Par
Anthony Bonnet
Publié le
2 oct. 2025 à 13h59
Des dizaines de personnes massées sur le quai de la gare de Brionne (Eure), voilà la première image frappante de ce samedi 27 septembre 2025. On sait que la fréquentation a bondi depuis deux ans, grâce à l’augmentation de la desserte ferroviaire, mais voir autant de monde réuni au même moment, c’est inédit.
Des wagons des années 1930
Le public avait afflué pour participer à l’événement organisé par l’association Brionne Eco-mobilités en partenariat avec le Pacific Vapeur Club de Sotteville-lès-Rouen : relier directement Rouen à Évreux via Serquigny, à bord de wagons des années 1930, tractés par une locomotive diesel des années 1960, pour promouvoir cette liaison qui n’existe pas aujourd’hui.
Les passagers affluaient sur le quai de la gare de Brionne. C’est dans la cité risloise que la plupart des voyageurs ont embarqué à bord des wagons. ©Eveil Normand / AB
Et quand le train, retardé par des incidents sur les voies provoqués par des chevreuils, est entré en gare vers 11 h, c’était l’effervescence. Chacun était pressé de monter à bord.
Un succès populaire
Près de 250 passagers avaient réservé leurs billets, la majeure partie en provenance de Brionne et des alentours. Élégamment habillés, plusieurs avaient revêtu des tenues d’époque adaptées aux circonstances. « Tout a été vendu en un mois », confie Fabrice Berthelot, trésorier de l’association organisatrice.
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« Cela représente six mois de préparation et le téléphone n’arrêtait pas de sonner ces derniers jours, confirme la vice-présidente, Marie-Christine Zerkaoui. Mais on a la satisfaction du résultat. »
Car cette journée, pleine de sourires et de joie, a été un succès populaire. Et une publicité idéale pour ce projet conjointement porté par les associations d’usagers et les élus locaux.
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En temps normal, aucun train de voyageurs ne circule entre Rouen et Évreux, d’où le caractère exceptionnel de cette journée. « C’est une anomalie », affirme Jérôme Pasco, le maire de Conches-en-Ouche. Cette ligne permettrait de créer « un service ferroviaire attendu » et « rendrait bien des services à un bassin de population d’environ 250 000 habitants », en comptant les agglomérations d’Évreux, Conches, Bernay et Bourgtheroulde.
« Non seulement pour ceux qui travaillent à Rouen, pour ceux qui ont des rendez-vous médicaux ou qui souhaitent faire quelques achats, mais aussi pour les étudiants quand on sait combien c’est coûteux de se loger », ajoute Jérôme Pasco, en défendant ce « projet d’intérêt général ».
Des aménagements à prévoir
Les infrastructures existent, et c’est un immense avantage. « Les fonctions d’aiguillage, les feux tricolores sont en marche », approuve Bernard Champeaux, vice-président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) en Normandie.
Le raccordement de Serquigny, jonction des lignes Rouen-Caen et Caen-Paris, est conçu pour des trains de travaux lourds, « il est donc capable d’accueillir des autorails voyageurs, beaucoup plus légers, sans difficulté », vante Xavier Braud, président de Brionne Eco-mobilités.
En revanche, il sera nécessaire d’automatiser le passage à niveau, actuellement manuel. Samedi, un agent SNCF est venu spécialement le manœuvrer.
Il faut donner aussi un coup de jeune à la voie ferrée et un quai devra être aménagé sur ce raccordement pour desservir Serquigny à proximité de l’usine Arkema. Garer des trains supplémentaires à Rouen est également un véritable problème à court terme.
Bernard Champeaux
Faciliter les voyages vers Paris
Samedi 27 septembre, les participants à cette journée unique ont vu défiler des paysages bucoliques à travers les fenêtres du train. Confortablement installés pour certains dans les fauteuils moelleux des voitures de première classe, ou sur les sièges un peu plus durs de seconde classe, ils se sont arrêtés sous un franc soleil à Conches-en-Ouche pour écouter les prises de parole des élus. Avant la pause déjeuner à Évreux, puis le trajet en sens inverse.
Sous l’œil de la caméra de France 3, Xavier Braud, képi sur la tête (président de Brionne Eco-mobilités), Frédéric Delamare (maire de Serquigny), Jérôme Pasco (maire de Conches-en-Ouche) et Valéry Beuriot (maire de Brionne). ©Eveil Normand / AB
Relier de façon pérenne les préfectures de l’Eure et de la Seine-Maritime, soit 113 kilomètres, n’est pas envisageable avant 2032, prévient Bernard Champeaux. Selon le spécialiste, ce projet aurait une grande vertu : un cadencement optimal et régulier tout au long de la journée permettrait de voyager facilement de Brionne ou de Beaumont-le-Roger à Paris.
« Le développement économique de ces villes serait amélioré », pense le vice-président de la FNAUT.
« Une opportunité historique »
« C’est une opportunité historique à saisir pour nos territoires ruraux, il y a des besoins à satisfaire sur les mobilités alternatives à la voiture », confirme Valéry Beuriot.
Le maire de Brionne peut témoigner de « la progression extraordinaire » des chiffres depuis que vingt trains par jour s’arrêtent dans sa commune sur la ligne Rouen-Caen : de 10 000 en 2015, le nombre de montées et de descentes dépassera les 50 000 à la fin de l’année 2025.
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« Nous avons franchi aujourd’hui un mur invisible avec le barreau de Serquigny, d’une longueur de 250 mètres. Pour le train, c’est un petit pas. Mais c’est un très grand pas pour notre territoire », philosophe Valéry Beuriot, sous les applaudissements du public.
Étudiée minutieusement par l’association Brionne Eco-mobilités, cette idée est réaliste, promettent ses défenseurs. Reste maintenant à convaincre la SNCF et la Région Normandie de lui donner vie.
« Ce projet vient du terrain, du réseau associatif et aujourd’hui, c’est la preuve par l’exemple que cette liaison est tout à fait pertinente », apprécie Frédéric Delamare, maire de Serquigny.
Je me souviens des propos d’Hervé Morin (président de la Région) qui a dit que c’était un projet malin. Soyez assurés de la ténacité des élus, nous irons jusqu’au bout.
Frédéric Delamare
De retour dans la cité risloise l’après-midi, à l’instant de se dire au revoir, les passagers étaient heureux d’avoir vécu ce « beau samedi ».
« Il y avait une très bonne ambiance dans notre cabine, nous avons fait connaissance avec d’autres voyageurs et nous avons bien rigolé », racontent Christelle et Priscilla en regagnant leur domicile, la tête remplie de souvenirs.
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