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Rédaction Louviers

Publié le

2 oct. 2025 à 17h10

Lundi 30 septembre, dans la salle du Fort de Limaie à Igoville, plus d’une centaine de personnes ont assisté à la réunion dressant le bilan de la concertation sur la réouverture de la ligne de train entre Saint-Pierre-du-Vauvray et Louviers.

Porté par la Région Normandie, SNCF Réseau et l’Agglomération Seine-Eure, sous le regard bienveillant de l’État, le projet de réouverture du tronçon ferroviaire entre Saint-Pierre-du-Vauvray et Louviers vise à rétablir une desserte directe entre la métropole rouennaise et Louviers, dans le cadre du futur Service Express Rouen Métropole (SERM) à l’horizon 2032. Retenons à ce stade que les deux-tiers des contributions globalement recueillies par l’agence Res Publica durant la consultation sur toutes les communes du tracé sont plutôt favorables au projet. Mais si l’objectif affiché est de ramener le coeur de la métropole Rouennaise à 34 minutes de la gare de Louviers et de décarboner les transports, son bilan reste teinté de scepticisme, voire de l’hostilité des riverains du tracé, notamment parmi les habitants de Saint-Étienne-du-Vauvray, qui redoutent de faire les frais des externalités négatives du projet, sans en retirer aucun bénéfice.

Valention Teixeira, Association
Valentin Teixeira, de l’association « L’Après dans l’Eure » revendique plus de visibilité sur le dossier du tronçon Evreux-Acquigny. ©Luc DelaporteUne concertation large, mais contrastée

Animée et modérée par Sophie Guillain, de l’agence Res Publica, la concertation s’est déroulée du 2 juin au 11 juillet 2025, combinant réunions publiques, ateliers en salle, rencontres sur le terrain et contributions en ligne. Au total, plus de 600 avis ont été recueillis, entre questionnaires, formulaires libres et échanges directs. Les retours des participants ont été contrastés selon les canaux de consultation : si le questionnaire en ligne a révélé une majorité de soutiens (notamment parmi les habitants de Louviers et des communes voisines), le formulaire de contribution a, lui, exprimé une majorité d’oppositions, en particulier à Saint-Étienne-du-Vauvray, commune la plus impactée par les travaux.

Pour ses partisans, le projet est une opportunité de réduire la congestion routière et de sécuriser les déplacements. La création d’une halte à Louviers, avec un pôle d’échange multimodal, est perçue comme un « atout pour l’attractivité du territoire », selon le président de l’Agglomération Seine-Eure, Bernard Leroy : « Cela dynamisera l’agglomération et offrira une alternative crédible à la voiture ».

Vidéos : en ce moment sur ActuUn coût exorbitant

À l’inverse, les opposants pointent le coût exorbitant du projet (estimé entre 60 et 100 millions d’euros), pour une fréquentation jugée modeste. On parle de 200 voyageurs par jour sur le tronçon. « À Saint-Étienne, on va subir les nuisances sans en tirer les bénéfices », a jugé une riveraine, craignant une « déstructuration du village ».

Pour sa part, Laetitia Sanchez, maire de Saint-Pierre du Vauvray, pointait l’iniquité territoriale du projet : « Contrairement à ce que prévoit le SERM (Service express régional métropolitain) en Seine-Maritime, sur sa partie Euroise, les communes intermédiaires comme Saint-Pierre-du-Vauvray ou Saint-Étienne sont oubliées ! »

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Eric Lardeur, maire de Saint-Etienne du Vauvray demande une approche du projet qui ne soit pas seulement pilotée par SNCF Réseau.
Eric Lardeur, maire de Saint-Etienne du Vauvray demande une approche du projet qui ne soit pas principalement pilotée par SNCF Réseau. ©Luc DelaporteNuisances environnementales et prix

Les habitants de Saint-Étienne-du-Vauvray, où la ligne menace zone humide et voie verte, redoutent l’érection « d’un viaduc à 7 mètres de haut » et la suppression de chemins utilisés quotidiennement. Côté pollution sonore, afin de limiter l’impact, la SNCF a promis des mesures basées sur des études acoustiques complémentaires et la sauvegarde de la voie verte, mais les riverains restent sur leurs gardes.

La question d’une « tarification unique et attractive » entre train, bus (réseau Nomad’) et transports urbains (SEMO) est souvent revenue. « Si le train est trop cher, personne ne le prendra », a averti Jean-Louis Dalibert, pour SOS Gares. Dans sa réponse, Jean-Baptiste Gastinne, vice-président de la Région en charge des transports, a évoqué « une politique d’acceptation tarifaire » (un seul tarif métropolitain pour les trajets dans l’agglomération), qui « suppose un transfert de coût vers les collectivités ».

Toujours pas de halte en vue à Saint-Pierre

Malgré les demandes réitérées, le chef de projet de SNCF Réseau, Julien Crea, exclut pour l’instant un arrêt à Saint-Pierre-du-Vauvray, arguant que « les volumes de passagers ne justifient pas un rallongement du temps de parcours », à l’unisson de Bernard Leroy, pour qui une halte qui ne concernerait que 3 ou 4 passagers par train ne se justifie pas.

« Il nous faut une approche plus globale, pas uniquement menée par la SNCF », réagissait Eric Lardeur, le maire de Saint-Étienne-du-Vauvray. « 80 enfants prennent chaque jour le car scolaire debout et mettent 50 minutes pour rejoindre Louviers, tandis qu’on se préoccupe de dépenser des millions pour rapprocher Rouen à 34 minutes de Louviers pour 200 voyageurs par jour. Où est la logique ? ».

La révision de la carte scolaire des élèves de Saint-Pierre et de Saint-Etienne semblait ainsi s’inviter au débat des compensations des perdants…

Bernard Leroy, président de la CASE, plaide pour un nouvel atout territorial, mais considère qu'une halte à Saint Pierre ne se justifie pas.
Jean-Baptiste Gastinne, vice-président de la Région et Bernard Leroy, président de la CASE, promoteurs du projet. ©Luc DelaporteDes alternatives routières ou ferroviaires ?

Plusieurs associations représentées par des porte-paroles majoritairement poivre et sel, comme SOS Gares, La Petite Cyclote, AUTES, RPLF, L’Aprés dans l’Eure, ont rappelé des propositions alternatives déjà versées à la consultation. Bruno Canivet, secrétaire de l’association AUTES rappelait notamment que malgré le BHNS (bus à haut niveau de service) qui relie le cœur de Louviers à la gare de Val-de-Reuil, les Lovériens sont encore à plus d’une heure de trajet de Rouen, en intégrant leurs correspondances.

Jean-Baptiste Gastinne a réaffirmé que « le train reste la solution la plus efficace pour décarboner les déplacements », tout en reconnaissant « la nécessité d’étudier les alternatives ». « On ne peut pas se permettre de laisser tomber ce projet, alors que la fréquentation des trains en Normandie a augmenté de 25 % depuis 2019 », a-t-il plaidé.

Prochaines étapes : études complémentaires et enquête publique

Si la concertation est close, le dialogue, lui, se poursuivra. « Nous allons affiner les études en 2026-2027, avant le début de l’enquête publique prévue en 2027 », a annoncé Julien Créa. « L’État veillera à ce que toutes les questions soient traitées », a assuré Charles Giusti, préfet de l’Eure, garant du « respect des procédures » et de « l’intérêt général ».

Pour ou contre, les participants ont néanmoins salué la démarche. « L’enjeu, maintenant, est de transformer ces attentes en solutions concrètes », a conclu Bernard Leroy. Mais si la réouverture de la ligne Rouen-Louviers s’inscrit dans une dynamique métropolitaine, son avenir dépendra de « sa rentabilité économique et de ses financements », a toutefois rappelé le préfet.

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