Par
Valentine Gaxieu
Publié le
2 oct. 2025 à 20h38
Depuis mercredi 10 septembre, de nombreuses publications circulent sur des groupes Facebook du Lauragais, mentionnant les difficultés rencontrées par la librairie Détours, commerce emblématique de Nailloux, au sud de Toulouse, et même au-delà, à la suite de nombreux événements qui ont lourdement impacté sa trésorerie. Ces messages de soutien sont accompagnés d’un lien vers une cagnotte solidaire, lancée par Élodie, une fidèle cliente.
En l’espace de presque un mois, près de 14 000 € ont déjà été récoltés, et la majorité des dons viennent de Naillousains. Ce n’est pas la première fois que Nathalie Fontaine, propriétaire des lieux, peut compter sur le soutien de ses clients. En effet, l’histoire de cette librairie – du moins de ce qu’elle est aujourd’hui – repose principalement sur un très bel élan de générosité qu’elle a raconté à Voix du Midi Lauragais.
Nailloux, un coup de cœur
D’abord libraire puis représentante d’édition – comme son compagnon Jean-Marc Comes, Nathalie Fontaine s’est lancé le pari fou, il y a près de 18 ans, de créer sa propre librairie. « Je me suis dit : “Quitte à revenir dans les livres, autant avoir mon établissement” », raconte-t-elle.
Après avoir sillonné de nombreux endroits, le couple, à l’époque installé à Ramonville-Saint-Agne près de Toulouse, est finalement tombé sous le charme de Nailloux. Elle se souvient : « On était de passage, c’était un dimanche et il y avait énormément de commerces ouverts. Il y avait de la vie, un beau dynamisme. Il fallait que je m’installe ici. »
Il y avait de la vie, un beau dynamisme. Il fallait que je m’installe ici
Nathalie Fontaine, propriétaire de la librairie Détours
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C’est dans ce contexte qu’est née la librairie indépendante et généraliste Détours, d’abord située au 2 rue du Laytié, un local qui appartient aujourd’hui à la pharmacie Dhers Boyer. « Cet endroit avait une odeur particulière, il avait une ‘âme’, ça faisait un peu Harry Potter », se rappelle – comme si c’était hier – Élodie.
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Une première cagnotte
Dix ans plus tard, Nathalie Fontaine a eu l’envie de « faire vivre la librairie autrement », en organisant notamment des ateliers et des rencontres avec les scolaires. « J’ai visité cette maison en vente [bâtiment dans lequel elle exerce aujourd’hui, au 28 rue de la République] et il y avait le même papier peint que chez ma grand-mère. Je me suis dit que c’était un signe. Puis c’était dans la rue principale, avec un beau jardin… Alors même si elle était en mauvais état, il fallait y aller », raconte-t-elle.
Malheureusement, même si le projet était déjà tout tracé dans la tête de la libraire, les banquiers, eux, n’ont pas voulu la suivre. De là s’est lancée une première cagnotte, qui lui avait permis de récolter 15 000 €.
Un chantier participatif
Pour les Naillousains, il était impossible d’abandonner cet établissement. Durant quatre mois, nombreux se sont déplacés pour lui prêter main-forte.
« C’était un grand chantier solidaire. Les travaux les plus importants ont été faits par des entreprises, mais tout le reste c’étaient eux. Je ne leur avais rien demandé mais tous sont venus m’aider. »
Je ne leur avais rien demandé mais tous sont venus m’aider
Nathalie Fontaine
Sans parler du jour du déménagement, le 17 février 2019, où 150 clients fidèles se sont retrouvés dans la matinée, pour tout déplacer. « Ils s’étaient fait un circuit et ils ont tout transporté à la chaîne. Ça n’a duré que deux heures, sans véhicule », se souvient-elle, encore émue.
La librairie est aujourd’hui située au 28 rue de la République, à Nailloux. ©Valentine Gaxieu – Actu.frUne grande visibilité après le Covid
Mais en 2020, un terrible épisode a touché les petits commerçants : la pandémie liée au Covid-19. Des mois difficiles, certes, mais qui lui ont permis d’agrandir son réseau : « Les gens avaient besoin de lire et je les livrais à 20 kilomètres à la ronde. Je déposais aussi mes bouquins au Biocoop d’Auterive, et je collabore encore avec eux aujourd’hui. »
Cette belle initiative a même été mentionnée par France Inter, boostant davantage sa clientèle. « Après le Covid, j’ai eu deux employées temps plein. Puis quand on est passé aussi dans la Grande Librairie [émission sur France TV], j’ai dû en prendre une troisième », raconte-t-elle presque en rigolant, ne réalisant toujours pas.
Cet essor était aussi dû à ses nombreuses initiatives. Nathalie Fontaine propose aussi, depuis, de multiples ateliers avec des intervenants extérieurs, des événements, un rayon « jeux », ou encore l’accueil des scolaires, comme souhaité.
L’une des pièces dans lesquelles sont organisés les ateliers. ©Valentine Gaxieu – Actu.frIncendie, travaux…
Mais les premières grosses difficultés arrivent en 2023, d’abord en raison du violent incendie qui avait ravagé la maison du n° 24 de la rue de la République.
« La circulation a été coupée pendant deux semaines mais ça a mis quelques mois avant que la clientèle ne revienne », rapporte-t-elle.
Puis, quelque temps après, les travaux de requalification de la rue de la République : « Nous avions demandé qu’ils ne se fassent pas en décembre mais manque de bol, les travaux du mois de décembre tombaient pile devant chez moi. Après, je sais que la mairie a fait le maximum. »
Elle ne se paye plus depuis trois mois
L’impact de ces deux épreuves a été rude : 25 000 € de perte estimés. « Je peux payer que mes salariés et mes charges, mais je ne me paye plus depuis trois mois et je n’ai pas les moyens de refaire ma toiture », avoue-t-elle.
Je ne me paye plus depuis trois mois
Nathalie Fontaine
Cette situation a profondément touché Élodie, qui n’a pas hésité à lui créer une cagnotte en ligne. « Je voyais que quelque chose n’allait pas, elle a fini par tout me raconter. Je ne pouvais pas la laisser comme ça, il fallait agir car cet endroit est bien plus qu’une librairie, c’est le poumon de la ville où les gens se retrouvent », témoigne-t-elle.
« Ne plus survivre »
Nathalie Fontaine n’était, au début, pas favorable au lancement de cette cagnotte : « J’en avais déjà fait une en 2017 donc je ne me voyais pas redemander de l’aide ». Mais aujourd’hui, elle prend conscience de l’utilité de celle-ci : « Ça me permettrait de continuer à exercer mon métier, d’avoir un fonds de roulement. »
« Ça lui permettrait aussi de mieux dormir la nuit, de repartir sur des projets et de ne plus survivre », glisse discrètement son compagnon, soutien de la première heure.
Ça lui permettrait de […] ne plus survivre
Jean-Marc Comes, le compagnon de Nathalie Fontaine
Cette cagnotte restera ouverte pendant trois mois. « 20 000 € récoltés, ça serait idéal. Mais le plus important, c’est tout le soutien qu’elle reçoit », déclare sa cliente. Et Nathalie Fontaine d’acquiescer : « Depuis le lancement, les gens viennent, appellent, nous envoient des mails. Et ça, ça vaut tout. Ici, la devise c’est “Nous existons parce que vous résistez.”»
Des projets malgré la difficulté
Malgré ce contexte difficile, la libraire ne perd pas espoir et se projette toujours. Son prochain objectif, si les finances le permettent, serait – après avoir fait la toiture, bien sûr – de réaménager le cabanon du jardin en petit coin café, ainsi que l’extérieur afin de pouvoir faire une deuxième entrée, reliée à l’esplanade de la Fraternité.
« Moi je suis partante pour un autre chantier participatif », annonce Élodie en rigolant. Et au vu des nombreux commentaires sur la cagnotte, nul doute que Nathalie Fontaine pourra de nouveau compter sur l’aide de ses fidèles clients.
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