Huit films, huit cinémas, 8 €… Cette diagonale des « huit » est à coup sûr le meilleur présage pour le Festival du film judiciaire de Marseille, qui revient du lundi 6 au jeudi 9 octobre, avec une belle programmation. Organisé en collaboration avec le tribunal judiciaire de Marseille, le barreau de Marseille, le Conseil départemental de l’accès au droit des Bouches-du-Rhône, l’Union des cinémas du sud de la France et la Ville de Marseille, il fait suite à une première édition en forme de succès qui a accueilli l’an dernier près de 1 700 personnes, dont 1 100 lycéens.
Les premiers chiffres sont déjà prometteurs, puisque les organisateurs évoquent l’inscription à ce jour de 1 700 lycéens pour l’édition 2025. Les cinémas marseillais jouent le jeu : l’Alhambra, l’Artplexe, le Chambord, le Pathé Madeleine, le Pathé Joliette, les Trois Palmes, le Prado et le cinéma Bonneveine sont engagés à fond dans ce match judiciaire : la fameuse diagonale des « huit ».
Porté par la passion du cinéma et l’exigence citoyenne, cet événement aspire à explorer les grands enjeux de société à travers le regard des réalisateurs, confronté à l’expérience des acteurs du monde judiciaire. Un festival pour toutes et tous : cinéphiles, curieux, étudiants, professionnels du droit.
« Venez découvrir une justice à taille humaine, mise en scène avec émotion, rigueur et vérité, annoncent les organisateurs. Rendez-vous dans les cinémas marseillais partenaires pour faire de la culture juridique une expérience vivante et collective. »
L’affaire Sarkozy promet des questions nombreuses
L’occasion surtout d’en finir, ainsi qu’aime à le préciser le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, avec les « Votre honneur ! » ou les « mandats de perquisition » que l’on entend encore trop souvent dans les salles d’audience et qui n’existent que dans la tête des profanes.
« Je crois qu’il faut que la justice s’ouvre sur la cité, ajoute-t-il, et l’actualité la plus récente le démontre. » Le mot est lâché : l’affaire Sarkozy a marqué les mémoires ; elle promet de faire débat encore pendant de longs mois. Nul doute qu’à la sortie des projections, en présence des avocats et des magistrats, les questions vont fuser. C’est quoi une exécution provisoire ? Et une association de malfaiteurs ? Et l’ancien président va-t-il vraiment aller en prison ? Et les juges veulent-ils vraiment sa peau ? « L’occasion, comme dit le président du tribunal judiciaire de Marseille, Olivier Leurent, de rapprocher le citoyen de sa justice, de tisser un lien de confiance ». Peut-être celui qui fait tant défaut en ce moment.
Justice, morale et mafia : les thèmes phares du Festival film judiciaire
Parmi les films phares, souvent forts et engagés, qui seront projetés cette année, on a noté « Juré n°2 », de Clint Eastwood. L’histoire d’un homme qui se retrouve juré d’un procès pour meurtre, au moment justement où il découvre qu’il est à l’origine de cet acte criminel. Vaste sujet. Histoire d’un dilemme. Où la morale doit ou non trouver sa place : se protéger ou se livrer ?
© D.T. – De gauche à droite, le procureur de Marseille, Nicolas Bessone, le président du tribunal, Olivier Leurent, et la bâtonnière, Marie-Dominique Poinso-Pourtal, lors de la conférence de presse du jeudi 2 octobre, à la Maison de l’Avocat.
Ou encore la programmation du film « Le traître » de Marco Bellochio. L’extraordinaire reconstitution, au début des années 1980, de la guerre entre les parrains de la mafia sicilienne, qui va déboucher sur un procès hors norme. Tommaso Buscetta, membre de Cosa Nostra, fuit son pays pour se cacher au Brésil. Pendant ce temps, en Italie, les règlements de comptes s’enchaînent et les proches de Buscetta sont assassinés les uns après les autres. La thématique phare sera celle du « repenti » ou du « collaborateur de justice ».
« Borgo » de Stéphane Demoustier : corruption et dérives carcérales
Vous pourrez aussi découvrir « Borgo », de Stéphane Demoustier. Ou l’histoire de Mélissa, surveillante pénitentiaire expérimentée, qui s’installe en Corse avec ses deux jeunes enfants et son mari. L’occasion d’un nouveau départ, croit-elle. L’intégration de Mélissa est facilitée par Saveriu, un jeune détenu qui semble influent et la place sous sa protection.
Mais une fois libéré, Saveriu reprend contact avec Mélissa. Il a un service à lui demander. Une mécanique pernicieuse se met alors en marche. Difficile de revenir en arrière. La finesse d’un engrenage dont il est difficile de sortir. Corruption ou menaces de corruption en débat.
La garde à vue et la cour d’assises décortiquées
Plus anciens mais tout aussi riches et pédagogiques sont les films « Garde à vue », de Claude Miller. Le soir de la Saint-Sylvestre, Me Martinaud est convoqué au commissariat pour une affaire de viol et de meurtre de deux petites filles.
D’abord considéré comme témoin, il devient très vite suspect aux yeux de l’inspecteur Gallien. En effet, il n’a aucun alibi pour ces deux crimes. De plus, Chantal, sa femme, ne l’ayant jamais aimé, décide de l’accabler un peu plus. La mécanique de la garde à vue y est chirurgicalement décortiquée. Depuis, la procédure pénale à la française a beaucoup changé…
Ou encore « L’hermine », de Christian Vincent. Le récit d’un président de cour d’assises redouté, Michel Racine. Aussi dur avec lui qu’avec les autres. Ses détracteurs l’ont d’ailleurs surnommé « le président à deux chiffres » pour dire les peines qu’il prononce. Mais la vie réserve parfois des surprises. Tout bascule le jour où Michel Racine retrouve Ditte, une femme qu’il a aimée de toute son âme. En secret. Dès lors, la donne va changer. Le « président à deux chiffres » va-t-il ou non s’humaniser?
Avocats, juges et procureurs : une défense commune de l’État de droit
Pour Béatrice Tribotte, directrice territoriale adjointe de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), ce festival sera, espère-t-elle, l’occasion de « sensibiliser les plus jeunes à l’esprit critique », car « certains mineurs sont parfois impliqués sans avoir pour autant de représentation du système judiciaire global ».
Pour la bâtonnière de Marseille, Marie-Dominique Poinso-Pourtal, le festival « est l’occasion offerte d’aller dans les lycées et de combattre les idées reçues », de dire aussi que « nous participons tous à la défense de l’État de droit : juges, procureurs et avocats ». Le vice-bâtonnier, Jean-Michel Ollier, salue pour sa part « une magnifique passerelle entre le monde de la culture et le monde judiciaire ».
L’espoir de susciter des vocations judiciaires
Pour Didier Tarizzo, représentant de l’Union des cinémas du sud de la France, il convient de ne pas oublier les « deux fondamentaux que sont l’éducation à l’image et l’échange ».
« J’espère que cela suscitera aussi des vocations », insiste le vice-bâtonnier Ollier, tant il est vrai qu’il n’est de meilleure manière de découvrir un métier que d’aller à la rencontre de celui-ci et d’échanger avec ceux qui le pratiquent au quotidien.