Longtemps associée aux retraités, la randonnée connaît un véritable engouement auprès des jeunes adultes en Île-de-France. Ce phénomène, accentué par les confinements, répond à un besoin urgent de s’éloigner de la ville. Plus qu’une balade bucolique, marcher 25 kilomètres est perçu par cette génération comme un défi physique et mental.
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À la sortie de la gare de Rosny-sur-Seine dans les Yvelines, les trentenaires sont nombreux parmi la centaine de randonneurs qui descendent du TER en provenance de Paris. Rendez-vous leur a été donné en ce dimanche matin pour découvrir les méandres de la Seine dans le Vexin francilien à la limite de la Normandie. Pour cette nouvelle génération de marcheurs, la randonnée est synonyme de challenge physique. Antony Loeuk, Directeur création de 35 ans, avoue que la notion de défi a été un moteur pour se lancer sur un parcours de 25 km : « On a l’impression que c’est facile surtout quand on parle de marche, mais ce n’est pas si évident que ça. »
L’effort est bien réel et mesurable. Antony Loeuk témoigne de l’intensité de certaines montées : « Moi, je suis monté à 160 battements par minute. Donc en fait, il y a quand même un petit effort à fournir. » Le seuil des 25 kilomètres, comme celui qui relie Rosny-sur-Seine à Vernon-Giverny, est perçu comme « une espèce de barre à franchir ». Sa compagne Lara Martin, Responsable marketing international de 31 ans, confirme que c’est un défi pour le couple : « C’est aussi un challenge pour nous de pouvoir à découvrir d’autres choses, voir si on tient le coup sur 25 km. »
Randonnée bucolique le long de la Seine entre l’Île-de-France et la Normandie
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© Enlarge your Paris
Tous deux se sont inscrits à la première balade de la série « De Paris à la mer au fil de la Seine« . Organisée par le site Enlarge Your Paris, en partenariat avec l’Entente Axe Seine et la Métropole du Grand Paris, le circuit invite à franchir symboliquement la frontière entre l’Île-de-France et la Normandie, en suivant les méandres du fleuve vers les paysages immortalisés par Claude Monet à Giverny. Au programme de cet automne, cinq micro-aventures pédestres d’une vingtaine de kilomètres de gare à gare, jusqu’au final du Havre.
Le défi des 25 kilomètres : un effort loin d’être anodin
Si l’image de la randonnée évoque encore pour beaucoup des personnes à cheveux blancs, la réalité du terrain est en pleine mutation. Un boom de la randonnée chez les moins de 30 ans, qui est absolument incroyable, est observé, transformant la marche en un véritable phénomène de société. Loin d’être réservée aux séniors, la randonnée est désormais un sport qui est aussi accessible à tout le monde, attirant de plus en plus de jeunes adultes en quête d’évasion et de défi personnel.
Lara Martin (31 ans) et son compagnon Antony Loeuk (35 ans) lors de leur toute première randonnée sur les boucles de la Seine
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© Didier Morel : France 3 Paris IDF
Au-delà de l’effort, l’envie de découvrir des nouveaux paysages. L’itinéraire bucolique le long de la Seine, par exemple, permet de traverser la frontière entre l’Île-de-France et la Normandie, offrant un calme remarquable, « le tout dans un décor de champs, de forêts et de panoramas de cartes postales » promettent les organisateurs.
C’est certain, il est inutile d’attendre d’avoir des cheveux blancs pour commencer la rando. La marche ce n’est pas que pour les séniors, c’est aussi pour les jeunes !
Clément Lhommeau, cofondateur de Helloways
Du confinement à l’influence : la rando devient « obligatoire »
Ce regain d’intérêt s’ancre dans la période du Covid et des confinements (2020-2021). Vianney Delourme, cofondateur du site Enlarge Your Paris, insiste sur la nécessité de s’évader : « La randonnée, c’est une nécessité pour tous les âges. C’est obligatoire de se barrer de la ville. » Il ajoute que cette prise de conscience se fait « lorsqu’on étouffe en ville et qu’on a besoin de voir des espaces verts pour se sentir bien ».
Heureusement, l’évasion est rendue « super accessible » grâce au réseau de transport en commun en Île-de-France. Enlarge Your Paris parle depuis dix ans de l’utilisation du Pass Navigo pour la randonnée, et le Navigo, associé au confinement, a fait de la randonnée « un truc très partagé ». Certains parcours, comme celui entre Rosny-sur-Seine et Vernon, sont accessibles en train, même si les marcheurs doivent faire attention à la validité du pass Navigo au-delà de la dernière gare francilienne.
L’accessibilité est aussi amplifiée par la viralité en ligne. Les réseaux sociaux ont tout changé, avec de plus en plus d’influenceurs de randonnée, de médias qui partagent des itinéraires. Ces images de balade « à 1h de Paris » transforment l’Île-de-France en un lieu où on pouvait s’évader, respirer, marcher sans le quitter.
Parmi les pionnières, Candice Poitrey. La jeune marcheuse a sillonné le GR1, un sentier qui fait le tour de l’Île-de-France, soit 550 km. « C’est un sentier balisé qui a la particularité d’être découpé de gare à gare et de nous offrir 20 randos d’une journée accessibles en RER, Transilien ou TER. » Avec la publication sur les réseaux de son périple, la trentenaire a permis de développer un imaginaire qui n’existait pas jusque-là pour beaucoup de gens.
Rapidement d’autres trentenaires ont amplifié le phénomème en défrichant des itinéraires comme la micro-aventure de la traversée de l’Epte et en créant un site Helloways. Pour Clément Lhommeau, son cofondateur : « “la marche ce n’est pas que pour les personnes âgées, les seniors, c’est aussi pour les jeunes. Je pense particulièrement en Île-de-France où on a un réseau de transports en commun qui permet à des gens qui n’ont pas forcément de voiture d’accéder à des espaces naturels comme celui-là. En randonnée, on se calme, on est lent et on prend un peu de temps pour soi.”
Un phénomène à consolider
Le boom est confirmé par les chiffres. La Fédération française de randonnée pédestre a bien compris le phénomène. Son président Frédéric Montoya explique : « En 2020, on comptait 27 millions de pratiquants occasionnels. Aujourd’hui, on est à 30 millions dont 5 millions de réguliers. La France, c’est 227 000 km de sentiers balisés, les fameux GR. » Avec plus de 8 000 km en Ile-de-France.
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Ce nouvel engouement, bien qu’agréable à observer, soulève de nouveaux défis sociétaux. Vianney Delourme souligne qu’il faut désormais « réfléchir à des manières d’ouvrir des nouveaux sentiers de continuer à les entretenir aussi ». Cet entretien demande « beaucoup de boulot, ça demande de l’argent et beaucoup de bénévoles ».
Pour ceux qui hésitent encore, la randonnée est aussi excellente pour la santé, favorisant le renforcement musculaire et osseux et la dépense calorique. Comme le rappelle Lara Martin : « On met ses baskets, peu importe l’âge, et en plus c’est gratuit ». Le plus dur est souvent de se lancer, surtout un dimanche matin où l’on est parfois « un peu ronchon ». Mais, la trentenaire confirme : « Une fois lancé, ça vaut vraiment la peine ».