Jeudi 17 avril dernier, à 17h30, dans le quartier Villejean, à Rennes, quatre jeunes cagoulés s’introduisent dans un restaurant Subway et tirent sur un autre groupe attablé. Ce règlement de compte lié au narcotrafic a fait quatre blessés dont l’un n’est aujourd’hui plus entre la vie et la mort. Patrick Rety, multi-franchisé Subway (6 restaurants en Bretagne et en Normandie) depuis 2002, revient sur la fusillade et l’évolution de l’agglomération rennaise.
LSA – Comment s’est déroulée l’attaque dans votre restaurant ?
Patrick Rety – Lors de la fusillade, je me trouvais au siège social de Subway aux États-Unis. Lorsque nous revoyons les images des caméras de sécurité, nous apercevons distinctement quatre jeunes cagoulés pénétrer dans le restaurant et tirer sur un autre groupe attablé. Il y avait à peu près une dizaine de clients dont plusieurs élus municipaux, une famille avec une petite fille ainsi que plusieurs personnes buvant un café. Mon équipier, Ben, seul à ce moment-là, était affairé dans le labo. C’est un restaurant vitré. Les clients ont eu le temps de voir les tireurs cagoulés et ont plongé au sol pour éviter les balles.
Est-ce que le quartier Villejean rencontre des problèmes ?
P. R. – Ce restaurant existe depuis 20 ans. Il était détenu par un franchisé jusqu’à ce que nous le reprenions il y a quatre ans, un peu après le Covid-19. Nous n’avons jamais rencontré de souci particulier. C’est un quartier vivant, communautaire et populaire.
Cette fusillade serait liée à un règlement de compte lié au narcotrafic. Avez-vous vu les choses se dégrader ?
P. R. – Oui, tout a changé lorsque la brasserie en face de mon restaurant a décidé de faire évoluer ses horaires et de fermer à partir de 14 heures. C’était l’été dernier, en juillet 2024. Le point de deal entre vendeurs de stupéfiants et consommateurs s’est déplacé de cet établissement à chez moi.
Comment cela s’est concrétisé matériellement ?
P. R. – Lors des vacances de 2024, j’étais moins présent dans ce point de vente. Au lieu de passer deux fois par semaine, je ne venais qu’une fois tous les quinze jours. J’ai remarqué alors des personnes avec des comportements étranges qui ne faisaient pas partie de nos clients habituels. Mon manager m’a alors indiqué que le trafic de drogue se faisait désormais au sein du restaurant. J’ai alors décidé d’écrire au préfet et au procureur de la République pour leur expliquer la situation. J’ai également discuté avec « le guetteur » pour lui demander de partir. Mais in fine, rien n’a bougé.
Vous décidez alors de prendre une solution drastique. Pouvez-vous nous en parler ?
P. R. – Oui, j’ai pris la décision, en novembre 2024, de condamner les toilettes du restaurant et le couloir pour y accéder. C’est là que se tenait le trafic. Ce dernier a alors considérablement baissé. Si, dans un premier temps, nos clients ont été mécontents, ils ont finalement compris la situation d’autant que les personnes, aux comportements un peu étranges, ont progressivement disparu de l’établissement.
Suite à la fusillade, vous avez décidé de fermer votre restaurant. Quand est prévue la réouverture ?
P. R. – J’ai décidé de rouvrir le restaurant ce mardi 22 avril 2025. Nous avons traversé une période anxiogène. Il était important que mes équipiers, âgés en moyenne d’une vingtaine d’années, reprennent leur esprit. Il y a eu très peu de dégâts matériels hormis les impacts de balles. Il était important de fermer pour les équipes afin de ne pas banaliser cet événement. Cette semaine, je serai donc avec mes équipes.
Est-ce que vous avez le sentiment d’avoir tout fait en matière de sécurité ?
P. R. – Oui, je crois. Dans certains de mes restaurants, les équipiers ont la possibilité de baisser automatiquement des grilles en fer. Par ailleurs, un système d’alarme nous permet de prévenir une société de surveillance qui se connecte à nos établissements, écoute les conversations et peut prévenir, dans la foulée, les forces de l’ordre. Nous avons également des caméras de surveillance.
Quel regard portez-vous plus généralement sur la situation à Rennes ?
P. R. – À Rennes, tous les commerçants sont horrifiés par cette situation et espèrent simplement que la ville revienne à ce qu’elle était. Dans le quartier Villejean, depuis la pandémie, nous sommes confrontés à beaucoup de trafic de stupéfiants. Dans un autre de mes restaurants, implanté dans le quartier Colombier, toujours à Rennes, la situation est également compliquée. Il faut que les commerces soient sécurisés. Cela influence le comportement des consommateurs rennais qui ne sortent plus le soir.
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