L’implantation par la société Emme d’une raffinerie de nickel et cobalt destinés à la fabrication de batteries de voitures électriques, sur un site classé Seveso seuil haut et en zone inondable, soulève de vives interrogations.
Le projet de raffinerie de nickel et cobalt porté par la société Emme, sur les communes de Parempuyre et Blanquefort, en bordure de la Garonne, continue de susciter débats et réserves. Ce mardi 30 septembre, l’avenir du site de la zone industrialo-portuaire de Grattequina s’est invité dans les débats du conseil municipal de Bordeaux, où une délibération reprend mot pour mot celle votée par la métropole quelques jours plus tôt.
Réunis le vendredi 26 septembre, les élus de Bordeaux Métropole avaient rendu un avis encadré par 23 conditions strictes, dans le cadre de la demande d’autorisation environnementale examinée par l’État. En effet, l’implantation sur un site classé Seveso seuil haut, en zone inondable, de cette méga-usine au cœur d’un parc de 6000 hectares – avec pour objectif de convertir du nickel et du cobalt destinés à la fabrication de batteries de voitures électriques – soulève de vives interrogations.
Dans l’avis rendu par la métropole et la municipalité de Bordeaux, on retrouve notamment la demande d’une expertise indépendante sur les scénarios d’inondation, la mise en place d’une station d’épuration adaptée aux rejets chimiques, la communication des mesures de prévention en cas de fuite ou rupture de canalisation et le recours pérenne au transport fluvial afin de limiter le trafic routier. Pour sa part, Emme prévoit une plateforme de remblais permettant d’élever le terrain de 3,5 à 5,5 mètres, avec une marge de sécurité supplémentaire.
«Le projet Emme est indéfendable»
Du côté de l’opposition, Aziz Skalli (Renouveau Bordeaux) avance que «reprendre la main sur des processus clés de production est une nécessité» et considère «le projet Emme comme essentiel», avant d’en profiter pour tacler la majorité. «Toutes les exigences et les précautions qui sont prises soulèvent une difficulté : à force de vouloir tenir ensemble des positions divergentes, le message politique se brouille. Soyons honnêtes : une grande partie des élus ici, et notamment de votre sensibilité politique, préféreraient sûrement rendre un avis défavorable à ce projet», a-t-il lancé, en s’adressant à Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux.
«Le projet EMME est indéfendable», a déclaré de son côté Philippe Poutou (Rouge Bordeaux anticapitaliste). Dans la majorité même, certains sont contre le projet. Sylvie Justome, adjointe au maire chargée de la sécurité sanitaire et de la santé, a voté contre la délibération et souhaite «que jamais le nom du maire ne soit associé dans le futur à un “méga Seveso” causé par une giga-usine Emme».
«Projet d’intérêt national majeur»
La décision de François Bayrou, de classer la raffinerie comme «projet d’intérêt national majeur» le 5 septembre par décret, transférant ainsi le pouvoir décisionnel au préfet, a jeté de l’huile sur le feu. Certains élus y voient un passage en force, réduisant la portée des avis municipaux et métropolitains. «Les communes concernées n’ont plus aucun pouvoir décisionnaire sur le projet», a rappelé Claudine Bichet, adjointe au maire de Bordeaux, lors du conseil municipal.
Présenté comme un maillon stratégique pour la filière européenne des batteries électriques, le projet promet 500 emplois, dont 200 directs sur site. Il s’inscrit dans une logique de relocalisation industrielle et de valorisation du recyclage des métaux stratégiques. Un chantier estimé à plus de 500 millions d’euros, qui avait été mis en avant par Emmanuel Macron lors du sommet Choose France, en mai 2024.