Pas de folklore à deux francs CFA, mais un grand sourire à la vie ; de l’humour comme il n’en est pas permis, constant, sans effet, léger. Quel délice que ce livre, que l’on dévore avec plus d’appétit qu’un poulet de la rue Poulet. Ramsès de Paris, déjà deux mois d’existence en librairie, ne doit pas vous manquer. Son auteur est Alain Mabanckou, célèbre écrivain franco-congolais, prolifique et tendre, usant de sa culture classique pour élargir le champ des possibles et construire au fil des années des romans menés tambour battant.
Le narrateur est un jeune homme. Il se fait appeler Berado prince de Zamunda, vient de quitter sa ville natale, Pointe-Noire, et cherche à Paris le moyen de s’épanouir. Il ne se hausse pas du col, et dédaigne pour cela, lorsqu’il amorce tout chapitre, les capitales d’imprimeries. « non, bien sûr, je ne venais pas de Zamunda, cette contrée qui n’existait que dans des films américains, c’était leur Afrique fantôme dont ils étaient mélancoliques matin midi et soir parce qu’ils avaient tellement soif de découvrir qui étaient leurs ancêtres musclés avant ces péripéties de la traite négrière et tenaient à ce qu’on leur confirme que s’ils retournaient en Afrique ils se sentiraient peinards, il suffisait qu’on leur assure aussi que la mouche tsé-tsé n’était qu’une légende inventée par les maîtres blancs, que leurs ancêtres noirs… » – on arrête, souffle coupé mais à regret, ce paragraphe où les salles de classe de brousse, la Bible et le latin virevoltent avec des miroirs sans tain, Colombey-les-Deux-Églises et des buffles.
Les affaires sont les affaires
Une grande part de l’action se déroule dans ce quartier d’or qui démarre, sur les chapeaux de roue, boulevard Rochechouart et freine comme il peut boulevard Ornano. Les affaires d’amour et les affaires tout court ont parfois des ratés, les hôtels ne sont pas toujours des palaces, les bénéfices incertains. Mais Berado rebondit, sûr de sa bonne étoile, heureux de nous tenir en haleine, animé d’une belle énergie. Le cœur ouvert.
Alain Mabanckou, Ramsès de Paris, Seuil, 2025, 192 p. 19,50 €.