Dans un rapport, la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur relève un trou dans le financement de la marina olympique, qui a accueilli les épreuves de voile à Marseille. La facture finale s’élève à 45,59 millions d’euros.

À peine élu, Benoît Payan en avait fait un cheval de bataille et un marqueur politique. Quatre ans avant les Jeux olympiques, le maire avait obtenu un accord avantageux pour la marina olympique, équipement municipal entièrement rénové pour accueillir les épreuves de voile des JO de Paris 2024. En plus de la ville de Marseille, l’État, la région, le département et la métropole avaient accepté, en septembre 2020, la proposition de l’ancien socialiste de mettre la main à la poche, afin de faire baisser le poids de l’organisation des Jeux olympiques sur les finances de la ville.

Cinq ans plus tard, à quelques mois des élections municipales et un an après les JO, la chambre régionale des comptes (CRC) de Provence-Alpes-Côte d’Azur fait un autre calcul, plus douloureux pour Benoît Payan. Dans un rapport à paraître, révélé par Marsactu et que Le Figaro a pu consulter, la CRC s’émeut de constater que, «au total, 10,95 millions d’euros hors taxe manquent pour couvrir l’ensemble des dépenses du projet».


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Et pour cause : le coût réel de ce stade nautique a été sensiblement supérieur aux prévisions. « Le coût global du projet a augmenté de 13,5% entre 2022 et 2024 pour s’établir à 45,59 millions d’euros hors taxe, écrit la chambre dans son rapport. Il a progressé pour le volet terrestre de 1,45 million d’euros hors taxe, soit une hausse de 4,9%, depuis 2022, en s’établissant à 30,95 millions d’euros hors taxe et pour le volet maritime de 3,97 millions d’euros hors taxe, soit une hausse de 37,2%, s’établissant à 14,64 millions d’euros hors taxe.»

Des carences dans le plan de financement

«Il y a deux raisons à cette hausse, estime Joël Canicave, adjoint au maire de Marseille en charge des finances. La première c’est l’inflation avec la hausse des matériaux. La seconde, ce sont des demandes supplémentaires de la société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) et du comité d’organisation des JO de Paris (Cojo), notamment le brassage maritime qui devait évoluer.»

«Au début du projet, les prévisions de recettes ont été ajustées pour couvrir l’évolution des dépenses, note la chambre dans son rapport. Cependant, le financement public n’a pas été réévalué à partir de 2022 en y intégrant l’évolution du coût de la partie maritime du programme, créant ainsi un déficit de 3,97 millions d’euros hors taxe en 2024. Les financements attendus en mars 2025 s’élevaient à 34,64 millions d’euros hors taxe. »

Surtout, la chambre relève des carences dans le plan de financement initial de ce stade olympique, récemment rebaptisé stade nautique Florence-Arthaud. D’abord, selon le rapport, «la gestion des marchés publics liés aux épreuves de voile a été assurée par différents services de la commune.» Or, «bien que des dispositifs de contrôle aient été mis en place, des dépassements significatifs des montants initiaux ont été observés par la chambre .»

La ville accuse Renaud Muselier

En outre, «la chambre observe que certaines ressources figurant au plan de financement initial n’ont pas été perçues, notamment du fait de l’inéligibilité du projet au fonds européen de développement régional constatée par la commune en 2023.» Manque à gagner : trois millions d’euros. Devant le conseil municipal ce vendredi 3 octobre, lors de la présentation du rapport, Benoît Payan et son équipe ont ouvertement accusé le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, d’avoir entravé la ville dans ce projet de financement de la marina olympique.


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«Il se trouve que le dossier qui était porté par la région n’est pas arrivé sur le bon bureau, pour des raisons qui nous échappent, affirme Joël Canicave dans l’hémicycle. Ils n’ont pas fait preuve de trop de zèle…» «C’est toujours plus compliqué avec la région», peste Benoît Payan, dont les relations avec Renaud Muselier sont très tendues. «J’ai rencontré récemment le maire de Saint-Raphaël qui m’expliquait que plus aucun de ses dossiers ne passait à la région depuis qu’il s’était disputé avec Renaud Muselier !», poursuit le maire «Le dossier n’est pas éligible parce que – peut-être -, la région n’a pas bien défendu le dossier», accuse Joël Canicave. «C’est la mairie qui doit déposer le dossier à la région, qui doit ensuite le déposer auprès de l’Europe, dément Isabelle Savon, conseillère municipale d’opposition, conseillère régionale et proche de Renaud Muselier. On a reçu un premier dossier, mal instruit et donc jugé irrecevable car ce n’était pas la bonne signature. Et après, on n’a plus eu aucun dossier ! Or, si on ne dépose pas de dossier, on ne peut pas instruire, donc la faute est à la ville de Marseille ! »

Face à cette situation, Benoît Payan en appelle à la solidarité de chacun. «Je demande officiellement au préfet de région d’organiser un tour de table. Le président de région est le bienvenu, et j’espère que la présidente de la métropole et du département, Martine Vassal, sera là.» L’édile demande à l’État comme aux autres collectivités de mettre la main à la poche et ainsi combler le déficit créé par la marina olympique dans les caisses de la ville. «L’État a d’ores et déjà accepté de participer au paiement du surplus aux alentours de deux millions d’euros», applaudit Joël Canicave.

Payan taxé d’être un «mauvais gestionnaire»

Les choses semblent moins bien engagées du côté des collectivités territoriales. Contacté, l’entourage de Martine Vassal se refuse pour l’heure à tout commentaire. La région, de son côté, oppose un fin de non-recevoir. «On ne va pas commenter les élucubrations d’un mauvais gestionnaire qui a laissé déraper le budget de la marina», souffle-t-on dans l’entourage de Renaud Muselier. «La facture, on vous la laisse et, en aucune façon, nous ne comptons la partager», balaie Isabelle Savon, qui rappelle que la région «a déjà mis cinq millions d’euros dans ce projet.» «Les trois millions, si c’est pour que Renaud Muselier les utilise pour acheter des canons à neige ou faire une patinoire à Nice pour les Jeux olympiques de 2030, il va falloir qu’il explique pourquoi il n’aime pas les Marseillais», persifle Joël Canicave.

Comment la ville, dont le déficit avait atteint près de 1,4 milliard d’euros en 2023, va-t-elle renflouer les caisses ? Interrogé sur ce point, Joël Canicave se montre flou mais se veut rassurant. «Il n’y a pas de souci, ne vous inquiétez pas, lance l’adjoint au maire. On va exiger ce qui nous est dû. Tout est budgété, nous pouvons le faire, mais on aimerait effectivement que ça soit partagé équitablement. Ce qu’on aimerait, c’est que ça ne soit pas les Marseillais qui paient. C’est sûr que cet argent, j’aurais préféré l’utiliser pour financer autre chose.»

Un rapport publié le 29 septembre de la Cour des comptes estime que, dans leur globalité, les JO de Paris 2024 ont coûté 6,6 milliards d’euros en dépense publique. Les magistrats de la rue Cambon applaudissent «l’absence de dérapage budgétaire» tout en jugeant «modeste à ce stade» l’impact économique de l’événement.