Kemiwatt conçoit des batteries. Jusque-là, rien de très original. Sauf que les batteries que développe cette petite entreprise rennaise n’ont rien à voir avec celles que l’on retrouve dans nos téléphones ou nos voitures : Kemiwatt stocke de l’électricité dans de l’eau. « Nous utilisons le concept de batterie à circulation, reposant sur des molécules organiques – des électrolytes – dissoutes dans de grandes quantités d’eau. L’eau circule dans des échangeurs pour charger ou décharger les électrolytes en électricité, selon les besoins », explique le patron de la société, Guillaume Chazalet.
Issue de travaux de recherche conduits à l’Université de Rennes et au CNRS, Kemiwatt est l’un des rares acteurs à s’intéresser à cette nouvelle technologie, intéressante pour stocker de grandes quantités d’énergie au même endroit (impossible, en revanche, d’utiliser cette batterie pour faire rouler une voiture ou un camion) et répondre aux besoins électriques grandissants des industriels.
Revente aux heures de pointe
Créée en 2014, la start-up emploie aujourd’hui une dizaine de salariés et compte, parmi ses premiers clients, le Syndicat départemental d’énergie et d’équipement du Finistère (Sdef) à Quimper, l’énergéticien italien Edison (groupe EDF) ainsi qu’un groupe chinois. Elle a jusqu’ici financé ses activités en levant des fonds : 4 M€, depuis ses débuts, qui viennent s’ajouter à une nouvelle opération de 5 M€ annoncée
ce vendredi 3octobre. Ce tour de table a été réalisé
auprès de Stolt-Nielsen, groupe norvégien spécialisé dans le transport et le stockage de produits chimiques liquides, et de plusieurs actionnaires historiques (Go Capital et l’investisseurPierre-Yves Divet, notamment).
C’est dans ce genre de cuves que Kermiwatt entend stocker de l’électricité. (Photo Sowefund)
Ce n’est pas un hasard si un géant comme Stolt-Nielsen investit dans Kemiwatt, car c’est auprès de ces acteurs – les stockistes implantés à proximité des grands ports – que l’entreprise rennaise projette de se développer. « Les stockistes disposent de cuves de grande capacité pour stocker des produits chimiques, des hydrocarbures ou des huiles. Mais elles sont de moins en moins utilisées sous l’effet la transition énergétique », relève Guillaume Chazalet. Reconvertir des cuves pour stocker de l’électricité pourrait donc constituer un nouveau levier financier. Non seulement les stockistes pourraient utiliser l’énergie pour leur compte, en s’épargnant les fluctuations de prix sur les marchés. Mais ils pourraient aussi la stocker lorsque les prix sont au plus bas et la revendre aux heures de pointe, lorsqu’ils sont les plus élevés.
« Notre technologie contribue à équilibrer le réseau »
Au-delà, les batteries de Kemiwatt sont présentées comme une réponse au caractère intermittent du solaire et de l’éolien, des énergies renouvelables qui se développent, décarbonation oblige, mais ne produisent pas systématiquement lorsque le réseau en a besoin, et inversement. « Notre technologie contribue à équilibrer le réseau », vante Guillaume Chazalet.
Pour lui, le marché des stockistes est vaste : « En installant notre technologie dans 4 % des cuves en Europe, on pourrait stocker 42 GWh d’électricité ». Dans ce contexte, les 5 M€ levés doivent permettre d’accélérer le développement de Kemiwatt, dont le chiffre d’affaires est ressorti à un peu moins de 500 000 €. Parmi les priorités : recruter trois à cinq personnes dans les prochains mois et, à terme, tripler ses effectifs. La start-up veut aussi multiplier les projets avec les stockistes.
«On espère commencer par des projets français mais nous sommes beaucoup approchés par des pays du Nord», indiqueGuillaume Chazalet.