Le « dialogue social » paraît plus tendu que jamais au Quick de Mérignac. Depuis deux semaines, une vingtaine de salariés, autour de la directrice Hayat El Guannami, dénoncent publiquement les conditions de travail et les méthodes du nouveau franchisé, exploitant sous contrat de la marque arrivé au 1er août : sureffectif, heures supplémentaires non payées, règlement intérieur discriminatoire, brimades et pression conduisant à de nombreux arrêts maladies.

Ce mercredi 1er octobre, une vingtaine de manifestants, plusieurs employés du Quick accompagnés de syndicalistes CGT, organisent un piquet de grève devant le restaurant de l’avenue de la Marne. « Rien n’a changé depuis quinze jours, le franchisé est toujours dans le déni », expose Hayat El Guannami, également élue du personnel cadre, qui a revêtu la chasuble CGT.

Le piquet au moment du « rush » vise à « sensibiliser le public » et aussi « à toucher le franchisé au portefeuille ». À pied ou en voiture, les clients potentiels sont interpellés. « Bonjour. On fait grève pour nos conditions de travail. Est-ce que ça vous dérange d’aller manger ailleurs aujourd’hui, par solidarité ? Merci. » Les salariés distribuent un tract, proposent de signer une pétition. La majorité des clients abordés – mais pas tous – choisissent de ne pas entrer dans le restaurant.

« On a beaucoup de sollicitations dans ce milieu de la restauration rapide, témoigne Bénédicte Reigner Hernandez, de l’Union locale CGT Mérignac. Les salariés sont isolés, ignorent leurs droits. Ici, on relève beaucoup d’entorses au droit du travail et de discriminations syndicales. »

Les manifestants réclament d’abord « le paiement des heures supplémentaires, l’amélioration des conditions de travail ». Elles n’auraient pas bougé depuis, au contraire. « Ils jouent sur la peur des salariés, qui vont au travail avec la boule au ventre. Ceux qui ont repris leur poste après avoir témoigné sont soumis à des brimades », assure la directrice. « On était chefs d’équipes, maintenant on nettoie les tables » , témoignent deux salariés « rétrogradés ».

« Des faits graves »

Un des points de tension n’est plus d’actualité. D’après les salariés et Mediapart, qui a enquêté à la suite de l’article de « Sud Ouest », le nouveau franchisé a renoncé au nouveau règlement intérieur qu’il voulait imposer. Le document, qui proscrivait notamment la barbe, était jugé « discriminatoire » et « anti-musulman », par plusieurs salariés – ce dont le franchisé s’est défendu. Mais beaucoup de nouveaux conflits semblent s’ajouter.

« Ils jouent sur la peur des salariés, qui vont au travail avec la boule au ventre »

« On a découvert des faits graves », dit Hayat El Guannami, toujours en arrêt de travail depuis que l’entreprise a lancé à son encontre une procédure de licenciement pour faute. Après une action en justice pour harcèlement, la directrice a porté de nouvelles plaintes contre son employeur, pour « usurpation d’identité, faux et usage de faux et mise en danger de la vie d’autrui ».

« Mon identité a été utilisée en mon absence pour valider des procédures d’hygiène qui n’ont pas été effectuées […], une machine à glace a fonctionné trente jours sans nettoyage. C’est un manquement grave à la sécurité alimentaire », assure celle qui revendique désormais le statut de « lanceuse d’alerte ».

« Honneur bafoué »

Le franchisé Mehdi Smaine, qui dirige notamment huit autres établissements Quick à Pau et en Occitanie, était présent ce mercredi dans l’enceinte du restaurant mérignacais. Lors d’un bref échange avec « Sud Ouest », il confirme qu’il ne souhaite toujours pas s’exprimer dans les médias, mais qu’il compte s’y employer « devant la justice ». « Mon honneur est en jeu, il a été bafoué », lâche-t-il, laissant présager pour le moins une action en diffamation.

Les manifestants réclament d’abord « le paiement des heures supplémentaires, l’amélioration des conditions de travail »

Le franchisé s’est ensuite porté au contact des manifestants, accompagné d’une commissaire de justice qui a demandé leur identité à certains présents. « Ils n’en ont pas droit, d’autant que l’employeur connaît les grévistes. C’est clairement de l’intimidation », relève Jonathan, militant CGT venu en soutien. « Je préserve les droits de tous », a rétorqué la commissaire. Tension.

A suivi une scène insolite où le franchisé et la directrice ont abordé les clients potentiels venus en voiture, avec des incitations contradictoires, le premier accusant ensuite les manifestants de « blocage », la seconde signalant un « délit d’entrave ».

Dans les heures qui ont suivi, « le franchisé a appelé la police nationale puis municipale au restaurant. Ils sont venus puis repartis en constatant qu’on ne causait aucun trouble », témoignait dans l’après-midi la directrice. Les salariés annoncent de nouveaux recours vers Quick France. Hayat El Guannami demande désormais « la résiliation du contrat de franchise » de Mehdi Smaine. « Si Quick France ne prend pas ses responsabilités, nous continuerons et amplifierons nos actions. »