Husamettin D. sera donc seul sur le banc des accusés. Seul face aux magistrats et aux jurés de la cour d’appel de Nîmes. Seul aussi – et surtout – face à Gisèle Pelicot, qu’il est accusé d’avoir violée alors qu’elle avait été sédatée par son mari. Condamné en première instance à neuf ans de réclusion criminelle, cet homme de 44 ans est donc le seul, parmi les « cinquante de Mazan », à avoir fait le choix d’un second procès. Seize autres hommes avaient interjeté appel avant de renoncer. « Mon client a toujours dit et répété qu’il n’avait pas l’intention de violer cette femme, précise son avocate, Me Sylvie Menvielle. Il a la volonté de pouvoir expliquer ce qu’il a vécu, qu’il a été dépassé par la personnalité de M. Pelicot. »

Il faut se replonger dans ses notes, faire un effort de mémoire pour se souvenir de la silhouette de cet ouvrier en BTP, marié et père d’un enfant trisomique. En septembre 2024, l’homme, affaibli par une polyarthrite déformante, s’était présenté à la barre boitant, prenant appui sur une canne, le visage dissimulé sous un masque chirurgical. Pendant l’instruction puis tout au long du procès, il n’a eu de cesse de nier les accusations portées à son encontre. « Je n’accepte pas qu’on me traite de violeur. Je ne suis pas un violeur, c’est un truc trop lourd à porter », avait-il clamé à la barre. Et d’insister : « C’est son mari, j’ai jamais pensé que ce type-là, il pouvait faire ça à sa femme. »

« Comment voulez-vous que j’imagine que cette dame était dans cet état ? »

Les faits pour lesquels il est jugé remontent à la nuit du 28 au 29 juin 2019. Ce soir-là, son téléphone borne dans le secteur de Mazan entre 21h27 et 3h46 du matin, une temporalité qu’il rejette vivement. Cet homme, qui fréquentait régulièrement des lieux échangistes, a répété à la barre qu’il pensait avoir affaire à un « couple libertin ». « Je suis allé là-bas pour un plan à trois consenti. Comment voulez-vous que j’imagine que cette dame était dans cet état ? », s’était-il désolé. Comme de nombreux coaccusés, il n’a eu de cesse de clamer « être tombé dans un piège ». « Il m’a dit qu’ils étaient mariés depuis longtemps et qu’ils pratiquaient l’échangisme », insiste-t-il.

Face à la cour criminelle du Vaucluse, l’homme avait affiché une défense souvent maladroite, n’hésitant pas à se désigner comme étant lui-même une « victime » de Dominique Pelicot, déplorant longuement les conséquences de cette affaire sur sa vie. « Ma tête est mise à prix, ils veulent me pendre sur la place publique », avait-il déclaré.

Husamettin D. a pourtant reconnu avoir nourri des doutes très rapidement. « J’ai commencé les préliminaires, j’ai vu qu’il n’y avait pas de réaction. J’ai dit : « elle est morte ta femme ». Il m’a dit : « non, tu te fais des films ». Il l’a pénétrée et elle a un peu levée la tête. » Les deux hommes se sont affairés pendant près d’une heure sur le corps inerte de la victime. Sur les vidéos enregistrées par Dominique Pelicot, Husamettin D. chuchote, se déplace sur la pointe des pieds, s’arrête au moindre mouvement.

« Je reconnais que c’est un viol »

Il a reconnu avoir compris que Gisèle Pelicot n’était pas en mesure de consentir lorsque son mari a soulevé sa jambe pour faciliter un acte sexuel. Pourquoi n’est-il pas parti immédiatement ? Comme d’autres accusés, Husamettin D. avait affirmé être resté par crainte de la réaction du septuagénaire, se disant sous son emprise. A une magistrate de la cour qui lui a fait remarquer que le viol se définit par toute pénétration sexuelle commise « par violence, contrainte, menace ou surprise », il admet : « Maintenant je reconnais que c’est un viol ».

Pour autant, son avocate avait plaidé l’acquittement, provoquant l’une des rares colères de Gisèle Pelicot pendant le procès. La septuagénaire, devenue un symbole des violences faites aux femmes, a même quitté la pièce lorsque la conseil a suggéré que les vidéos « révèlent un jeu sexuel à trois » et qu’on pouvait la voir faire « un mouvement du bassin pour se positionner ». « Il veut faire entendre sa voix, démontrer que le dossier est bien plus complexe qu’il n’y paraît », insiste Me Sylvie Menvielle. Mais la démarche est risquée puisqu’il encourt jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle.