C’est l’une des séries les plus attendues de cet automne… et elle est consacrée à l’un des tueurs en série les plus glaçants des États-Unis. Après les deux premiers chapitres de leur anthologie Monstre consacrée à Jeffrey Dahmer et aux frères Menendez, qui avaient captivé tout autant que divisé le public et la critique, Ryan Murphy et Ian Brennan se sont penchés sur le cas d’Ed Gein dans ce troisième volet mis en ligne le 3 octobre sur Netflix.
Surnommé « le boucher » ou « la Goule de Painfield », du nom de la petite bourgade du Wisconsin où il a commis ses macabres forfaits, ce meurtrier fétichiste et nécrophile a terrorisé l’Amérique des années 1950, accédant ainsi au triste statut de première célébrité criminelle. Il est le « monstre originel » (comme cette saison était d’abord titrée) qui a très vite inspiré les psychopathes mythiques du grand écran : Norman Bates dans Psychose, Leatherface dans Massacre à la tronçonneuse ou encore Buffalo Bill dans Le Silence des agneaux. Et acté le début de la fascination populaire pour les tueurs en série.
Au-delà du sanglant parcours d’Ed Gein (incarné par Charlie Hunnam), ces dix épisodes s’attachent d’ailleurs à explorer son influence sur l’industrie du cinéma et l’imaginaire collectif. Ils sont ainsi ponctués de nombreuses mises en abîme, où se croisent Alfred Hitchcock (Tom Hollander), Anthony Perkins (Joey Pollari) et autres figures hollywoodiennes pendant la conception de leurs films.
Problème : ces allers-retours entre la vie du criminel et les plateaux de tournage, qui brouillent la frontière entre la fiction et la réalité, peinent à convaincre, entretenant une certaine confusion dans le récit. Lequel ne parvient pas à choisir entre réflexion sur le voyeurisme et plongée dans l’esprit brisé d’un homme, traumatisé par une mère abusive. Fascinante à défaut d’être subtile (la faute à une mise en scène très appuyée et une musique omniprésente), cette auscultation de la psyché Ed Gein reste la partie la plus réussie de la série. Car elle interroge sur la fabrique d’un monstre, qui s’est révélé au monde en novembre 1957.
La maison des horreurs découverte à Plainfield
C’est à cette date que la disparition de Bernice Worden, 58 ans, qui tient la quincaillerie de Plainfield, alerte les policiers. Différents indices les amènent à perquisitionner la ferme d’Ed Gein, un quinquagénaire solitaire et timide. Ils y découvrent non seulement le cadavre décapité et éviscéré de la commerçante accroché au plafond mais aussi le corps découpé de Mary Hogan, la propriétaire d’une taverne disparue trois ans plus tôt.
Pire : la maison se révèle un véritable musée des horreurs, recelant des restes humains transformés en vaisselle, objets de décoration et autres accessoires : bols à soupe creusés dans des crânes, abat-jour, assises de chaise, corset et jambières en peau… Les enquêteurs trouvent aussi des masques faciaux ainsi qu’une ceinture de mamelons et une boîte à chaussures contenant des vulves séchées. La pièce la plus effroyable de cette abominable exposition ? Un costume de femme, conçu en chair humaine !
Ed Gein avoue rapidement les meurtres de Bernice Worden et Mary Hogan, ainsi que la profanation des tombes de femmes ressemblant selon lui à sa mère, décédée en 1945. C’est pour essayer de « devenir elle » qu’il a fabriqué le sanglant costume, confesse-t-il. Car il vénérait autant qu’il craignait celle qui l’avait élevé dans la détestation des femmes…Une enfance sous emprise
Né le 27 août 1906 à La Crosse, Ed Gein est le second fils de Georges, un chômeur alcoolique, et d’Augusta, une épicière fanatiquement bigote, qui fait régner sa dure loi dans le foyer. Méprisant son époux, elle ne se prive pas d’insulter aussi Ed et son aîné Henry. Elle les abreuve de lectures sur le divin châtiment, professant que toutes les femmes sont l’incarnation du Diable. Pas question pour eux de les approcher… sous peine d’aller en enfer. Contrainte de les scolariser, elle les décourage de nouer quelques formes d’amitié. Moqué par les autres écoliers qui le jugent trop doux et efféminé, Ed se réfugie dans la lecture pour rompre son isolement…
Un isolement qui s’accentue lorsque sa mère décide de déménager dans une ferme à quelques kilomètres de Plainfield, loin des pêcheurs immoraux de la ville. Dans la foulée, elle retire ses enfants de l’école. Ed a alors 13 ans. Malgré les brimades, il voue une adoration totale à Augusta, la seule femme de son entourage et son seul référent. Pendant des années, il s’efforce donc de lui obéir, se tenant à l’écart des villageois et travaillant à la ferme en compagnie de son frère.
Mais après la mort de leur père en 1940, tous deux acceptent des emplois d’hommes à tout faire. Henry s’émancipe de l’influence de sa mère castratrice et commence à s’inquiéter de l’attachement malsain de son cadet pour elle. Une remise en question qui est probablement la cause de sa mort suspecte le 16 mai 1944, dans un incendie. Ce jour-là, alors que les frères brûlaient la végétation autour de la ferme, le feu serait devenu incontrôlable… Ed aurait alors perdu de vue Henry. Pourtant, il conduit ensuite les policiers à la dépouille de son frère, qui présente des traces de coups sur la tête. Mais le légiste conclut à une mort par asphyxie. Ed n’est pas inquiété et reprend sa vie aux côtés de sa mère adulée.De la Goule… au boucher de Plainfield
Son monde s’écroule le 29 décembre 1945 quand elle décède après plusieurs AVC. À 39 ans, Ed Gein se retrouve pour la première fois seul face à un monde extérieur inconnu et redouté. De quoi le faire basculer peu à peu dans la folie, coincé entre son obsession pour sa mère et sa fascination pour l’interdit féminin, nourrie par la lecture assidue de revues pornographiques mais aussi de manuels d’anatomie et d’essais sur les expériences nazies.
La ferme est à l’image de son esprit fracturé : après avoir scellé les pièces où Augusta vivait pour les transformer en sanctuaire inviolable, il s’installe dans la cuisine et la petite chambre attenante, où il laisse libre cours à ses fantasmes déviants. Pour les concrétiser, il commence à déterrer les corps de femmes récemment inhumées, avant de les rapporter chez lui.
Et s’il a par la suite juré ne les avoir jamais profané sexuellement (« ils sentaient trop mauvais »), il semble n’avoir éprouvé aucune culpabilité à les dépecer pour fabriquer sa sinistre collection. Mais bientôt, il ne trouve plus dans les cimetières la matière nécessaire à sa réalisation. Il commence alors à tuer. il est ainsi soupçonné d’être impliqué dans les disparitions de Georgia Weckler, une fillette de 8 ans, Evelyn Grace Heartley, une baby-sitter de 14 ans, et de Victor Travis et Tay Burgess, deux chasseurs. Mais seuls les meurtres de Bernice Worden et Mary Hogan lui sont formellement attribués au terme de son procès.Ed Gein est déclaré schizophrène et interné
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Arrêté le 17 novembre 1957, Ed Gein subit à la demande de son avocat une évaluation psychiatrique qui le diagnostique schizophrène. Le 6 janvier 1958, le tribunal le déclare inapte à être jugé et il est transféré à l’hôpital central d’État pour les criminels aliénés de Waupun, où il se révélera un patient modèle.
En novembre 1968, ses médecins le déclarent suffisamment rétabli pour se présenter à son procès. Le verdict du jury est rapide et sans appel : Ed Gein est coupable de meurtre au premier degré. Mais le juge Robert H. Gollmar, qui doit se prononcer sur l’état mental du prévenu, conclut finalement à sa non-culpabilité, arguant qu’il était en état d’aliénation mentale au moment des faits. Ed Gein retourne donc à l’hôpital central avant d’être transféré à l’Institut de santé mentale de Mendota, où il décède é le 26 juillet 1984, à 77 ans, d’un cancer du poumon. Il a été enterré dans le cimetière de Plainfield, dans la concession familiale, entre ses parents et son frère Henry. Pour autant, sa mort n’a pas effacé la fascination du grand public ou de Hollywood à son égard. En témoigne cette nouvelle saison de Monstre, d’ores et déjà promise au même succès que les précédentes…
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