Par

Léa Afonso

Publié le

4 oct. 2025 à 9h04

Vous avez sans doute déjà croisé ses célèbres poulets colorés, perchés sur un mur du centre-ville ou au détour de la rocade… À 54 ans, CEET Fouad, graffeur installé en Asie depuis 23 ans, revient dans sa ville d’origine, Toulouse. Pour cette rentrée 2025, il signe une nouvelle fresque sur le mur du pont des Demoiselles, en hommage à deux amis graffeurs disparus : Full1 et Flair2, décédés en 2022 à New York. Rencontre avec un artiste dont les couleurs voyagent aux quatre coins du monde.

« Peindre à Toulouse, c’est important »

Actu : Cette fresque est dédiée à vos amis disparus. Quelle est son histoire ?

CEET Fouad : Je suis né à Oran, en Algérie, mais j’ai grandi à Toulouse. Toute mon enfance et mes amis sont ici depuis plus de quarante ans. Alors revenir peindre dans cette ville, là où tout a commencé pour moi, c’est extrêmement important. Jusqu’ici, nous n’avions jamais eu l’occasion de réaliser une fresque en hommage à nos amis décédés. On voulait qu’elle soit visible, proche du centre, pour que le plus grand nombre puisse la voir. On a mis six mois à obtenir l’autorisation de la mairie. On l’a faite bénévolement, sans rien demander, juste pour le quartier et pour que la trace de nos amis reste.

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« Nos couleurs doivent donner le sourire »

Vos fresques sont toujours très colorées. Pourquoi ?

C.T : Notre concept, c’est de mettre un maximum de couleurs. Que tu passes en voiture, à vélo ou même à pied, il faut que ça t’interpelle immédiatement. Bien sûr, on aurait pu faire quelque chose en noir et blanc, un monochrome. Mais notre but, c’est de donner de la joie, de transmettre du positif et de faire sourire les gens.

Que représente précisément cette fresque ?

C.T : Elle regorge de symboles. Nos amis, représentés sous forme de poulets avec le métro de New York. Les fameuses fesses de Justmoncul, qui l’a réalisée avec moi. Et puis le canal, puisque nous sommes au bord du canal du Midi. Je me suis aussi inspiré de ce que j’ai vu en Asie, notamment en Thaïlande ou aux Philippines : ces habitations avec des câbles électriques partout, qui m’ont donné l’impression de gigantesques installations artistiques. J’ai voulu faire un mix entre ces images et Toulouse, en installant mes poulets dans ces habitations. Cette fois, je leur ai donné des accessoires, ce que je ne fais pas d’habitude.

Des maisons, des poulets, le canal et des couleurs vives sont à retrouver sur la fresque.
Des maisons, des poulets, le canal du Midi et des couleurs vives sont à retrouver sur la fresque. (©Léa Afonso / Actu Toulouse)Vidéos : en ce moment sur ActuDes poulets nés… en Chine

Pourquoi avoir choisi le poulet comme signature artistique ?

C.T : Tout est parti d’un problème de communication quand je suis arrivé en Chine il y a 23 ans. Je ne parlais pas la langue, et pour commander au restaurant, je me suis mis à dessiner… un poulet. Ça a commencé comme ça, et j’ai continué à en dessiner de plus en plus. Depuis, mes poulets voyagent partout dans le monde.

Et pourquoi avoir choisi de vivre en Asie ?

C.T : Mon rêve, à l’origine, c’était New York. Mais Hong Kong et la Chine se sont imposés par hasard. J’y suis allé une fois, deux fois, trois fois pour des projets artistiques, et finalement, je suis resté. Là-bas, j’ai rencontré énormément de gens et d’artistes qui m’ont permis d’évoluer. Ça a été décisif. Et quand j’ai trouvé mon personnage, mon poulet, j’ai compris qu’il pouvait exister partout, qu’il pouvait parler à tout le monde.

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Ces fameux poulets, nés d'un problème de communication, s'exportent aujourd'hui partout dans le monde.
Ces fameux poulets, nés d’un problème de communication, s’exportent aujourd’hui partout dans le monde. (©Léa Afonso / Actu Toulouse)« J’ai grandi avec le hip-hop »

Comment avez-vous commencé le graffiti ?

C.T : J’étais ado, j’avais 15-16 ans et je suis tombé dedans. À l’époque, je faisais du breakdance et je regardais une émission culte le dimanche sur M6 que j’attendais toute la semaine, sur le hip-hop. J’adorais le hip-hop, la black music, toute cette culture. Mais j’étais mauvais en danse (rires). Le dessin me parlait plus. Alors, je faisais des esquisses, j’ai commencé à m’entraîner dans des terrains vagues, à taguer un peu n’importe quoi. Puis, tu choisis un pseudo, que tu répètes des centaines de fois, que tu agrandis, auquel tu donnes des couleurs, puis petit à petit, tu y ajoutes des personnages…

Quel est votre rapport avec le graffiti aujourd’hui ?

C.T : Dès le début, j’ai toujours préféré dessiner des personnages plutôt que des lettrages. Mes potes faisaient les lettres et moi, je posais les personnages. Quand j’ai inventé mon poulet, ça a été comme un autoportrait version hip-hop. Je lui fais tenir une bombe, danser, taguer. Je viens de cette culture hip-hop, je la revendique, et je l’associe à mes poulets. Mes poulets sont aussi des satires de la société, c’est comme ça que j’imagine le graffiti.

Des projets aux quatre coins du monde

Vos fresques s’exportent partout. Quels sont vos prochains projets ?

C.T : Il y a quinze jours, j’ai peint une fresque à Shenzhen. Je pars bientôt exposer à Bucarest, puis à Singapour. Et je prépare aussi mon prochain livre, centré sur mon univers architectural, à la fois coloré et un peu « destroy ».

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