On est en 1960. Adrien et Marie-Louise Kruch, venus de leur Alsace natale, se posent à Richardménil.  Tous deux travaillent dans un restaurant de la rue Saint-Julien, à Nancy et décident donc de voler de leurs propres ailes. Ça se passera du côté du canal, chemin de La Levrette, Au Bon accueil.

Il faut dire que l’établissement a une carte maîtresse suscitant un coup de cœur pour Adrien… À savoir sa fabuleuse cave de vigneron. Lui aux fourneaux, elle, en salle, le couple fait du restaurant un lieu prisé grâce au bouche-à-oreille. À partir de 1975, la fréquentation explose.

Exceptionnelle cave

Dans la salle, les trois enfants du foyer voient leur destinée toute tracée. À l’heure de la retraite des parents, Patrick se pose en cuisine avec ses recettes généreuses, sublimant les abats et mettant à l’honneur les plats traditionnels. Dominique sera en salle tout comme Philippe qui choiera également la cave dont la réputation a largement dépassé les frontières communales.

En 2012, sa fille Anne-Sophie entre dans la danse, rejointe par son frère Romain, en avril 2015. Celui-ci affiche une solide expérience dans des grands établissements. La troisième génération est aux commandes. L’épopée familiale se poursuit, poussée par un nouveau souffle. « C’est vrai que ça n’a pas été simple… Nous avons perdu une partie de notre clientèle, notamment celle du BTP habituée aux repas à rallonge et aux portions plus que généreuses. Mais nous en avons accueilli une nouvelle », résume Anne-Sophie.

Cuisine nouvelle

Les enfants de Philippe Kruch ont dû faire face. Face aux changements d’habitudes, entre autres. « Les gens mangent différemment, moins gras. Avant, c’était tête de veau et baeckeoffe. Désormais, nous suivons les saisons et nous avons réduit la carte. Romain a posé son empreinte, en douceur. Mais la transition n’a pas été facile. »

Quant à la cave, elle a, elle aussi, été calibrée pour son époque. « On est passé de 20 000 bouteilles, à la grande époque, à 2 000 ! Avant, on achetait du vin primeur que l’on laissait vieillir. Maintenant, le vin acheté doit pouvoir être bu dans la foulée. Et puis, nous travaillons beaucoup au verre, nous n’avons pas le choix. »

Mais les efforts paient. En 2017, avec le titre de Maître Restaurateur, et en 2020 avec un Bib Gourmand décerné Au Bon Accueil par le Guide Michelin. Distinction récompensant une table gastronomique au juste prix et le travail de produits de qualité.

Faire face, encore

2020, une année qui aurait dû voir la famille Kruch fêter ses six décennies à la tête de l’institution. Le Covid en décidera autrement… Et compliquera les journées de travail. « Nous avons dû faire face à l’ inflation des matières premières, à la flambée des prix de l’énergie, du vin aussi… »

Pas suffisant pour entamer la détermination de la fratrie qu’une clientèle fidèle conforte dans ses choix. « Nous avons des personnes ayant connu nos grands-parents et nos parents ! Certaines sont centenaires et se souviennent de tout, de chaque détail. Certains se sont mariés ici, ont fait des baptêmes… Leurs souvenirs, ici, sont intacts et la nouvelle cuisine leur plaît… Ça fait vraiment chaud au cœur », relève Anne-Sophie Kruch.

Et si l’avenir n’autorise aucune certitude, la fierté de perpétuer l’aventure familiale, commencée il y a 65 ans, reste solidement ancrée. Un cas unique dans la région.