MAGALI COHEN / Hans Lucas via AFP
Sébastien Lecornu photographié à Matignon le jour de la passation de pouvoir (10 septembre).
POLITIQUE – Ce vendredi 3 octobre est un grand jour pour le Parti socialiste. Pas seulement parce que ses hiérarques menés par Olivier Faure se rendent à Matignon pour discuter du budget avec Sébastien Lecornu, mais parce que le « plan dissolution » fignolé ces derniers mois par Pierre Jouvet, secrétaire générale du PS, devrait être finalisé.
Une façon de se préparer à l’hypothèse mais surtout de faire passer au Premier ministre le message suivant : inutile de compter sur une prétendue peur de retourner devant les électeurs pour arracher un accord insatisfaisant, elle n’existe pas. Du moins, publiquement.
En réaction aux premières pistes lancées par Matignon en marge de la mobilisation de ce jeudi, le premier secrétaire du PS a de nouveau joué le refrain de la menace. « Pour l’instant, aucune mesure qui a été rendue publique n’est de nature à infléchir notre propre position », a réagi Olivier Faure, promettant une censure du gouvernement « dès la déclaration de politique générale » si rien n’évolue dans le sens de la gauche. Soit, dans les jours qui viennent.
Le coup d’après
En réalité, et comme nous l’expliquions dans la semaine, tous les partis se sont fait une raison, et se préparent à bas bruit à repartir en campagne. « On a réservé du papier, les imprimeurs. On a un site internet qui peut être activé en une heure ou deux si besoin. On est prêts », assure à l’AFP un responsable de Renaissance. Quant au RN, il appelle à une dissolution « ultrarapide » et jure avoir fait le tri dans ses candidats afin d’éviter la cohorte de brebis galeuses qui ont marqué la campagne de 2024.
Dans ce contexte, comment mener des négociations sur le budget, alors que les états-majors des différentes écuries politiques semblent déjà jouer le coup d’après, démonétisant de fait le travail mené par Sébastien Lecornu ? Au Parti socialiste, où l’interview du Premier ministre refusant l’ISF et la taxe Zucman a fait l’effet d’une bombe, on soupçonne le chef du gouvernement de faciliter le scénario d’un retour aux urnes, en consolidant l’alliance entre le bloc central et Les Républicains en vue de partir en ensemble aux prochaines élections.
« Il nous prend pour des cons. Au point où nous en sommes, Lecornu ne prépare pas sa survie mais sa coalition électorale pour la prochaine dissolution », pronostique un cadre socialiste cité par Le Parisien. Sauf que, Les Républicains continuent de faire monter les enchères, Bruno Retailleau faisant croire que son parti pourrait ne pas être présent dans la future équipe. Surtout, à en croire Le Figaro, Emmanuel Macron (qui dispose seul du pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale) souhaite éviter d’appuyer sur le bouton, même en cas de chute de Sébastien Lecornu.
La raison ? Les risques trop élevés que cette hypothèse comporte, entre les chances du Rassemblement national d’obtenir une majorité, le probable affaissement du bloc central voire pire, une Assemblée plus ou moins équivalente qui ne changerait rien à l’instabilité et qui aurait, surtout, comme conséquence de braquer les regards sur le locataire de l’Élysée à l’heure où la petite musique de la démission gagne en intensité.
Lecornu dans les pas de Barnier ?
De quoi mesurer la situation délicate dans laquelle se trouve le Premier ministre, contraint de composer avec les lignes rouges (incompatibles) de la droite et de la gauche, et sans pouvoir disposer du chantage à la dissolution pour gagner quelques arbitrages budgétaires. À moins de s’en remettre au RN, qui a fait part d’une forme d’optimisme après les premières pistes données par le chef du gouvernement, fixant désormais deux conditions pour ne pas censurer Sébastien Lecornu : la baisse des impôts et celle des dépenses publiques.
Or, comme dit plus haut, les troupes de Marine Le Pen et Jordan trépignent de repartir en campagne, et le parti lepéniste n’aura aucun mal à baisser le pouce au moment où le jugera opportun afin de pousser le chef de l’État à dissoudre l’Assemblée. D’ailleurs, faire confiance au RN dans l’optique de bâtir un budget, Michel Barnier l’a déjà fait. Il a eu des problèmes.