Qui a dit : « L’homme se nourrit, l’homme d’esprit sait manger ? » C’est un Pierre Hurmic primesautier, sous les auspices de Brillat-Savarin (c’est la réponse à la devinette) qui présente ce jeudi 2 octobre, devant la Maison du jardinier, la 3e édition du Festival BON !, événement « fédérateur et gourmand » dont la philosophie « hédoniste » tiendrait dans la formule : « bien manger est un plaisir et un droit qui doit être accessible à tous. »

Après Thierry Marx l’an dernier, c’est le plus médiatique des chefs bordelais, Philippe Etchebest, qui parraine la manifestation chapeautée par la Ville. « Ravi et honoré », le meilleur ouvrier de France, à la tête de trois établissements, « bientôt quatre », y voit l’occasion de célébrer les valeurs qui l’animent, « qualité des produits, respect de l’environnement » et « mise en avant des petits producteurs locaux ».

L’élue municipale en charge de la résilience alimentaire Ève Demange présente une édition promouvant une « alimentation saine, locale, plus végétale, dans tous les quartiers et vers tous les publics », tout en « magnifiant les saveurs de notre terroir grâce au talent des chefs ». Une édition « qui fait la part belle à la jeunesse » et aux familles, l’”éducation alimentaire” étant aussi un enjeu de santé publique : « Apprendre à bien manger dès l’enfance, c’est s’assurer un capital santé toute la vie », alors que « 80 % des maladies cardiovasculaires pourraient être évitées avec une meilleure alimentation. »

Ève Demange, Pierre Hurmic et Philippe Etchebest présentent le festival BON !, le 2 octobre dans la Cabane du jardinier.

Ève Demange, Pierre Hurmic et Philippe Etchebest présentent le festival BON !, le 2 octobre dans la Cabane du jardinier.

S. L.

À la carte du festival, des ateliers cuisine ou jardinages, tables rondes, lectures, repas partagés, concours… Environ 90 rendez-vous, la « plupart gratuits », dans tous les quartiers de Bordeaux, portés par autant d’acteurs ou structures partenaires (l’agence Bordeaux Food Club, 70 associations, des dizaines de restaurateurs). Un programme copieux ponctué de quelques temps forts : on citera un quiz ludique pour 200 écoliers animé par Philippe Etchebest dans les jardins de la mairie (le 17 octobre) ou le Chaud Show en clôture, samedi 18 octobre de midi à minuit sur le Campus de la Victoire, durant lequel une vingtaine de chefs bordelais relèveront le défi d’un menu à 75 % d’ingrédients d’origine végétale (tarif adulte 24 euros).

« De la fourche à la fourchette »

L’événement festif s’inscrit aussi dans une démarche de « résilience alimentaire », « de la fourche à la fourchette ». Dans un contexte difficile, il permet de « créer une solidarité avec les agriculteurs du territoire », dont le « moral est en berne », notamment côté producteurs bio. À ce sujet, Pierre Hurmic rappelle l’action de la cuisine centrale de Mérignac, qui sert 23 000 repas aux scolaires (dont 17 000 Bordelais), avec « 71 % de bio ». « Un gros marché », qui donne des perspectives aux petits exploitants.

Ces mêmes cuisines ont reçu la visite de Philippe Etchebest, invité pour signer les menus des cantines scolaires durant la semaine du festival. « Je tente de faire bouger quelques lignes sans tout chambouler », tempère le chef étoilé, « impressionné par l’implication de l’équipe », les volumes (« 23 000 couverts ! ») et les contraintes qu’il a découvertes sur place. « Je proposerai des petits ajustements gustatifs sur les plats de base. » Une épice, un pesto, une sauce tandoori, un velouté : « Il ne faut pas grand-chose pour apporter une différence ».

Une alimentation « bonne pour la santé, le climat et le porte-monnaie » : la formule ne peut que gagner tous les suffrages. Mais peut-on vraiment concilier excellence alimentaire et budget serré ? Et comment toucher ceux qui ne poussent jamais les portes des restaurants, quand ils n’en ont ni la culture ni les moyens ?

« Il faut dire aux gens : arrêtez de manger des trucs crevés, qui ne ressemblent à rien. »

Passeur de plats

Philippe Etchebest sait bien que ces derniers ne peuvent se payer un repas à la Maison Nouvelle (deux étoiles au Michelin), ses « 22 employés pour 28 couverts », et son menu à plus de 200 euros, ni même sa brasserie Le Quatrième mur, accolée au Grand Théâtre. Mais il met en avant son établissement Signature, « fast-food de qualité » qui propose un menu complet à base de ravioles du chef, « pour moins de 20 euros ». Et ses autres initiatives de passeur de plats pour le grand public. « Je ne suis que restaurateur, que cuisinier. Mais j’ai la chance de pouvoir exprimer mon métier, de défendre le bien manger. » Le chef, qui a découvert le métier dans son restaurant familial du cours de l’Yser, assure qu’il milite pour une alimentation populaire de qualité. Notamment via sa chaîne Youtube (1,9 million d’abonnés) où il partage son savoir-faire avec des produits « du quotidien et pas chers » : « J’ai des retours incroyables. » De quoi détourner les gens de la malbouffe ? « Un menu à 10 balles, ça peut être très cher pour ce que c’est. Il faut dire aux gens : arrêtez de manger des trucs crevés, qui ne ressemblent à rien ! »