Quelle politique pour Paris à partir de 2026 ? Alors que la plupart des candidats à l’élection municipale de l’année prochaine dans la capitale sont connus, il est encore, aujourd’hui, difficile d’y voir clair dans les programmes et orientations de chacun. Si plusieurs d’entre eux avancent leurs pions depuis plusieurs semaines, ceux-ci semblent invisibilisés par les échanges d’invectives et d’accusations de toutes sortes entre différents camps.

Si l’ambiance au Conseil de Paris a souvent été électrique, voire étouffante ces dernières années, on aurait pu penser que l’absence d’Anne Hidalgo aurait pu alléger l’atmosphère de ses échanges, souvent violents, avec Rachida Dati. Au contraire, ces derniers mois ont montré que la conquête de l’Hôtel de ville pourrait donner lieu à une campagne « sale ».

Tous les ingrédients pour une campagne explosive

Certes, le contexte national (et international), riche et angoissant, ne laisse que peu de bande passante pour la vie politique locale dans la tête des Parisiens. Tous les camps s’accordent sur ce point. Seules arrivent à émerger les affaires et « boules puantes ». Enquête pour corruption visant Francis Szpiner en avril, signalement au parquet de Paris des « bijoux cachés » de Rachida Dati en juin, dévoilement des frais de représentation d’Anne Hidalgo en septembre suivi de ceux d’Eric Lejoindre et de l’annonce des dates du procès de Rachida Dati pour corruption à la fin du mois… Les dossiers s’enchaînent, chaque adversaire répond et se déchaîne.

« C’est à l’image du Conseil de Paris depuis 2020. Rachida Dati a choisi la stratégie de bordélisation et d’agressivité sur tous les sujets et envers tout le monde », nous explique un expérimenté élu parisien qui ne voit dans cette période préélectorale qu’un prolongement.

« Il est vrai qu’à partir de 2020 et le renouvellement de nos rangs, nous avons choisi d’incarner une opposition « tonique », concède David Alphand, co-président du groupe Changer Paris avec la ministre de la Culture, l’opposition n’a que peu de pouvoir si ce n’est celui du verbe. C’est par là que nous avons choisi d’instaurer un rapport de force. »

Le prolongement des affrontements Dati-Hidalgo (mais sans cette dernière)

Ainsi, et selon notre élu qui préfère garder l’anonymat, le retrait d’Anne Hidalgo, plutôt que de calmer les esprits, a pour conséquence d’enflammer les débats et les échanges : « Avec son départ, beaucoup y voient l’opportunité de leur vie. De plus, alors que Rachida Dati était la grande favorite, ses déboires judiciaires et la remise en cause de sa candidature chez les macronistes, l’affaiblissent et rebattent les cartes. Donc on a de nouveaux candidats très ambitieux qui s’attaquent à la favorite, blessée et plus agressive que jamais. »

Ainsi, la maire du 7e arrondissement de Paris a choisi de poursuivre la stratégie « anti-Hidalgo ». Les trois candidats déclarés à gauche (l’écologiste David Belliard, le communiste Ian Brossat et le socialiste Emmanuel Grégoire) sont tous issus de la majorité municipale. Aussi, débarrassée de la reine-maire, Rachida Dati applique donc la même recette à ses dauphins qu’elle tient pour comptables de son bilan.

Ainsi David Alphand n’hésite pas à assimiler directement (Eric Lejoindre, maire du 18e arrondissement est aussi directeur de campagne d’Emmanuel Grégoire), ou indirectement, les trois candidats aux dossiers des frais de mandat, dénonçant « de mauvaises habitudes prises lorsque l’on reste trop longtemps au pouvoir ».

La notoriété de Dati (et ses affaires) au cœur du problème

Aussi agressive soit-elle, les opposants à Rachida Dati ne baissent pas les armes. Au contraire. Habitués à ferrailler avec elle au Conseil de Paris, ils savent lui rendre les coups. Emmanuel Grégoire en premier lieu : « Le comportement du camp Dati n’est pas une surprise. La stratégie de créer des affaires dans les affaires est un moyen pour elle de tout mélanger et de faire passer l’idée que « grosso modo », tout le monde est corrompu et qu’il ne s’agit pas d’une singularité de sa propre candidature », explique l’ancien premier adjoint d’Anne Hidalgo qui pense que « ça va continuer comme ça jusqu’à la fin de la campagne ».

Une idée rejetée par David Alphand qui retourne l’accusation : « David Belliard et Emmanuel Grégoire n’ont guère d’écho sur leurs propositions. Donc ils tapent sur Rachida Dati pour faire parler d’eux. Regardez la différence du nombre de vues sur leurs tweets quand ils parlent de leur programme et quand ils tapent sur Rachida Dati. On est de l’ordre d’un pour dix. Alors ils exploitent le filon… »

L’arrivée de LFI ne risque pas d’apaiser les débats

Chaque camp rejette ainsi la faute sur l’autre. Difficile donc d’imaginer l’atmosphère se détendre. D’autant qu’une nouvelle candidature pourrait contribuer à faire monter la température d’un cran : celle de Sophia Chikirou, pressentie pour porter la candidature LFI en 2026. « On est sur le même créneau que Rachida Dati, commente notre vétéran de la politique municipale, une personnalité très forte, agressive, et qui a aussi une mise en examen sur le dos. Elle pourrait faire des étincelles dans tous les sens. »

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Si l’insoumise est, par nature, une opposante à Rachida Dati, aux macronistes et aux républicains, il est certain qu’elle s’accrochera aussi avec Emmanuel Grégoire qui est le seul des candidats de gauche à refuser une alliance avec le parti de Jean-Luc Mélenchon, à l’image de la position d’une partie du PS au niveau national.

Un fait dont veut profiter l’actuel porte-parole du PS à l’Assemblée nationale : « Une confrontation et des attaques contre moi ? Elles donneront un cadre de confrontation et une certaine visibilité médiatique. Je ne le crains pas, j’y aspire. »

D’autres candidats pourraient en profiter

S’il n’a pas peur de croiser le fer, d’autres pourraient profiter de ces passes d’armes pour construire leur candidature et se positionner en alternative. Le RN d’abord. Encore très discret dans cette campagne, et plus généralement à Paris, Thierry Mariani, qui sort tout juste de la législative partielle dans la 2e circonscription (remportée par Michel Barnier), suit de près tous les travers signalés nous assure une membre de son équipe, sans pour autant se manifester. Alors qu’il « travaille sur son programme et à la construction des listes d’arrondissement qu’il souhaite présenter avant la fin de l’année », le parti d’extrême droite confie voir dans ses échanges « le lot de chaque fin de règne » et ne pas vouloir entrer dans ce « genre de bataille ».

Plus avancé dans sa campagne, Pierre-Yves Bournazel (Horizons) assure qu’il ne faudra pas non plus compter sur lui pour participer au pugilat. Lui qui se pose en « candidat anti-pagaille », voit peut-être, avec les déboires de Rachida Dati (et le refus de soutien de nombreux macronistes) et la difficile union à gauche une opportunité extraordinaire de tirer son épingle du jeu. « Les sujets d’éthique sont importants mais ils doivent tenir sur des propositions et des engagements, pas sur des règlements de compte, nous assure-t-il, je construis cette campagne sur un changement positif de Paris. Je souhaite donner une image apaisée et constructive, sans opposition systématique. Pendant qu’on assiste à ces stratégies d’attaque et de contre-attaque, je préfère tendre la main. »