2017, nous avons créé du lien social depuis. »

Le kebab du Landrel va pouvoir déménager.Le kebab du Landrel va pouvoir déménager. (Le Télégramme/Martin Auffray)

D’ici avril, le P’tit Blosneur déménagera place Banat. « Ici, c’est une passoire thermique. Là-bas, nous aurons de meilleurs locaux, avec une meilleure visibilité. » Mais Claire-Agnès est mitigée concernant la centralisation : « Je ne comprends pas pourquoi ils n’ont pas rénové ces centres plutôt que de tout déconstruire. »

Ceux qui ont du mal à se déplacer

Le collectif la Galicie est installé en bas des tours du même nom depuis plus de vingt ans. Dans ces locaux, huit copines, habitantes du quartier depuis des années, proposent des articles de seconde main à petits prix. Elles qui ont vu ces centres commerciaux naître pointent du doigt les problématiques que la centralisation place Jean-Normand peut soulever : « On se met à la place des personnes qui habitent dans des quartiers plus reculés comme Sainte-Elisabeth. Celles qui ont plus de mal à se déplacer vont être éloignées des commerces de proximité. »

Pour répondre à cette problématique de mobilité, la Ville de Rennes « a prévu de garder un espace actif au rez-de-chaussée de Saint-Elisabeth pour garder quelques commerces de première nécessité ».