Elisabeth Kaiser est originaire de Gera, dans le Land de Thuringe (l’Allemagne est composée de 16 États fédérés appelés Länder). La chargée du gouvernement fédéral pour l’Allemagne de l’Est est née en 1987, lorsque l’Allemagne était encore divisée. Deux ans plus tard, le mur de Berlin tombe, le 9 novembre 1989. Enfin, le 3 octobre 1990, jour de la réunification, la RDA appartient à l’histoire.
« Je n’ai pas vécu consciemment l’époque de la réunification, mais les histoires de mes parents et de mes grands-parents m’ont façonnée », écrit Elisabeth Kaiser dans son rapport annuel présenté à Berlin.
La politologue et sociologue se concentre sur la façon dont les jeunes vivent cette Allemagne réunifiée depuis 35 ans et se demandent s’ils ont réellement grandi dans l’unité.
Formellement, la réponse est oui, car il ne reste plus qu’un seul État allemand. « Nous, les enfants de la fin des années 1980 et des années 1990, sommes la première génération socialisée dans une Allemagne unie », explique Elisabeth Kaiser dans l’avant-propos du rapport annuel. « Néanmoins, pour les jeunes qui grandissent dans l’Est, il s’agit de bien plus qu’un point cardinal. C’est un espace qui façonne les identités et influence les biographies », souligne-t-elle.

Elisabeth Kaiser a présenté le rapport du l’état de l’unité allemande. Elle même a grandi dans l’ancienne RDA.Carsten Koall/dpa/picture alliance
L’identité est-allemande est plus prononcée que l’identité ouest-allemande
À cet égard, Elisabeth Kaiser, perçoit des différences avec les jeunes de l’Ouest. « De nombreux jeunes issus du territoire de l’ancienne République fédérale d’Allemagne n’ont que faire de l’appellation ouest-allemande, surtout s’ils vivent sur le littoral ou près des Alpes. En revanche, les jeunes Allemands de l’Est s’identifient beaucoup plus souvent comme des ‘Ossis’ (appellation informelle des habitants de l’ex-Allemagne de l’Est, à l’inverse de ‘Wessis’, pour les habitants de l’Ouest).
En effet, si les jeunes Allemands grandissent dans un seul et même pays depuis 35 ans, les conditions-cadres de cette éducation ont été très différentes à ce jour. « C’est particulièrement vrai en dehors des métropoles dans l’Est de l’Allemagne », précise Elisabeth Kaiser.
Un rapport du gouvernement sur les disparités Est-Ouest montre que dans les petites villes et les régions rurales, les réseaux de transports publics mais aussi d’établissement de santé tend à disparaître. De plus, les habitants des régions de l’Est ont des revenus en dessous de la moyenne nationale et sont plus souvent dépendants des prestations sociales.
« Les patrimoines sont également moins importants à l’Est qu’à l’Ouest », ajoute Elisabeth Kaiser. En outre, le vieillissement de la population dans les régions rurales de l’Est de l’Allemagne est plus avancé. La part de jeunes est inférieure à la moyenne nationale. « Cela façonne la vie de nombreux Allemands de l’Est jusqu’à l’âge adulte », note la politologue.
Ainsi, les jeunes de l’Est vont moins souvent dépendre du soutien financier de leurs parents que les Allemands de l’Ouest.
Différences de richesse
Lors de la présentation de son rapport annuel, Elisabeth Kaiser rappelle ainsi que « aujourd’hui encore les jeunes de l’Est sont désavantagés parce que le patrimoine est principalement transmis par le biais d’héritages ».
Les chiffres publiés par l’Office allemand de la statistique pour 2024 sont clairs : les bureaux des impôts des Länder de l’Ouest ont imposé plus de 106 milliards d’euros d’avoirs hérités ou donnés. Dans l’Est, la ville de Berlin comprise, ce montant est de moins de sept milliards.
Par conséquent, Elisabeth Kaiser estime qu’il est utile d’avoir un débat sur une réforme de l’impôt sur les successions.
Des experts de l’Institut allemand de recherche économique (DIW) ont proposé il y a quelques années que l’État devrait verser à tous les jeunes adultes un héritage de base de 20 000 euros. Ils pourraient l’utiliser pour financer des études, créer une entreprise ou investir dans l’immobilier, par exemple.
La fondation « Ein Erbe für Jeden » (Un héritage pour tous) estime cette idée réaliste et financièrement viable : « Il est financé par un fonds alimenté par un prélèvement relativement faible sur les héritages les plus importants ».
Selon les calculs de la fondation, un prélèvement de 5 % sur les successions annuelles en Allemagne serait suffisant pour financer cet héritage de base.

Le parti d’extrême-droite AfD a le vent en poupe dans les Länder de l’ex-RDAHannes P Albert/dpa/picture alliance
Deux millions de personnes ont quitté l’Est
Le sujet divise toutefois fortement la coalition au pouvoir. Les sociaux-démocrates du SPD y sont plutôt favorables, alors que personne ne veut en entendre parler chez les conservateurs de l’union CDU/CSU.
A la fin, le bilan d’Elisabeth Kaiser apparait mitigé. Certes, l’économie se développe dans l’Est, la scène des start-ups est vivante et cette partie de l’Allemagne est pionnière dans l’expansion des énergies renouvelables.
Mais tout cela ne suffira pas à long terme à combler le retard avec l’Ouest, d’autant que l’Est devra s’adapter au vieillissement croissant de sa population et à l’exode de la jeunesse.
Si l’on ne compte pas la capitale Berlin, l’Allemagne de l’Est a perdu deux millions d’habitant depuis la réunification en 1990. Au cours de la même période, la population de l’Allemagne de l’Ouest a augmenté de 10 % pour atteindre près de 68 millions d’habitants.