L’enquête avait été rouverte en juin 2023. Jeudi, quatre policiers ont été déférés jeudi devant un juge d’instruction, (Bouches-du-Rhône), sept ans après le passage à tabac d’une jeune femme dont le crâne avait été fracturé en décembre 2018 en marge d’une manifestation de Gilets jaunes, a appris l’AFP jeudi de sources concordantes.

Plusieurs policiers ont été entendus, parmi lesquels quatre ont été placés en garde à vue, selon une information du journal La Provence confirmée par une source judiciaire. Les quatre ont été déférés pour non-assistance à personne en danger, selon des sources proches du dossier.

« La partie civile se réjouit que presque sept ans après les faits et suite à une bataille judiciaire sans précédent le dossier soit relancé », a réagi dans un message à l’AFP Brice Grazzini, l’avocat de la jeune femme, tout en soulignant attendre l’issue des procédures en cours.

Les faits se sont déroulés le 8 décembre 2018, au moment où la colère des Gilets jaunes était à son paroxysme dans la cité phocéenne, s’ajoutant au drame du logement insalubre qui venait de frapper la ville en emportant huit personnes dans l’effondrement d’un immeuble quelques semaines plus tôt.

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ÉcouterTouchée par un tir de LBD puis violemment frappée

Maria (un prénom d’emprunt), 19 ans à l’époque, vendeuse dans une boutique, sort du travail quand elle est atteinte à une cuisse d’un tir de LBD, dans une ruelle du cœur commerçant de la ville. Puis elle est violemment frappée au sol par une quinzaine de policiers, à coups de pied et de matraques qui lui fracturent le crâne.

Une photo à l’hôpital témoigne de la violence des coups : la tête partiellement rasée, elle porte sur le crâne deux énormes cicatrices. La jeune femme souffre aujourd’hui toujours de graves séquelles physiques et psychologiques.

Le jour de l’événement, près de 500 policiers sont mobilisés dans un climat très tendu, avec barricades et pillages de magasins : 680 grenades lacrymogènes lancées, 80 tirs de LBD, 47 interpellations, deux policiers blessés.

Une plainte déposée à l’IGPN puis plus rien

La jeune femme blessée a déposé plainte le 19 décembre 2018 sur la plate-forme de l’IGPN (Inspection générale de la police nationale). Au terme d’une enquête préliminaire, une information judiciaire pour violences aggravées et non assistance à personne en danger est ouverte en juillet 2019.

L’enquête de l’IGPN a stagné plusieurs mois. Les enregistrements radio du logiciel Acropol, qui capte les échanges entre policiers sur le terrain, ont été effacés deux mois après les événements, comme le préconise une directive interne.

Conservés dix jours, les enregistrements des caméras de vidéosurveillance de la ville ont aussi été supprimés. Quant aux vidéos des riverains, elles n’ont permis d’identifier aucun agent.

Et le logiciel Pégase de suivi des demandes d’intervention passées à la police et des déplacements des effectifs sur le terrain était en panne entre 14h37 et 23h21.

Des pistes ont conduit à l’identification de deux services de police pouvant se trouver sur les lieux. Et des soupçons ont visé trois policiers, l’un portant une attelle à la main et vêtu de vêtements noirs d’une marque sportive, deux autres portant un casque de skate. Ils n’ont jamais été mis en cause.

Des violences « commises de façon purement gratuite »

« Sans l’ombre d’un doute, les individus qui ont violenté (Maria) avaient tous la qualité de fonctionnaires de police et ces violences sont d’autant plus inacceptables qu’elles ont été commises de façon purement gratuite », avait conclu une première fois le juge d’instruction marseillais saisi du dossier, en décembre 2020.

Rouvert sur la base d’un élément nouveau – un témoignage visuel-, le juge referme le dossier en 2022, toujours sans aucune mise en examen. En juin 2023, la justice refuse d’entériner cette seconde ordonnance de non-lieu contre X et ordonne la reprise des investigations.

Cette réouverture de l’enquête visait à récupérer les dossiers des 47 interpellations opérées le jour des faits, dont 20 avaient donné lieu à l’archivage d’images vidéo obtenues à temps.

Ces données pourraient « retracer le parcours des agents ayant commis les violences, voire identifier des visages de façon plus précise », avait alors estimé Me Grazzini.