Dans la grande famille des réécritures de contes, For the Wolf de Hannah Whitten s’impose comme une variation sombre et romantique d’un mythe que l’on connait bien. Au cœur de cette fresque de fantasy, l’autrice revisite l’imaginaire de La Belle et la Bête de Disney, en le plongeant dans un univers où les forêts avalent les âmes et où les destins s’écrivent à coups de sacrifices.

Le destin des secondes filles

C’est ainsi que débute le roman, par une fatalité énoncée dès l’enfance. Redarys, surnommée Red, sait qu’elle n’échappera pas à ce sort : offerte en sacrifice aux bois sauvages, elle doit rejoindre le loup, gardien des mystérieux « rois oubliés » – des dieux déchus que les habitants espèrent voir revenir un jour.

Mais Red accepte ce destin avec une détermination suspecte. Derrière son apparente résignation, elle cache un secret qui pourrait menacer ceux qu’elle aime. Tandis que sa sœur jumelle Neve tente de la retenir, Red s’obstine et franchit le seuil du bois, prête à affronter l’inconnu.

La malédiction du bois

L’entrée dans les bois prend des allures de cauchemar. Les arbres se tordent, griffent, tentent d’absorber la jeune fille – un passage qui évoque la fuite terrifiée de Blanche-Neige dans la forêt enchantée. Mais au cœur de cette nature hostile, Red ne trouve pas une bête monstrueuse. Le loup est un homme : Eammon, imposant, taciturne, rongé par la colère et le poids d’un devoir qui n’aurait jamais dû lui incomber. Ce tête-à-tête improbable inaugure une dynamique Enemies to Lovers tant appréciée du lectorat Young Adult. La méfiance, les silences et les éclats de colère posent les bases d’une relation lente, progressive, où l’attachement se fraie un chemin à travers les malédictions et les secrets.

Le cœur de l’intrigue réside dans le bois sauvage, véritable entité maléfique qui menace non seulement Red et Eammon, mais aussi l’équilibre du royaume tout entier. Ce lieu vivant, oppressant, devient l’axe central d’une malédiction qui dépasse les protagonistes et les plonge dans une lutte contre des forces plus anciennes et plus puissantes qu’eux.

Hannah Whitten réussit à maintenir la tension tout en insufflant une atmosphère de conte gothique, où les responsabilités brisent les êtres et où le sacrifice se confond avec l’amour et la loyauté. L’un des charmes du roman tient dans son ton immersif qui donne chair aux paysages et aux émotions. Le lecteur se laisse happer, page après page, par cette atmosphère à la fois sombre et envoûtante. Si certains passages paraissent excessivement détaillés, ralentissant légèrement le rythme, ce choix narratif contribue néanmoins à la densité des émotions relatées. Autre point fort : l’accessibilité. En évitant l’excès de scènes sexuelles explicites, l’autrice ouvre son récit à un lectorat large, y compris plus jeune, sans sacrifier la profondeur émotionnelle.

L’ouvrage réussit son pari : revisiter un conte familier sous le prisme de la romantasy – ce mélange de romance et de fantasy qui séduit un public toujours plus large. On y retrouve la magie de La Belle et la Bête, l’angoisse d’une forêt hostile, la lente brûlure d’une romance contrariée, le vertige d’une malédiction qui dépasse les humains. Un roman à recommander à celles et ceux qui aiment les réécritures de contes, les atmosphères gothiques et les amours qui se construisent dans l’adversité.