Par Dr Stéphane Vignes
Le 2 octobre 2025 à 18h42
Incurable, le lymphœdème se caractérise par un épaississement de la peau et une augmentation de volume d’un membre et se traite principalement par des dispositifs de compression.
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TRIBUNE – Mal connu, le lymphœdème touche pourtant une femme sur cinq après un cancer du sein. Cette complication invalidante et incurable nécessite une reconnaissance de la pathologie et une meilleure prise en charge financière.
Le Dr Stéphane Vignes est chef du service de Lymphologie de l’hôpital Cognacq-Jay et président de la Société Française de Lymphologie.
Tribune rédigée avec le soutien de parlementaires et d’associations de patientes : Michel Lauzzana, député du Lot-et-Garonne, président du groupe d’études Cancer et membre de la Commission des Affaires sociales ; Angélique Ranc, députée de l’Aube, membre de la Commission des Affaires sociales ; Nicolas Turquois, député de la Vienne, membre de la Commission des Affaires sociales ; Corinne Bourcier, sénatrice du Maine et Loire, membre de la Commission des Affaires sociales ; la Société Française de Lymphologie ; RoseUp ; AVML ; Dragon and Ladies ; Lymphoedème Rhône-Alpes, Patients en Réseaux ; et le Réseau des Kinés du Sein.
Chaque année, des milliers de femmes en France remportent leur combat contre le cancer du sein. Mais pour environ une sur cinq qui a eu un curage axillaire, cette victoire marque le début d’un nouveau combat, plus silencieux mais tout aussi éprouvant : celui contre le lymphœdème.
Encore largement méconnu du grand public, le lymphœdème peut se former à la suite de certains traitements du cancer : curage ganglionnaire, radiothérapie… Il est incurable et se caractérise par un épaississement de la peau et une augmentation de volume d’un membre – un bras ou une jambe – causée par une altération du système lymphatique. Cette augmentation de volume ne peut être résorbée complètement, mais seulement stabilisée ou réduite par l’utilisation de dispositifs médicaux de compression.
De tels symptômes ont inévitablement des conséquences : physiques évidemment, puisque des membres qui augmentent de volume peuvent devenir handicapants ; professionnelles ; sociétales et psychologiques, avec une errance diagnostique fréquente, un impact sur la qualité de vie et l’image de soi, un sentiment d’isolement et le regard d’autrui difficiles à supporter.
Traitement à vie
Le lymphœdème constitue donc une triple peine pour les patientes, qui doivent faire face à la gestion du cancer, au développement de la pathologie, et à la contrainte de supporter une partie des coûts financiers liés à leur traitement à vie.
Il est temps que cette maladie soit reconnue pour ce qu’elle est : une conséquence directe des traitements contre le cancer.
Malgré son impact lourd et le fait que sa survenue soit directement corrélée aux soins prodigués dans le cadre de la prise en charge du cancer, le lymphœdème n’est toujours pas reconnu comme une complication du traitement du cancer à part entière. Alors que le parlement a adopté une loi le 28 janvier 2025 visant à améliorer la prise en charge des soins et dispositifs spécifiques au traitement du cancer du sein et aux soins de l’après-cancer, le lymphœdème a été exclu des débats parlementaires. Cette pathologie n’est à ce jour donc toujours pas reconnue comme une complication du cancer du sein. Il faut en outre rappeler que le lymphœdème peut aussi toucher les membres inférieurs après traitement de cancers gynécologiques.
Améliorer la prise en charge
Le lymphœdème ne peut continuer d’être le grand absent des débats. Il est temps que cette maladie soit reconnue pour ce qu’elle est : une conséquence directe des traitements contre le cancer. Il est temps qu’elle bénéficie d’une reconnaissance officielle, d’une meilleure prise en charge des dispositifs de compression indispensables au traitement, et d’un parcours de soins intégré, à la hauteur des besoins.
Alors que débute Octobre Rose et dans le cadre de la rédaction des décrets d’application relative à la loi susmentionnée, alors que les regards se tournent vers la prévention et la prise en charge du cancer du sein, n’oublions pas celles qui, une fois la maladie vaincue, continuent à se battre chaque jour avec la pathologie supplémentaire qu’est le lymphœdème. Pour des milliers de femmes, il est la suite d’un combat qu’elles n’ont pas choisi.
Reconnaître le lymphœdème, c’est améliorer la prise en charge des patientes après traitement d’un cancer du sein et ainsi s’attaquer à un enjeu de santé publique avec une considération globale du traitement du cancer et des complications liées aux soins.