« Le Maroc a la capacité de fournir 50 % de l’électricité dont l’Europe a besoin, et à des prix compétitifs», a assuré Ryad Mezzour, ministre marocain de l’Industrie et du Commerce, au quotidien italien La Verità. Avec son ensoleillement généreux, les vents venus de l’Atlantique et un câble déjà relié à l’Espagne, le royaume se voit en futur pilier de la transition énergétique du Vieux Continent. Il est vrai que le potentiel affiché impressionne : jusqu’à 1.600 térawattheures de production annuelle, soit l’équivalent de la moitié de la consommation de l’Union européenne.

Ambitions XXL pour l’énergie verte

Tout cela fait saliver les investisseurs étrangers. Pas moins de 40 projets liés à l’hydrogène vert attendent une validation, ce qui montre l’engouement international pour les énergies du Maroc. Le pays met en avant plusieurs exemples concrets : le gigantesque complexe solaire Noor Ouarzazate, capable d’alimenter plus d’un million de personnes, ou encore le projet Draa-Tafilalet, un réseau de centrales solaires de 400 mégawatts. L’objectif est de porter la part des énergies renouvelables à 52 % de la production électrique nationale d’ici 2030.

Mais derrière les annonces grandiloquentes, les chiffres actuels tempèrent quelque peu l’enthousiasme. Le Maroc produit aujourd’hui environ 42 térawattheures par an, bien loin des 1.600 visés. C’est qu’il y a des obstacles sur la route : infrastructures de transport à construire, capacités de stockage limitées, investissements colossaux à prévoir. S’ajoutent des enjeux politiques sensibles : l’Union européenne dépend déjà largement du Maroc pour ses exportations agricoles et les accords migratoires.

Confier au seul Maroc une part si importante de l’électricité européenne pourrait augmenter le déséquilibre, et c’est un risque. L’histoire récente fournit d’ailleurs un avertissement : le projet Desertec, imaginé dans les années 2000 pour alimenter l’Europe grâce aux déserts nord-africains, s’est effondré face aux coûts et aux tensions régionales.

Au-delà de ses ambitions en Europe, le gouvernement marocain met aussi en avant l’intérêt domestique. Selon Ryad Mezzour, l’essor des énergies vertes doit permettre d’assurer 100 % des besoins en eau potable et 80 % de l’irrigation agricole d’ici 2030, indépendamment des pluies. Autre argument de poids : l’électricité verte serait déjà moins chère que les énergies fossiles, un avantage crucial pour un pays qui importe tout son pétrole et son gaz.

Pour l’industrie du pays, il s’agit de basculer massivement vers une production alimentée par le solaire et l’éolien. « Il est de notre intérêt que toute notre industrie adopte le plus vite possible les énergies renouvelables », insiste le ministre. Reste que, pour les experts, la priorité devrait être ailleurs : avant de se rêver fournisseur de l’Europe, le Maroc gagnerait surtout à accélérer sa propre transition et viser l’autosuffisance énergétique.

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