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Emilie Dudon-Fournier

Publié le

1 oct. 2025 à 6h32

Et donc quoi, maintenant ? Jamais le rugby féminin n’a ainsi été placé sous les projecteurs. Jamais les stades n’ont été aussi pleins (plus de 440 000 billets vendus, Twickenham comble pour la finale). Jamais les Bleues n’ont attiré autant de téléspectateurs (record battu lors de la demi-finale avec une moyenne de 3,8 millions de fans devant TF1). Jamais autant de filles n’ont joué au rugby en France (le nombre de licenciées a bondi de 38 % depuis l’an dernier, passant de 52 000 à 70 000). Nonobstant, le rugby féminin est-il vraiment en train de prendre le tournant qu’on lui prédisait à l’occasion du 10e Mondial de son histoire ? 

« Cette Coupe du monde est déjà un succès, il y a déjà un avant et un après », avait affirmé le président de la FFR Florian Grill avant la demi-finale perdue contre l’Angleterre et juste après avoir officialisé le naming Axa sur le championnat d’Élite 1. Le montant n’a pas été communiqué officiellement mais le patron du rugby français n’avait pas hésité à parler de « tournant historique. En professionnalisant l’Élite 1, grâce au soutien d’Axa et de Canal +, la prochaine étape est d’amener 300 à 400 filles vers la professionnalisation ou la semi-professionnalisation », avait-il annoncé, alors que seulement 30 joueuses sont sous contrat avec la FFR actuellement.

Grisez : « On n’investit pas forcément au bon endroit ou de la bonne façon »

Les Bleues, de leur côté, ont reconnu un «échec » sportif après leur 4e place dans cette Coupe du monde 2025. Et si une nouvelle génération très prometteuse émerge, le niveau de leur championnat est directement pointé du doigt, comparé à l’Angleterre notamment. « Pour moi c’est ça la grande différence : le championnat qui est beaucoup plus attractif, il y a beaucoup de joueuses étrangères qui viennent de partout dans le monde pour jouer en Angleterre, les clubs ont les mêmes infrastructures que les garçons », expliquait sur France Info l’ancienne deuxième ligne tricolore Lénaïg Corson, qui a terminé sa carrière aux Harlequins (2022-2023).

Au sortir de ce Mondial raté, les Bleues espèrent du changement afin de pouvoir rivaliser à nouveau avec les équipes du Top 3, qu’elles ont vaincues une seule fois depuis la Coupe du monde 2022 (en Nouvelle-Zélande, 17-18 en 2023). « On fait des études, on travaille à côté. À terme, il s’agirait de se bouger un peu plus pour que nos clubs aient plus de moyens et que nos équipes performent un peu plus », a ainsi lancé l’ailière Joanna Grisez sur le plateau de Stade 2 dimanche.

« Tout le monde est un peu dépassé par l’engouement »

L’emblématique demie de mêlée Pauline Bourdon-Sansus n’a pas caché ses espérances au sortir de la petite finale perdue samedi soir : « J’ai la sensation que les politiques ont envie vraiment que le rugby féminin monte en puissance en France. J’espère vraiment qu’il va y avoir des moyens mis sur la table et qu’on pourra essayer de rattraper l’écart avec le Canada et l’Angleterre. »

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Mais sa coéquipière, venue du 7, s’est montrée plus circonspecte et n’a pas hésité à lancer un coup de gueule, calme mais franc : « C’est une somme de beaucoup de choses… La Fédération nous donne les moyens, le rugby féminin se structure de plus en plus, on a envie, mais c’est encore maladroit. On n’investit pas forcément au bon endroit ou de la bonne façon. Tout le monde est un peu dépassé par l’engouement et je pense qu’on ne fait pas forcément les bons choix partout. »

Marine Ménager consolée par Gaëlle Mignot après le dernier match de sa carrière samedi.
Marine Ménager consolée par Gaëlle Mignot après le dernier match de sa carrière samedi. (©Icon Sport)

Avec la médiatisation et le naming Axa, l’objectif de la FFR est de monter les budgets des clubs d’Élite 1 aux alentours de 1,8 à 2 millions d’euros, comparables à des clubs de Fédérale 1 ou Nationale. Ils tournent aujourd’hui autour des 400 à 800 000 euros. « Effectivement, il va y avoir un naming qui, je l’espère, va amener plus de finances et nous aider à nous structurer mais c’est le chien qui se mord la queue », reprenait la fusée du Stade bordelais : « Ce sont des questions politiques qui sont compliquées. Effectivement, on a besoin que nos clubs aient plus de moyens mais pour cela, on a aussi besoin de plus de médiatisation. On commence par où ? »

Plus de matchs de rugby féminin sur Canal +

Canal + diffusera 10 matchs d’Élite 1 cette saison, contre 5 l’an dernier. La revanche de la dernière finale entre Toulouse et Bordeaux sera diffusée en clair le 12 octobre à 18 heures, avant la rencontre de Top 14 entre les deux équipes masculines dans la soirée. Un pas est clairement fait. Sera-t-il suffisant ?

La France ira doucement, la FFR l’a déjà annoncé via son vice-président Jean-Marc Lhermet : « On aimerait aller vers un semi-professionnalisme intelligent : du temps pour s’entraîner et du temps pour son activité professionnelle en dehors », avait-il déclaré dans Midi Olympique. » Une fois que cela sera bien ancré, on pourra penser à passer en 100 % rugby. Mais au vu de l’environnement économique actuel, il ne sert à rien de laisser croire des choses qui ne sont, pour l’heure, pas réalisables. On va construire étape par étape. On ne veut pas du professionnalisme précaire. »

Le rugby féminin français a quatre ans pour se (re) construire et envoyer une équipe réellement capable d’être championne du monde. « On échoue souvent à pas beaucoup, mais c’est ‘pas beaucoup’ tout le temps », a déploré Joanna Grisez, dans une conclusion désolée sur France Télévisions. Le changement, c’est maintenant.

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