« Je n’ai pas accepté qu’elle soit excisée. J’ai lutté contre tout le monde. » Florence a quitté la Côte d’Ivoire pour se réfugier en France, et sauver sa fille de 14 ans menacée de mutilations génitales. Issue de l’est de la Côte d’Ivoire, une région où l’excision est peu répandue, elle s’est opposée à la famille paternelle de sa fille, originaire du nord, où cette pratique est encore courante. La rupture familiale a été brutale, mais nécessaire.
Depuis, Florence et sa fille, habitantes de Périgueux, sont suivies par l’association Les Orchidées rouges à Bordeaux, fondée en 2017 par Marie-Claire Koulibaly-Moraldo. Présente aussi à Lyon et Abidjan, elle est la première et seule structure spécialisée dans l’accompagnement global et gratuit des femmes victimes de mutilations sexuelles féminines (MSF) et / ou de mariage forcé. Depuis 2020, plus de 1 200 femmes et filles y ont été accompagnées.
Pression
L’excision est une forme de mutilation génitale féminine consistant en l’ablation du clitoris, des petites ou grandes lèvres, ou encore en la fermeture partielle ou totale de l’orifice vaginal. Il s’agit d’une pratique profondément ancrée culturellement, souvent réalisée de manière clandestine.
« À un moment, j’étais désespérée, je me suis dit : ‘‘peut-être que c’est moi qui ai tort’’ »
Sous la pression familiale, Florence a vu sa fille vaciller. Un jour, celle-ci lui a confié : « Si nous devons nous séparer de toute notre famille, alors je préfère être excisée. » Ce n’est qu’après un suivi avec la psychologue des Orchidées qu’elle a pleinement pris conscience des enjeux. Cette mère a aussi connu le doute : « À un moment, j’étais désespérée, je me suis dit : ‘‘peut-être que c’est moi qui ai tort’’. » Elle a puisé sa force pour résister grâce au soutien de l’association et, aujourd’hui, elle confie avec émotion : « Je suis fière de voir ma fille épanouie. »
Multiples traumatismes
L’association intervient autour de trois axes : la prévention, le plaidoyer, et un accompagnement holistique et gratuit. À Bordeaux, une équipe pluridisciplinaire – composée notamment d’une psychologue, d’une médecin généraliste et d’une sexologue – assure un suivi des bénéficiaires, à travers des entretiens individuels ou des groupes de parole. Un accompagnement spécifique est également proposé aux femmes souhaitant bénéficier d’une chirurgie réparatrice, ce qui concerne environ 5 % des cas.
Ces femmes, qu’elles vivent en France ou qu’elles aient fui leur pays d’origine, ont traversé de multiples traumatismes : troubles de stress post-traumatique, états dépressifs, perte d’estime de soi… À Bordeaux, la liste d’attente déborde de demandes. « Certaines femmes vont venir ici parce qu’elles ont besoin d’un lieu où elles peuvent parler en sécurité, sans la crainte d’être jugées. Nous allons les aider à reprendre confiance en elles, à retrouver un sentiment de paix », explique Céline Marcadet, psychologue dans la structure bordelaise. « Ce sont des suivis longs. Mais il y a des femmes qui arrivent à se reconstruire, bien évidemment. »